CASSATION et DESIGNATION DE JUGE sur le pourvoi formé par :
- le procureur général près la cour d'appel d'Angers,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de ladite cour d'appel, en date du 20 mai 1992, qui, dans l'information suivie contre René X... et Hervé Y... des chefs d'abstention de porter secours à personne en péril et homicide involontaire, a dit qu'il n'y avait lieu à annulation d'actes de l'information.
LA COUR,
Vu l'ordonnance en date du 3 juin 1992 par laquelle le président de la chambre criminelle a, en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, prescrit l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 171, 172 et 687 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu que la procédure définie par l'article 687 du Code de procédure pénale doit être engagée d'office par le procureur de la République dès le moment où l'officier de police judiciaire est mis en cause et se trouve, par suite, au sens dudit article, susceptible d'être inculpé d'un crime ou d'un délit commis dans la circonscription où il est territorialement compétent ; que ces dispositions sont d'ordre public et qu'il est du devoir des juridictions d'instruction ou de jugement d'en faire d'office assurer le respect ;
Attendu qu'il résulte de la procédure qu'à la suite de la plainte avec constitution de partie civile de Janine Z..., veuve A..., portée pour abstention de porter secours à personne en péril et homicide involontaire en raison du décès de son mari, survenu dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Mamers, le procureur de la République du Mans a présenté requête en désignation de juridiction à la Cour de Cassation, l'adjudant de gendarmerie René X..., officier de police judiciaire étant susceptible d'être inculpé des délits dénoncés, commis dans la circonscription où il est territorialement compétent ; que, par arrêt du 26 octobre 1988, la chambre criminelle a désigné le juge d'instruction d'Angers pour être chargé de l'information pouvant être ouverte contre cet officier de police judiciaire ;
Qu'après ouverture de celle-ci, le juge d'instruction d'Angers a, le 23 février 1990, inculpé le gendarme Hervé Y..., officier de police judiciaire à la même brigade, dont la qualité apparaissait dans un procès-verbal du 2 septembre 1988, sans qu'ait été provoquée une nouvelle désignation de juridiction ;
Que c'est par arrêt du 18 décembre 1991 que, sur nouvelle requête du ministère public, la Cour de Cassation a, de nouveau, désigné le juge d'instruction d'Angers pour instruire tant à l'égard du gendarme Y... que d'un autre officier de police judiciaire ;
Attendu que, saisie en vertu de l'article 171 du Code de procédure pénale, pour se prononcer sur la régularité des actes de l'information relatifs au gendarme Y... avant l'arrêt de désignation du 18 décembre 1991, la chambre d'accusation, énonçant que l'arrêt de la Cour de Cassation du 23 février 1990 permettait au juge d'instruction désigné, en raison de sa saisine, d'informer contre l'inculpé susnommé, a refusé l'annulation du procès-verbal d'inculpation de celui-ci et des actes subséquents de la procédure s'y référant ;
Mais attendu que l'application des dispositions de l'article 687 du Code de procédure pénale déroge aux règles ordinaires de compétence et est commandée par la qualité de la personne mise en cause ; que, si le juge d'instruction peut, en vertu de la connexité ou de l'indivisibilité, informer à l'égard des complices ou coauteurs de cette dernière, cette faculté cesse lorsque se découvre qu'une personne entrant dans les prévisions de l'article 687 précité mais qui n'avait pas été visée dans l'arrêt de désignation initial, est susceptible d'être inculpée ; qu'il ne saurait informer à son encontre sans en avoir été expressément chargé par la Cour de Cassation ;
D'où il suit que la chambre d'accusation a méconnu les textes et principes susvisés et que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Angers, du 20 mai 1992, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes ;
Et attendu qu'il y a lieu, en raison de la cassation ainsi prononcée, de rectifier les désignations faites par les arrêts de cette Cour du 26 octobre 1988 et 18 décembre 1991 ;
Vu l'article 687 du Code de procédure pénale ;
DESIGNE le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Rennes pour être chargé de l'information suivie contre René X..., Hervé Y... et Jean-Paul B....