AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE,
a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Marie X..., domicilié ..., boîte postale 20 à Gentilly (Val-de-Marne),
en cassation d'un arrêt rendu le 13 novembre 1987 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section B), au profit de la société L'Expertise automobile, société anonyme dont le siège est ... (3e),
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 juin 1992, où étaient présents : M. Cochard, président, M. Ferrieu, conseiller rapporteur, MM. Guermann, Saintoyant, Vigroux, Zakine, Monboisse, Mme Ridé, MM. Carmet, Merlin, conseillers, M. Aragon-Brunet, Mlle Sant, M. Fontanaud, conseillers référendaires, M. Kessous, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Ferrieu, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société L'Expertise automobile, les conclusions de M. Kessous, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
! Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 1987), que M. X..., engagé le 1er novembre 1981 par la Société d'édition de l'expert automobile et matériel industriel (SEEAMI), entreprise éditant une revue, "L'Expert automobile", en qualité de VRP, rémunéré à la commission, par contrat prévoyant une clause de non-concurrence en cas de rupture, a été licencié par lettre du 20 novembre 1982, avec préavis d'un mois, pour négligences graves dans l'envoi des documents comptables et pour chiffre d'affaires insuffisant, le quota mensuel contractuel n'ayant jamais été atteint ;
Attendu qu'il fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors, selon le moyen, que l'insuffisance professionnelle d'un salarié ne peut justifier une mesure de licenciement que si elle atteint un certain seuil de gravité ; que la cour d'appel, en se bornant à constater que le contrat devait être résilié si le quota de 150 000 francs de chiffre d'affaires hors taxe n'était pas atteint, et que le salarié avait reçu des mises en garde de son employeur, sans rechercher quel avait été le quota effectif de ce salarié, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, d'une part, que le quota contractuel, accepté par le salarié et dont la réalisation était une condition de la poursuite du contrat de travail, n'avait jamais été atteint, malgré les mises en garde adressées par l'employeur, d'autre part, qu'en dépit de plusieurs rappels, le salarié n'avait pas respecté les instructions de son employeur relatives à l'envoi de rapports hebdomadaires réguliers, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient des dispositions de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, par un arrêt motivé, que le licenciement du salarié procédait
d'une cause réelle et sérieuse ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois dernières branches, qui sont préalables :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié de ses demandes en paiement de contrepartie pécuniaire de clause de non-concurrence, d'un complément de préavis et d'une indemnité spéciale de rupture, alors, selon le pourvoi, que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que la cour d'appel, qui énonce que la revue "L'Expert automobile" et ses suppléments bénéficiaient depuis leur création de l'inscription à la commission paritaire de presse qui leur a attribué le n° 58116, que son code APE est le 5120, alors que ces éléments n'étaient pas dans le débat, a violé l'article 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, subsidiairement, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ; que l'arrêt, qui n'écarte pas de la procédure des éléments de preuve adressés à la cour d'appel, postérieurement à la date à laquelle les débats ont été clos, et qui a statué au vu de ces éléments, a violé l'article 445 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, en tout état de cause, le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ; que la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits hors des débats ou sur des faits soumis aux juges, alors que les débats étaient clos et que la cause avait été mise en délibéré, a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, d'une part, il ressort des conclusions d'appel de la société que celle-ci soutenait être une entreprise de presse dont l'activité n'était pas soumise, à l'époque, à l'application de la convention collective des VRP, ce qui n'est pas contesté ; que la discussion sur l'application de ladite convention collective était donc dans le débat ; que, d'autre part, c'est le salarié qui a pris
l'initiative, sans y être invité, d'adresser à la cour d'appel une note en délibéré à laquelle l'employeur s'est borné à répondre, sans qu'il soit établi qu'il ait fait état d'éléments nouveaux non évoqués oralement lors des débats ; que les trois dernières branches du moyen ne peuvent donc être accueillies ;
Sur les deux premières branches du second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté le salarié des demandes susvisées, au motif qu'il incombe au salarié, qui revendique le bénéfice d'une convention collective, de rapporter la preuve de son applicabilité à l'entreprise dont il fait partie, alors que, selon le moyen, d'une part, si la charge de la preuve d'un usage ou d'une convention particulière pèse sur le salarié, il incombe en revanche aux juges du fond de rechercher si, au regard de l'activité principale de l'employeur, celui-ci entre dans le champ d'application d'une convention collective dont se prévaut le salarié ; que la cour d'appel, qui a énoncé qu'il incombe au salarié qui revendique le bénéfice d'une convention collective de rapporter la preuve de son applicabilité à l'entreprise dont il fait partie, a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile et L. 135-1 et suivants du Code du travail ; alors que, d'autre part, la
convention collective nationale des VRP du 2 octobre 1975, étendue par arrêté du 20 juin 1977, s'appliquant aux entreprises ayant une activité d'édition, secteur représenté au sein de l'organisation patronale signataire, cette convention collective s'impose aux parties ; que la cour d'appel, en refusant de l'appliquer, a violé les articles L. 132-1 et suivants du Code du travail et 12, 14 et 17 de ladite convention collective ;
Mais attendu que la cour d'appel, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve fournis par les parties, abstraction faite d'un motif surabondant et sans faire peser sur le salarié la charge de la preuve, a décidé que l'activité principale de la société relevait de la presse et non de l'édition ; qu'elle a pu déduire de ces éléments que,
tant lors de la conclusion, que de l'exécution, ou au moment de la rupture du contrat de travail, la convention collective des VRP n'était pas applicable à l'entreprise ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X..., envers la société L'Expertise automobile, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. Guermann, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement de M. le président empêché, en son audience publique du trente septembre mil neuf cent quatre vingt douze.