REJET du pourvoi formé par :
- le Groupe Azur, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, 4e chambre, du 5 juillet 1991, qui, dans la procédure suivie contre Francis X... pour blessures involontaires, a dit cet assureur tenu à garantie.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 112-2, L. 112-3 du Code des assurances, 1341 du Code civil, 385-1, 485, 512 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le Groupe Azur à garantir les conséquences dommageables de l'accident causé par Francis X... le 8 septembre 1989 ;
" aux motifs que l'agent général d'assurances, M. Y..., a déclaré, lors de son audition, que Christian X... était assuré chez lui pour seize véhicules mais qu'aucun de ceux en cause n'était assuré chez lui ; qu'ensuite par une attestation du 30 janvier 1990, il a affirmé le contraire ; que devant la Cour sont contestées par le Groupe Azur les couvertures d'assurances pour le bulldozer et pour l'ensemble agricole mais que par ailleurs les prévenus soutiennent être assurés ; qu'ils font valoir qu'un grand désordre règne dans le cabinet de l'agent général et qu'en réalité un contrat a dû être passé pour obtenir la couverture du bulldozer, mais que l'agent général n'a pas fait établir les documents contractuels malgré certains versements ; que, par ailleurs, Christian X... produit un document signé de M. Y..., daté du 10 mars 1990, sur papier à en-tête du Groupe Azur attestant la couverture de l'entreprise en responsabilité civile professionnelle ; que plus particulièrement concernant le bulldozer, Christian X... produit une proposition d'assurance où manifestement les dates d'effet et d'établissement ont été surchargées par apposition d'un 9 au-dessus d'un 5 sur le quantième du mois pour lire comme date d'effet et d'établissement le 11 septembre 1989 au lieu du 11 mai 1989 ; qu'il est incontestable que Christian X... qui ne négligeait pas le paiement de ses primes, avait voulu s'assurer pour le bulldozer ; qu'en conséquence, la Cour estime qu'en ce qui concerne cet engin, Christian X... était bien assuré au moment de l'accident ; qu'en ce qui concerne l'ensemble agricole lui-même, l'établissement des documents par l'agent d'assurance postérieurement à l'accident ne permet pas, compte tenu de ce qui précède et du désordre qui règne dans ses affaires et sa comptabilité, d'affirmer avec certitude que le prévenu n'était pas assuré auparavant ; qu'en ce qui concerne la réparation des dommages, dès lors que l'engin bulldozer avait quitté son plateau et s'était retrouvé sur la chaussée animé d'un mouvement qui le faisait se déplacer et se comporter comme un véhicule, sans qu'il soit nécessaire de rechercher s'il était mû par une force mécanique ou par gravité, il doit être considéré comme le véhicule impliqué dans l'accident au sens de la loi du 5 juillet 1985 ; que, dès lors, en raison de ceci et de ce qui précède, le Groupe Azur est tenu à garantie malgré les malversations de M. Y... ;
" 1°) alors qu'il n'y a de contrat d'assurance qu'autant qu'un écrit le constate ; que la preuve du contrat d'assurance ne peut se faire par témoignages ou présomptions ; qu'en se fondant uniquement sur des attestations et des présomptions de fait, sans relever l'existence du moindre contrat écrit conclu antérieurement aux faits litigieux, la cour d'appel qui a retenu la garantie du Groupe Azur, a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; que le Groupe Azur avait développé, dans ses conclusions, qu'à supposer, ce qui n'était pas le cas, qu'un contrat existe, celui-ci ne pouvait recevoir application, le conducteur du tracteur n'ayant pas justifié, au moment des faits, être titulaire d'un permis de conduire conforme à la législation en vigueur ; qu'en ne répondant par aucun motif à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a encore méconnu les textes susvisés " ;
Sur la première branche :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Francis X..., préposé de son frère Christian, conduisait le 8 septembre 1989 un ensemble agricole composé d'un tracteur et d'une remorque lorsqu'un bulldozer transporté sur cette dernière, rompant son amarre, est tombé sur la route en pente et, en roulant, a heurté Marie-Jeanne Z... qui a été grièvement blessée ;
Attendu que, sur les poursuites exercées contre Francis X... pour blessures involontaires et sur la constitution de partie civile de la victime, le Groupe Azur, auprès duquel Christian X... avait fait assurer plusieurs véhicules lui appartenant par l'intermédiaire de l'agent général Daniel Y..., a soulevé une exception de non-garantie en soutenant que la preuve n'était pas apportée de ce que l'ensemble agricole et le bulldozer aient été couverts par une assurance ;
Attendu que, pour écarter cette exception, les juges d'appel, après avoir énoncé, en un motif non critiqué par le demandeur au pourvoi, que seul le bulldozer était impliqué dans l'accident, retiennent que la preuve du contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile liée à l'usage de ce véhicule résulte de divers indices, tels que la souscription d'une proposition d'assurance afférente à cet engin, le versement de certaines sommes à l'agent général et une attestation délivrée par celui-ci postérieurement au sinistre ;
Attendu que ces motifs sont justement critiqués par le demandeur dès lors que l'article L. 112-3 du Code des assurances, dont les dispositions sont d'ordre public, subordonne la preuve du contrat d'assurance à la rédaction d'un écrit ;
Attendu, cependant, que, selon l'article L. 511-1 du même Code, l'assureur est civilement responsable, dans les termes de l'article 1384 du Code civil, du dommage causé par la négligence de son mandataire, agissant en cette qualité, dans la présentation d'une opération d'assurance, ledit mandataire étant alors considéré comme un préposé ; qu'à cet égard l'arrêt relève qu'un grand désordre régnait dans le cabinet de Daniel Y..., lequel, saisi par Christian X... d'une proposition d'assurance du bulldozer, n'avait pas fait établir les documents contractuels, malgré des versements effectués par le souscripteur à cet effet ;
Attendu qu'en l'état de ces éléments de fait souverainement constatés par la cour d'appel et d'où il résulte que l'agent général, mandataire du Groupe Azur, a, dans la présentation d'une opération d'assurance, commis une faute préjudiciable à Marie-Jeanne Z..., l'assureur est tenu, en application de l'article L. 511-1 précité, d'indemniser la victime, sauf son recours, s'il échet, contre Daniel Y... ; que, par ces motifs de pur droit substitués à ceux des juges du fond, la décision se trouve justifiée ;
D'où il suit qu'en sa première branche le moyen doit être écarté comme inopérant ;
Sur la seconde branche :
Attendu que le demandeur reproche vainement à la juridiction d'appel de n'avoir pas examiné l'exception de non-garantie tirée de ce que le prévenu n'aurait pas été titulaire d'un permis de conduire en état de validité, dès lors qu'il résulte de la combinaison des articles R. 211-10 et R. 211-13 du Code des assurances que l'exclusion de garantie prise du défaut de permis de conduire n'est pas opposable aux victimes, et que, selon l'article 385- l du Code de procédure pénale, une telle exception n'est pas recevable devant la juridiction pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.