REJET des pourvois formés par :
- X... Raymond,
- Y... Thomas, civilement responsable,
- la compagnie d'assurances allemande Agrippina, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, du 16 mai 1991, qui, dans la procédure suivie contre Raymond X... pour blessures involontaires, a reçu Paul Z... en sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux demandeurs et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 451-1 du Code de la sécurité sociale, 1er de la loi du 5 juillet 1985, 2 et 591 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Z..., a dit X... tenu à indemnisation intégrale de la victime, et a reconnu Y... civilement responsable ;
" aux motifs que bien que s'agissant, en l'espèce, d'un accident de trajet, est applicable l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, qui édicte :'les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres'; c'est donc à tort que le premier juge a déclaré irrecevable la demande, en invoquant la législation sociale, qui empêcherait la victime d'un accident de trajet d'agir contre le préposé ou le commettant devant une juridiction de l'ordre judiciaire pour réclamer l'indemnisation des préjudices subis selon le droit commun " ;
" alors qu'en matière d'accident du travail ou d'accident de trajet, la victime salariée bénéficie en vertu de la législation sociale française, applicable en l'espèce, d'une réparation forfaitaire et n'est pas recevable à réclamer sur la base du droit commun la réparation de son préjudice à son employeur ou à son copréposé ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Z... avait été victime d'un accident de trajet et agissait en réparation contre son copréposé et son commettant ; qu'en accueillant sa constitution de partie civile et condamnant ledit copréposé à réparation intégrale sous la responsabilité civile du commettant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'une collision s'est produite entre l'automobile de Raymond X..., qui avait quitté sa droite, et celle d'Albert A... qui circulait en sens inverse ; que Paul Z..., transporté dans le premier de ces véhicules, a été blessé ; que l'accident revêt pour lui le caractère d'un accident de trajet, l'intéressé revenant de son lieu de travail à son domicile dans la voiture de son copréposé Raymond X... ;
Attendu que, sur les poursuites exercées contre ce dernier pour blessures involontaires, la victime s'est constituée partie civile et a demandé la réparation de son préjudice en mettant en cause divers organismes qui lui avaient versé des prestations ; que Thomas Y..., employeur du prévenu, a été cité comme civilement responsable, et que son assureur, la compagnie Agrippina, est intervenue à l'instance ; que le prévenu, le civilement responsable et l'assureur ont contesté la recevabilité de la constitution de partie civile en soutenant que, s'agissant d'un accident du travail, l'article L. 454-1 du Code de la sécurité sociale faisait obstacle à cette constitution ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, les juges d'appel retiennent que, " bien qu'il s'agisse en l'espèce d'un accident de trajet ", Paul Z... est recevable à solliciter la réparation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que ce dernier motif est justement critiqué par les demandeurs dès lors que la loi précitée n'a apporté aucune dérogation aux dispositions du Code de la sécurité sociale relatives aux accidents professionnels ;
Attendu, cependant, qu'il résulte de l'article L. 455-1 de ce Code que les dispositions de son article L. 451-1- selon lesquelles aucune action indemnitaire ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime d'un accident du travail contre son employeur ou un copréposé-ne sont pas applicables en matière d'accident de trajet ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui des juges du fond, la décision se trouve justifiée ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté comme inopérant ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.