CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Rémy,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, du 17 octobre 1991, qui, pour exercice illégal de la pharmacie, l'a condamné à 15 000 francs d'amende, a ordonné la confiscation des produits saisis et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 30 et 36 du traité de Rome, des articles L. 511, L. 512 et L. 517 du Code de la santé publique, ensemble l'arrêt interprétatif de la Cour de justice des Communautés européennes du 21 mars 1991 et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la législation nationale compatible avec les dispositions du traité de Rome et déclaré en conséquence le prévenu coupable d'exercice illégal de la pharmacie ;
" aux motifs, d'une part, que l'arrêt Y... du 30 novembre 1983 de la Cour de justice des Communautés européennes qui a répondu à la question préjudicielle sur le monopole de fabrication et de vente en gros et au détail au profit des pharmaciens nationaux pour certains " produits frontières " a, dans ses attendus 37 et 38, énoncé : " dans la mesure où des incertitudes subsistent en l'état actuel de la recherche scientifique, il appartient aux Etats membres, à défaut d'harmonisation, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection et la vie des personnes, tout en tenant compte des exigences de la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la Communauté... une réglementation nationale... est dès lors, dans son principe, justifiée au sens de l'article 36 du Traîté pour des raisons de protection de la santé humaine, même si les divers Etats membres ont adopté des solutions divergentes (arrêt p. 4, paragraphes 3 et 5) ;
" alors que, statuant à titre préjudiciel en vertu de l'article 177 du traité de Rome sur la demande d'interprétation formée par une cour d'appel des articles 30 et 36 du même Traîté et sur la compatibilité avec lesdits articles du monopole pharmaceutique, la Cour de justice des Communautés européennes, par un arrêt du 21 mars 1991, a dit pour droit qu'" en l'état actuel du droit communautaire, la détermination des règles relatives à la distribution des produits pharmaceutiques demeure de la compétence des Etats membres, sous réserve du respect des dispositions du Traité et, notamment, de celles concernant la libre circulation des marchandises " ; " (qu') un monopole, conféré aux pharmaciens d'officine, pour la distribution de médicaments ou d'autres produits peut constituer une entrave aux importations ; " (que), si un Etat membre choisit d'en réserver la distribution aux pharmaciens, une telle entrave est, en principe et sauf preuve contraire, justifiée en ce qui concerne les médicaments au sens de la directive n° 65 / 65 CEE du Conseil " ; " (que) s'agissant des autres produits, quelle que soit leur qualification en droit national, il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le monopole conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation est nécessaire à la protection de la santé publique ou des consommateurs et si ces deux objectifs ne peuvent pas être atteints par des mesures moins restrictives du commerce intracommunautaire " ; que cet arrêt interprétatif rendu dans une espèce similaire, présentant à juger les mêmes questions juridiques et à trancher les mêmes conflits de normes s'imposait au juge national de sorte qu'en rejetant les conclusions du prévenu dans lesquelles celui-ci, se prévalant expressément de la jurisprudence précitée, entendait établir l'absence de nécessité ou de proportionnalité du monopole pharmaceutique pour les produits dont la vente lui était reprochée, aux seuls motifs généraux et abstraits qu'une réglementation nationale était " dans son principe " justifiée au sens de l'article 36 du Traité et qu'en l'état actuel du droit national et de la jurisprudence dominante de la Cour de Cassation, le monopole des pharmaciens d'officine devait être protégé au détriment du droit communautaire, la cour d'appel a méconnu l'autorité et la portée des articles 30 et 36 du traité de Rome, privant dès lors la condamnation prononcée à l'encontre du prévenu de base légale au regard des mêmes textes ;
" aux motifs, d'autre part, que " l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 mars 1990, sanctionnant l'arrêt de la cour d'appel de céans du 23 février 1989 qui avait jugé que certains produits ne devaient pas être réservés au monopole des pharmaciens bien qu'il s'agisse de médicaments dès lors que leur utilisation n'était pas susceptible de présenter un danger pour la santé publique, a cassé cet arrêt au motif qu'en se déterminant ainsi alors que les conditions auxquelles elle se réfère (la dangerosité) ne sont pas prévues par la loi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles L. 511 et L. 512 du Code de la santé publique " (arrêt p. 4, paragraphe 4) ;
" alors qu'en s'appropriant les motifs de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 8 mars 1990, antérieurement à l'arrêt précité du 21 mars 1991, motifs de surcroît étrangers à la question de la compatibilité du monopole des pharmaciens avec les normes communautaires, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des textes précités " ;
Attendu que, par des dispositions qui ne sont pas remises en cause par le demandeur, la juridiction du second degré retient que les produits mis en vente par Rémy X..., qui n'a pas la qualité de pharmacien, sont des médicaments, soit par présentation, soit par fonction, soit par fonction et par présentation, au sens de l'article L. 511 du Code de la santé publique et de la directive n° 65 / 65 CEE du 26 janvier 1965 ;
Attendu qu'il résulte des conclusions régulièrement déposées et des énonciations de l'arrêt attaqué que le prévenu demandait aux juges du fond de rechercher si l'extension du monopole pharmaceutique aux produits qu'il a mis en vente n'est pas une mesure disproportionnée avec l'objectif poursuivi ;
Attendu que l'arrêt attaqué ne saurait être censuré pour n'avoir pas procédé à une telle recherche dès lors que, l'entrave apportée aux importations est en principe et sauf preuve contraire à la charge du prévenu, justifiée en ce qui concerne les médicaments ;
Attendu qu'en cet état et abstraction faite du motif erroné mais surabondant justement critiqué par la première branche du moyen, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation subsidiaire, pris de la violation de l'article L. 517 du Code de la santé publique, des articles 4 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué après avoir déclaré le prévenu coupable d'exercice illégal de la pharmacie pour avoir mis en vente un certain nombre de produits qualifiés de médicaments, sans réunir les conditions exigées pour l'exercice de la pharmacie, a prononcé, à titre de sanction pénale, la confiscation au profit de l'Etat des produits saisis ;
" alors que nulle peine ne peut être prononcée si elle n'est prévue par la loi ; qu'en prononçant, sur l'action publique, une mesure de confiscation qui n'est pas prévue par l'article L. 517 du Code de la santé publique, la cour d'appel en a méconnu les dispositions, ensemble celles de l'article 4 du Code pénal " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que nulle peine ne peut être prononcée si elle n'est pas prévue par la loi ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré Rémy X... coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie et l'avoir condamné à 15 000 francs d'amende, a ordonné à titre de peine complémentaire la confiscation des produits saisis ;
Mais attendu que les juges ne pouvaient, sur l'action publique, prononcer une mesure de confiscation qui n'est pas prévue par les textes sanctionnant le délit d'exercice illégal de la pharmacie, alors par ailleurs que cette mesure n'était pas demandée à titre de réparation par la partie civile ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs ;
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 17 octobre 1991, en ce qu'il a ordonné la confiscation des produits saisis, toutes autres dispositions tant pénales que civiles, étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.