CASSATION sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... José,
- Y... Christian,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 octobre 1992, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'infraction aux règles de la facturation, d'abus de biens sociaux, complicité d'abus de biens sociaux, usage de faux, recel d'abus de biens sociaux, a évoqué et désigné un de ses membres afin de poursuivre l'information.
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, du 8 décembre 1992, joignant les pourvois en raison de la connexité et ordonnant leur examen immédiat ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Christian Y... et pris de la violation des articles 170, 197 à 200, 201, 202, 204, 205, 206, alinéa 2, 221-1, 570, 571, 591, 592, 593 et suivants, 685 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, excès de pouvoir et défaut de motifs :
" en ce que la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes a évoqué le dossier de l'instruction et désigné M. Van Ruymbeke pour poursuivre l'information et procéder aux actes d'instruction qui s'avèrent nécessaires ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 221-1 du Code de procédure pénale, lorsqu'un délai de 4 mois s'est écoulé depuis la date du dernier acte d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité, le président de la chambre peut, par requête, saisir cette juridiction qui, dans ce cas, peut, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, soit évoquer, soit renvoyer le dossier au juge d'instruction ou à tel autre pour poursuivre l'information ; qu'il ressort des pièces de la procédure que, par ordonnance du 24 juin 1988, M. Denis, juge d'instruction, a été chargé de l'information ouverte contre X... des chefs d'infractions aux règles de la facturation, fausses factures, abus de biens sociaux et complicité ; qu'aucun acte d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité n'a été entrepris depuis le 8 novembre 1990 ; qu'il apparaît conforme à une bonne administration de la justice d'évoquer le dossier et de confier désormais la poursuite de l'information à un membre de la chambre d'accusation ;
" 1° alors que, d'une part, saisie par requête de son président, la chambre d'accusation ne peut statuer sans respecter les droits de la défense tels que définis par les articles 197 à 199 du Code de procédure pénale ;
" 2° alors que, d'autre part, tant que dure la procédure de renvoi de cassation devant une autre cour d'appel, il est interdit à la chambre d'accusation dont l'arrêt a été cassé de se saisir à nouveau de l'information et d'évoquer un dossier, par définition incomplet, fût-ce par le biais de l'article 221-1 qui est alors inapplicable ;
" 3° alors que, de troisième part, en l'état du renvoi de cassation pendant devant une autre chambre d'accusation, le motif suivant lequel aucun acte d'instruction n'aurait eu lieu depuis plus de 4 mois est inopérant et manque en fait " ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé pour José X... et pris de la violation des articles 197, 198, 199, 221-1, 591, 593 et 611 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense, manque de base légale et défaut de motifs :
" en ce que, dans l'information suivie contre X... des chefs d'infractions aux règles de la facturation, abus de biens sociaux et complicité, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, sur le fondement de l'article 221-1 du Code de procédure pénale, après avoir évoqué, a désigné M. Van Ruymbeke pour poursuivre l'information et procéder aux actes d'instruction qui s'avèrent nécessaires ;
" aux motifs qu'il ressort des pièces de la procédure que, par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Vannes, en date du 24 juin 1988, M. Denis, juge d'instruction, a été chargé de l'information ouverte contre José X... du chef d'infractions aux règles de la facturation, fausses factures, abus de biens sociaux, complicité ; qu'aucun acte d'instruction nécessaire à la manifestation de la vérité n'a été entrepris depuis le 8 novembre 1990 ; qu'il apparaît conforme à une bonne administration de la justice d'évoquer le dossier et de confier désormais la poursuite de l'information à un membre de la chambre d'accusation ;
" alors, d'une part, que les prescriptions des articles 197 à 199 du Code de procédure pénale, dont l'omission constitue une violation des droits de la défense, sont applicables sans restriction, y compris lorsque la chambre d'accusation est saisie par requête de son président en application de l'article 221-1 du même Code ; qu'en décidant de dessaisir le juge d'instruction, après avoir avisé et entendu le ministère public, mais sans avoir avisé l'inculpé, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'aucune inaction injustifiée ne peut être reprochée au juge d'instruction qui sursoit à la poursuite de l'information en attendant que la chambre d'accusation se soit prononcée sur la validité de certains actes ; qu'ainsi, la chambre d'accusation de Rennes ne pouvait pas dessaisir le juge d'instruction qui avait sursis à la clôture de l'information en attendant que la chambre d'accusation de Rennes puis, après cassation, celle de Caen, se prononce, à la demande du procureur de la République, sur les nullités de l'information ;
" alors, en outre, que la chambre d'accusation ne pouvait pas dessaisir le juge d'instruction du dossier sans vérifier au préalable que l'instruction n'était pas matériellement achevée et devait être poursuivie ;
" alors, enfin, qu'en l'état de l'arrêt de cassation intervenu et de la désignation comme juridiction de renvoi de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Caen, laquelle pouvait éventuellement faire usage de son pouvoir d'évocation, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes ne pouvait pas se saisir à nouveau du dossier " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 609 du Code de procédure pénale et L. 131-4 du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que, lorsque la Cour de Cassation annule l'arrêt d'une chambre d'accusation et renvoie la cause et les parties devant une autre chambre d'accusation, celle-ci est substituée à la première pour la poursuite de l'information ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que l'arrêt du 12 décembre 1991, par lequel la chambre d'accusation de Rennes a refusé d'examiner la validité de certains actes d'information visés dans la requête formée par le procureur de la République en application de l'article 171 du Code de procédure pénale, a été cassé, le 7 avril 1992, par la chambre criminelle qui a renvoyé la cause et les parties devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Caen ;
Que le président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes a cependant, en visant l'article 221-1 du Code de procédure pénale, saisi cette juridiction, laquelle, par l'arrêt attaqué, a évoqué et a désigné l'un de ses membres afin de poursuivre l'information ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, alors qu'elle était dessaisie de la procédure par l'arrêt de cassation précité, la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 22 octobre 1992, en toutes ses dispositions ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.