CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
- X... Thierry,
- Y... Marie-Noëlle, épouse X...,
contre deux arrêts de la cour d'appel de Versailles qui, dans les poursuites exercées à leur égard des chefs de faux et usage, abus de confiance, abus de blancs seings, falsification de chèques et recel, ont : 1° l'arrêt du 6 décembre 1989 : rejeté la demande d'annulation de la procédure et renvoyé le ministère public à utiliser la procédure de reconstitution de dossier ; 2° l'arrêt du 4 novembre 1992 : rejeté la demande d'annulation d'actes de la procédure.
LA COUR,
Vu les deux ordonnances du président de la chambre criminelle prescrivant, en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, l'examen immédiat des pourvois ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les deux mémoires produits en demande ;
Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués et des pièces de procédure que, saisie par les appels de toutes les parties du jugement du tribunal correctionnel de Versailles du 18 avril 1988 déclarant Marie-Noëlle X... et Joëlle Z... coupables de faux et usage, abus de confiance, abus de blancs seings, et falsification de chèques et Thierry X... de recel, la cour d'appel, par arrêt avant dire droit du 6 décembre 1989, a constaté la disparition de pièces du dossier de l'information préparatoire et, après avoir rejeté la demande d'annulation de la procédure, a renvoyé le ministère public à faire reconstituer le dossier conformément aux dispositions des articles 81, 648 et 651 du Code de procédure pénale ;
Qu'au vu de l'arrêt précité, le procureur de la République de Versailles a saisi, le 12 juillet 1990, d'un réquisitoire " aux fins d'information et de reconstitution de dossier " le juge d'instruction qui a versé au dossier divers documents et a procédé le 12 février 1991 à l'interrogatoire de première comparution de Marie-Noëlle X... et de Thierry X... ;
Que les prévenus, cités à nouveau devant la cour d'appel pour l'audience du 4 octobre 1989, ont soutenu que les inculpations notifiées le 12 février 1991 étaient nulles, que la disparition des pièces de la procédure portait atteinte aux droits de la défense et devait entraîner l'annulation, qu'enfin la prescription était acquise, le dernier acte interruptif étant le réquisitoire définitif du 31 août 1987 ;
Que la cour d'appel, par l'arrêt du 4 novembre 1992, a rejeté les demandes d'annulation et renvoyé les débats à une date ultérieure ;
En cet état :
Sur le deuxième moyen de cassation proposé dans le premier mémoire produit et pris de la violation des articles 8, 648 et 651 du Code de procédure pénale, 485 et 593 du même Code :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action publique ;
" aux motifs qu'ensuite de l'arrêt précité (6 décembre 1989), sur le vu d'un réquisitoire aux fins d'information et de reconstitution de dossier en date du 12 juillet 1990 du procureur de la République, le juge d'instruction de Versailles a procédé le 12 février 1991 à l'interrogatoire de première comparution de Thierry X... et de Marie-Noëlle Y..., épouse X... ; qu'au surplus, il a été versé au dossier (D. 5) par Me A..., dépositaire des archives de son confrère B..., au cabinet duquel les parties civiles avaient fait élection de domicile, notamment, un extrait du registre du dépôt de consignation de partie civile en date du 27 mars 1980 et concernant un dépôt effectué au nom de M. C..., président-directeur général de la société La Roseraie ; que dans leurs écritures, les époux X... soutiennent que les inculpations intervenues le 12 février 1991 seraient entachées de nullité, la prescription étant acquise du fait que le dernier acte interruptif, le réquisitoire définitif, serait intervenu le 31 août 1987 ; que lesdites inculpations sont intervenues à la suite du réquisitoire précité du 12 juillet 1980 ; qu'ainsi, la prescription ne se trouve pas acquise ;
" alors qu'en l'état de l'arrêt de la cour d'appel du 6 décembre 1989 ayant renvoyé le ministère public à reconstituer le dossier, celui-ci ne pouvait requérir l'inculpation des exposants avant que d'avoir reconstitué ou tenté de reconstituer le dossier ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que dans son réquisitoire en date du 12 juillet 1990 le procureur de la République aurait requis la reconstitution du dossier et l'ouverture d'une information ; que, au vu de l'examen du " réquisitoire aux fins d'information et de reconstitution de dossier ", le procureur de la République n'a en fait que requis l'ouverture d'une information ; qu'en conférant cependant un effet interruptif de prescription à un tel réquisitoire qui était un simple acte d'administration judiciaire si on estime qu'il a requis la reconstitution du dossier et est entaché de nullité s'il a requis une information sans avoir préalablement reconstitué ou tenté la reconstitution du dossier, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, sans qu'il soit besoin de se fonder sur le réquisitoire du 12 juillet 1990, comme les juges ont cru devoir le faire, pour écarter la prescription de l'action publique, celle-ci n'était pas acquise dès lors que la cour d'appel s'est prononcée, par son arrêt du 4 novembre 1992, moins de trois années après l'arrêt du 6 décembre 1989, lui-même interruptif de la prescription ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé par le second mémoire produit et pris de la violation des articles 509, 519, 648 à 651 du Code de procédure pénale, 485, 593 du même Code :
" en ce que la décision attaquée après avoir constaté que diverses pièces du dossier ont été égarées et rejeté la demande d'annulation de la procédure présentée par Thierry X... et par Marie-Noëlle Y... son épouse a, renvoyé le ministère public à utiliser la procédure de reconstitution du dossier conformément aux dispositions des articles 648 et 651 du Code de procédure pénale ;
" alors que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel qui constatait que les actes manquants auraient existé et n'étaient qu'égarés, ne pouvait renvoyer le ministère public à la reconstitution du dossier, mais avait le devoir de trancher l'appel dont elle était saisie, quitte à ordonner elle-même les mesures d'instruction nécessaires si elle ne s'estimait pas suffisamment éclairée pour apporter une solution à l'affaire " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 463 et 512 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon l'article 509 du Code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant ;
Attendu que, s'il y a lieu de procéder à un supplément d'information, la juridiction de jugement commet l'un de ses membres qui dispose des pouvoirs prévus aux articles 151 à 155 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, constatant la disparition, dans la procédure qui lui était soumise, de pièces de l'information préparatoire, la cour d'appel, par son arrêt du 6 décembre 1989, a renvoyé le ministère public à utiliser la procédure de reconstitution, prévue par les articles 648 et 651 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la juridiction du second degré ne pouvait renvoyer le ministère public à cette fin ; que la cour d'appel, devant laquelle, en vertu de l'article 385 du même Code, les vices de la procédure antérieure à la comparution des prévenus devant le tribunal correctionnel ne pouvaient plus être invoqués, devait, si elle estimait ne pas être en état de se prononcer en raison de la disparition d'actes de la procédure, ordonner un supplément d'information dans les conditions prévues par les articles 463 et 512 dudit Code ;
D'où il suit que la cassation de l'arrêt du 6 décembre 1989 est encourue et que, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 4 novembre 1992 doit aussi être prononcée ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens proposés :
CASSE ET ANNULE en ce qui concerne les époux X... :
1° l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 6 décembre 1989 ;
2° l'arrêt de la même cour d'appel du 4 novembre 1992 ;
Et pour qu'il soit statué à nouveau dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.