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06/07/1993 | FRANCE | N°91-83246

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 juillet 1993, 91-83246


REJET des pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
- Z...,
- A...,
- B...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 1991, qui les a condamnés, du chef de diffamations publiques envers un fonctionnaire public, et complicité, X... à 10 000 francs d'amende, Y..., Z..., A..., à 5 000 francs d'amende chacun, B... à 3 000 francs d'amende avec sursis, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attend

u qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal quotidien r...

REJET des pourvois formés par :
- X...,
- Y...,
- Z...,
- A...,
- B...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 30 avril 1991, qui les a condamnés, du chef de diffamations publiques envers un fonctionnaire public, et complicité, X... à 10 000 francs d'amende, Y..., Z..., A..., à 5 000 francs d'amende chacun, B... à 3 000 francs d'amende avec sursis, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le journal quotidien régional Ouest-France, en date du 14 octobre 1988, a révélé qu'un juge d'instruction de Nantes, pour rechercher l'origine d'une blessure occipitale, avait ordonné une expertise médico-légale, consistant notamment à effectuer des tirs de comparaison avec une arme de gros calibre sur cinq têtes de cadavres ;
Que l'information a été reprise le même soir, au journal télévisé de vingt heures d'Antenne 2, par Y..., qui a déclaré : " Que ne ferait-on pas pour les besoins de l'enquête ? A Nantes, un juge d'instruction a eu l'idée pour le moins bizarre et scandaleuse de demander en guise de cibles, pour une expertise balistique, des têtes de cadavres " ;
Attendu que le journal France-Soir, dont X... était directeur de la publication, a publié dans son numéro daté du 15 octobre 1988 un article intitulé " Scandaleux ! Cinq têtes humaines servent de cibles à des fins d'expertise balistique à la demande du juge d'instruction " ;
Attendu que les quotidiens régionaux Presse-Océan et L'Eclair, respectivement dirigés par Z... et par A..., ont publié, dans leurs numéros datés des 15 et 16 octobre 1988, un article intitulé " Macabre expertise ", dans lequel étaient reproduits les propos du professeur B..., directeur du Laboratoire d'anatomie de Nantes, présentant l'expertise comme une " expérience délirante " ;
Attendu que, sur plainte avec constitution de partie civile de C..., premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nantes, des poursuites ont été exercées, des chefs de diffamations publiques envers un fonctionnaire public, contre X..., Y..., Z... et A..., et du chef de complicité de ce délit contre B... ; que ces prévenus, qui n'ont pas offert la preuve de la vérité des faits diffamatoires, ont été déclarés coupables ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation proposé par Y... et pris de la violation de l'article 513 du Code de procédure pénale, de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public à l'encontre de Mme Y... ;
" alors qu'aux termes de l'article 513 du Code de procédure pénale, le prévenu ou son conseil doivent toujours avoir la parole les derniers et qu'il résulte des termes de l'arrêt que les défenseurs de Mme Y..., Me Gate et Me du Grandrut, représentant régulièrement celle-ci n'ont pas eu la parole après les réquisitions du ministère public en sorte que la cassation est encourue pour violation des droits de la défense " ;
Attendu que l'arrêt énonce, à propos du débat au fond, que Mes Louvet et du Grandrut ont plaidé, qu'à 12 heures 55, le président a suspendu l'audience jusqu'à 14 heures, qu'à la reprise de l'audience, le président a constaté la présence de tous les prévenus présents à 9 heures et de la partie civile, que celle-ci a développé ses conclusions, que le ministère public a pris ses réquisitions, que Me Malinconi, Me Stasi, Me Danet ont plaidé, et que " les prévenus présents " ont été " entendus à nouveau et en dernier lieu en leurs moyens de défense " ;
Attendu que ces mentions suffisent à établir que la parole a été donnée en dernier à tous les prévenus, comparants en personne ou représentés par ceux de leurs conseils qui étaient présents à la clôture des débats ;
D'où il suit, en l'absence d'atteinte aux droits de la défense, que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé en termes identiques par X..., Z..., A..., et pris de la violation des articles 83 (en sa rédaction antérieure à la loi du 6 juillet 1989), 662, alinéa 5, et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la désignation du juge d'instruction ;
" aux motifs que la désignation du magistrat instructeur serait irrégulière au motif que c'est le juge d'instruction désigné pour instruire à la date du 3 mai 1989 selon le tableau de roulement applicable à cette date, et non au 29 mai qui est celle de l'arrivée du dossier de la procédure au Parquet du tribunal d'Angers ; qu'il est également soutenu qu'il est indifférent que le magistrat désigné pour instruire à ces deux dates soit le même puisque le tableau de roulement applicable antérieurement à celui arrêté le 25 mai 1989 par le président du tribunal d'Angers n'a été versé au dossier de la procédure que lors de l'audience de jugement devant le tribunal correctionnel ; mais que cette exception ne peut qu'être rejetée. Qu'en effet, si le moyen soulevé par la partie civile selon laquelle la désignation du magistrat instructeur n'est plus qu'un acte d'administration judiciaire depuis l'arrêt rendu par la chambre criminelle le 4 décembre 1990, est inopérant dans la mesure où cette chambre criminelle s'est expressément placée dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989, l'arrêt rendu le 3 mai 1989 par la chambre criminelle est, en application des dispositions de l'article 662, alinéa 5, du Code de procédure pénale, d'effet immédiat et définitif quant au dessaisissement du juge d'instruction de Nantes, mais non à l'égard de la juridiction saisie ; que cette décision constituant un acte d'administration non revêtu de l'autorité de la chose jugée est susceptible de modification tant que les choses sont encore en l'état, c'est-à-dire tant que la juridiction désignée n'est pas en possession matérielle du dossier ; que c'est à la date du 29 mai 1989 qu'il convenait de se placer pour désigner le magistrat chargé d'instruire. Qu'à cette date, les dispositions de l'article 83 du Code de procédure pénale alors applicables, permettaient au président soit d'établir un tableau de roulement, soit de désigner le magistrat chargé d'instruire, cas par cas ; que l'établissement d'un tableau de roulement ne pouvait priver antérieurement au 1er décembre 1989 le président du pouvoir qu'il tenait de l'article 83, de désigner à l'occasion d'une affaire particulière, le magistrat instructeur qui lui paraissait être le plus apte pour instruire ; que cette faculté d'option n'était possible que par la détention matérielle du dossier de la procédure ; en résumé, que la désignation du magistrat chargé d'instruire ne pouvait s'effectuer qu'à la date de la réception du dossier au tribunal de grande instance ; que l'exception de nullité de la procédure est mal fondée ;
" alors que l'arrêt de la chambre criminelle du 3 mai 1989 avait pour effet de dessaisir définitivement le juge d'instruction originairement saisi et d'attribuer compétence immédiate et exclusive à la juridiction d'instruction désignée par l'arrêt ; qu'ainsi, en l'absence de décision particulière prise par le président du tribunal, seul pouvait être saisi le juge d'instruction désigné par le tableau de roulement à la date de l'arrêt, à l'exclusion de celui mentionné audit tableau à la date de l'arrivée du dossier de la procédure au Parquet du tribunal, ce qui a de plus pour effet nécessaire de rendre le Parquet maître du choix de la nomination du juge d'instruction en violation de la volonté du législateur ; que, d'ailleurs, M. Auriel, juge d'instruction, n'a pas été saisi par le Parquet dès le 29 mai (date de l'arrivée du dossier indiquée par l'arrêt) mais seulement le 31 mai (D. 36) et qu'en outre, M. Moec était désigné pour la période " du vendredi 28 avril au mercredi 3 mai 1989 à 20 heures ", la désignation de M. Auriel ne débutant que " du mercredi 3 mai à 20 heures " après reddition de l'arrêt de la Cour de Cassation, si bien que le magistrat désigné pour instruire aux dates en cause n'était pas le même ; que la nullité est substantielle " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par B... et pris de la violation des articles 83, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 juillet 1989, 85, 172, 662, alinéa 5, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que la cour d'appel a rejeté l'exception de nullité tirée de l'irrégularité de la désignation du juge d'instruction ;
" aux motifs que l'arrêt rendu le 3 mai 1989 par la chambre criminelle de la Cour de Cassation est, en application des dispositions de l'article 662, alinéa 5, du Code de procédure pénale, d'effet immédiat et définitif quant au dessaisissement du juge d'instruction de Nantes, mais non à l'égard de la juridiction saisie ; qu'à la date de la réception du dossier au tribunal de grande instance, où il convenait de se placer pour désigner le magistrat chargé d'instruire, les dispositions de l'article 83 du Code de procédure pénale alors applicables permettaient notamment au président d'établir un tableau de roulement, sans perdre le pouvoir de désigner, à l'occasion d'une affaire particulière, le magistrat lui paraissant le plus apte à instruire ;
" alors que l'arrêt de la chambre criminelle du 3 mai 1989 avait pour effet de dessaisir définitivement le juge d'instruction initialement saisi et d'attribuer compétence immédiate et exclusive à la juridiction d'instruction désignée par la Cour de Cassation ; qu'ainsi, en l'absence de décision contraire du président du tribunal de grande instance, seul pouvait être saisi M. Moec, juge d'instruction désigné par le tableau de roulement à la date de l'arrêt du 3 mai 1989, et non M. Auriel, mentionné au tableau à la date de l'arrivée du dossier au Parquet du tribunal le 29 mai 1989 ; que l'irrégularité de la désignation entachait la procédure d'une nullité substantielle ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que C..., premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nantes, a porté plainte et s'est constitué partie civile, le 13 janvier 1989, entre les mains du juge d'instruction de ce siège, contre personnes non dénommées, des chefs de diffamations publiques envers un fonctionnaire public, et complicité, à raison de sa mise en cause par plusieurs journaux régionaux et nationaux, et par la présentatrice d'un journal télévisé ; qu'une information ayant été ouverte par réquisitoire introductif du 17 janvier 1989, le magistrat instructeur désigné a sollicité l'autorisation de se récuser ; que, sur requête du ministère public, la Cour de Cassation, par arrêt du 3 mai 1989, a dessaisi de la procédure le juge d'instruction au tribunal de grande instance de Nantes, en application de l'article 662, alinéa 5, du Code de procédure pénale, et renvoyé, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la connaissance de l'affaire au juge d'instruction au tribunal de grande instance d'Angers ; que le dossier a été transmis le 31 mai 1989 par le procureur de la République d'Angers au juge d'instruction désigné, à cette date, par le tableau de roulement pour recevoir les affaires nouvelles ;
Attendu que les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que la cour d'appel ait rejeté l'exception de nullité prise de l'irrégularité prétendue de la désignation du juge d'instruction, qui aurait dû être faite, selon eux, par référence au tableau de roulement en vigueur à la date et à l'heure supposée du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation ;
Qu'en effet, en l'état des textes alors applicables, si l'arrêt de la Cour de Cassation dessaisissant une juridiction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice attribue compétence à une autre juridiction qu'il désigne, en application de l'article 662, alinéa 5, du Code de procédure pénale, il ne déroge pas aux dispositions de l'article 83 du même Code, relatives à la désignation individuelle du juge d'instruction attributaire de la procédure, lors de la réception du dossier ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation proposé par X..., et pris de la violation des articles 29, 30, 31, 35, 42 à 48, 50, 61, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 93-2 et 93-1 de la loi du 29 juillet 1982 modifié par la loi du 13 décembre 1985, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de diffamation envers un fonctionnaire public (article publié dans le numéro 13 743 du quotidien France-Soir daté du 15 octobre 1988 et diffusé à Nantes), l'a condamné à verser des dommages-intérêts à la partie civile et a ordonné la publication de l'extrait du dispositif dans le quotidien France-Soir ;
" aux motifs qu'a été publié dans ce quotidien en page 1, le titre suivant : " Le NON des médecins aux " cadavres-cibles ". Le professeur B..., dont le service a " prêté " les têtes de l'Armée à la demande d'un juge d'instruction (pour expertise balistique), précise " on ne m'a pas prévenu ". Le dossier est chez le doyen de la faculté de médecine " et page 3 sous la rubrique " Société " un article sous un second titre SCAN-DA-LEUX ! cinq têtes humaines servent de cibles à des fins d'expertise balistiques à la demande d'un juge d'instruction commençant par " scandaleux et choquant... " et se terminant par " ... l'autorité militaire a fait savoir qu'elle n'avait pas été alertée sur le caractère particulier de cette expertise ". Que le titre de cet article annonce sans aucune nuance ou délicatesse de plume que l'expertise judiciaire à laquelle le juge C... est " scandaleuse ". Que si X... fait plaider que le délit ne peut être constitué dans la mesure ou les faits relatés sont réels d'une part, et d'autre part que " la loi ne permet pas au juge de considérer la participation aux actes qu'elle a autorisés, prescrits ou sanctionnés, comme pouvant porter atteinte à l'honneur ou à la considération de celui à qui on l'impute ". Qu'enfin, l'absence d'imputation d'un fait attentatoire à l'honneur et à la considération est confirmée par le jugement lui-même en retenant de manière singulière que les commentaires constituaient une allégation d'un fait alors que par définition, le commentaire est distinct du fait. Mais que s'il est exact que les faits relatés par l'auteur de l'article sont conformes à la réalité en ce qui concerne les opérations matérielles de l'expertise : tirs sur des extrémités encéphaliques de cadavres et examen des effets de ces tirs, et que cette expertise a été ordonnée conformément aux dispositions de la loi, en l'espèce les articles 81 et 158 du Code de procédure pénale ; qu'il ne peut être retenu contre X... au titre de l'imputation d'un fait diffamatoire d'avoir publié un article relatant une mesure d'expertise autorisée par la loi, information qui de surcroît ne relève que du fait. Qu'en revanche, l'expression employée par le rédacteur de " scandaleuse et choquante " souligné en caractère gras et sous une forme graphique permettant par le martèlement des syllabes composant le qualificatif " scandaleux ", en renforçant cette affirmation, constitue un commentaire de celui-ci qui évoque une grave affaire provoquant l'émotion et l'indignation de l'opinion publique, qui est de nature à jeter le discrédit voire la honte sur celui qui à défaut d'en avoir eu l'initiative, l'a autorisé. Que ce commentaire limité à ce simple adjectif étant attentatoire à l'honneur du magistrat instructeur ayant autorisé l'expérience proposée par le professeur D... dans le cadre de l'expertise médico-légale, les faits sont constitués ;
" alors, d'une part, que l'article incriminé visait exclusivement l'initiative prise par le médecin légiste, sans aucunement mettre en cause le magistrat instructeur, et ne pouvait dès lors pas porter atteinte à l'honneur ou à la considération de ce dernier ;
" alors, d'autre part, que l'imputation d'un fait que la loi autorise ne saurait caractériser une atteinte à la considération ou à l'honneur de celui à qui on l'impute ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que l'expertise critiquée n'était nullement interdite par une disposition légale ; qu'il en résulte qu'il n'avait été imputé au magistrat instructeur aucun fait que la loi n'autorise ou ne prescrive, ce qui excluait la diffamation ;
" alors, en outre, que l'adjectif " scandaleux ", seul retenu comme diffamatoire, signifie ce qui cause ou est capable de causer du scandale et se réfère ainsi à un fait propre à heurter la conscience, le bon sens, la morale et susciter l'émotion ; que tel était exactement l'effet produit par l'expertise balistique qui avait provoqué de nombreux commentaires, la plupart indignés, dont le journal s'était fait l'écho en situant l'évènement dans son cadre polémique au regard des questions d'éthique soulevées ; qu'ainsi, non seulement les mentions incriminées n'étaient pas diffamatoires, mais le but d'information poursuivi était sérieux et légitime ;
" alors, enfin, que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse le chef péremptoire des conclusions du prévenu faisant valoir, à titre de fait justificatif, que le sujet d'intérêt général méritait l'information des lecteurs et que, si le nom du juge est mentionné incidemment à deux reprises dans l'article, son nom n'apparaît, ni dans les titres ni dans les sous-titres et n'est l'objet d'aucune polémique ni critique in personam, la vérité des faits relatés n'étant par ailleurs pas contestée " ;
Attendu que, pour déclarer X... coupable de diffamation envers le plaignant, les juges relèvent d'abord que le professeur D..., médecin légiste désigné par le magistrat instructeur, a utilisé, pour l'expérience qu'il a suscitée et que le juge d'instruction a approuvée, des pièces anatomiques ayant déjà servi à d'autres fins, qui lui ont été remises à sa demande par le technicien du laboratoire, à l'insu du directeur de ce service ; que les juges ajoutent que l'expertise confiée au médecin légiste entrait dans les prévisions des articles 81 et 158 du Code de procédure pénale, que l'expérience critiquée n'était interdite par aucune disposition légale, et que la décision du magistrat instructeur, confronté au choix difficile proposé par l'expert, relevait de sa seule conscience ; que selon l'arrêt, la présentation de l'expertise, sous le titre " scandaleux " de l'article incriminé, et avec les qualificatifs de " scandaleux et choquant " dans le texte dudit article, constituait un commentaire tendancieux, portant atteinte à l'honneur du magistrat instructeur, ayant autorisé l'expérience proposée par l'expert dans le cadre de l'expertise médico-légale ;
Attendu que, pour écarter l'exception de bonne foi invoquée par le prévenu, les juges énoncent, par motifs adoptés, que la mauvaise foi résulte des imputations diffamatoires elles-mêmes, et que l'allégation de la bonne foi est contredite par les termes excessifs et polémiques employés ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'il résulte des termes incriminés, dont il appartient à la Cour de Cassation de contrôler le sens et la portée, que l'imputation d'une expertise qualifiée de scandaleuse visait expressément le juge d'instruction, à raison de ses fonctions et de sa qualité, même si l'expert était également mis en cause ;
Que l'assimilation de cette expertise à une faute professionnelle a nécessairement porté atteinte à la considération du magistrat qui en a pris la responsabilité ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Y... et pris de la violation des articles 29, alinéa 1, et 31 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 55 et 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y... coupable de diffamation envers un fonctionnaire public pour avoir tenu sur Antenne 2 les propos suivants : " Que ne ferait-on pas pour les besoins de l'enquête ? A Nantes, un juge d'instruction a eu l'idée pour le moins bizarre et scandaleuse de demander en guise de cibles pour une expertise balistique, des têtes de cadavres " ;
" aux motifs, d'une part, que la relation d'une mesure d'expertise prescrite dans le cadre légal ne peut être considérée comme attentatoire à l'honneur ou à la considération de celui qui l'ordonne ; mais que le commentaire qui accompagne la relation de ces faits, d'une fidélité contestable, est diffamatoire ; qu'en effet l'affirmation sous forme interrogative : " Que ne ferait-on pas pour les besoins d'une enquête ? " laisse supposer que le juge d'instruction était susceptible de méconnaître toutes les règles morales, de franchir les interdits communément admis pour parvenir à ses fins ; qu'en cela, il serait dépourvu de toute conscience ; que le jugement des valeurs selon laquelle son idée a été " pour le moins bizarre et scandaleuse " souligne non seulement l'anormalité de l'idée, de la difficulté de lui donner une explication, ce qui suggère un dérèglement de l'esprit, mais également le caractère scandaleux d'une telle initiative qui provoque l'émotion, l'indignation et est de nature à jeter le discrédit sur celui qui a eu une telle idée et l'a mise en oeuvre ;
" aux motifs, d'autre part, que s'il ne peut être nié le droit à Mme Y... d'informer le téléspectateur d'un sujet d'intérêt général qui " provoquait l'émotion du milieu médical, bouleversait l'opinion et a provoqué de nombreuses protestations sans qu'aucun commentateur n'ait été approbateur ", elle n'en était pas moins tenue en sa qualité de professionnelle réputée " de vérifier l'information et de la présenter avec un commentaire, compatible avec l'exercice du droit de critique et de la liberté d'opinion qui trouvent leurs limites dans le droit pour autrui de ne pas être victime d'allégations ou d'imputations attentatoires à leur honneur ; qu'enfin la nécessité d'être bref, de travailler rapidement et l'absence de commentaires approbateurs antérieurs ne peut permettre à Mme Y... de soutenir qu'elle a agi de bonne foi ;
" alors, de première part, que pour se prononcer sur le caractère diffamatoire ou non d'un propos contenu dans un écrit ou dans une séquence d'une émission télévisée, les juges du fond ont le devoir d'analyser l'écrit ou la séquence d'émission dans son ensemble ; que la cour d'appel s'est bornée à commenter les termes de l'annonce par Mme Y... du reportage du journaliste portant sur l'étrange expertise balistique qui s'était déroulée à Nantes à l'initiative du juge C... sur un terrain militaire sans se reporter à la transcription de la cassette de l'émission critiquée dont le scellé figure au dossier et sans faire état en particulier de l'avis émis par le substitut Laurent Davenas, auteur du livre " Profession - Répression ", avis qui même s'il était mesuré dans ses termes puisqu'il émanait d'un magistrat soumis au devoir de réserve, faisait apparaître une réprobation indiscutable de l'action du juge C..., ce qui justifiait le propos liminaire de la journaliste Mme Y... et que dès lors l'arrêt qui ne s'est pas expliqué sur le caractère exact des propos reprochés à Mme Y... encourt la cassation pour défaut de base légale ;
" alors, de seconde part, qu'il appartient aux juges de relever toutes les circonstances et éléments de nature à donner aux expressions incriminées leur véritable sens ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont été saisis d'un ensemble d'écrits et de propos émanant, les uns du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Nantes, les autres de différents quotidiens régionaux ou nationaux, enfin de Y... au cours d'une émission télévisée à la même période et portant sur le même événement ; que ces propos étaient tous poursuivis sous la même qualification par la même partie ; qu'il s'ensuit qu'ils devaient être examinés non pas séparément comme la Cour d'Angers l'a fait mais être analysés en étant confrontés les uns aux autres, l'ensemble de ces propos formant avec l'évènement rapporté un même contexte ; que non seulement la cour d'appel n'a pas cru devoir procéder à ce travail indispensable de rapprochement mais a cru pouvoir statuer par des motifs contradictoires, prononçant en faveur de certains prévenus des décisions de relaxe pour des propos dont le sens et la portée étaient pourtant équivalents par leur vivacité et leur véhémence à ceux prononcés par Mme Y... dans son émission télévisée, marquant ainsi sa décision au coin d'une contradiction de motifs manifeste ;
" alors, de troisième part, que les propos incriminés avaient trait, de l'avis général, à un problème d'éthique relatif aux limites de l'utilisation des dépouilles mortelles de personnes ayant fait don de leur corps à la science ; que sur un tel sujet, le journaliste bénéfice d'un libre droit de critique et que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la journaliste d'Antenne 2 n'a pas outrepassé les limites de la liberté qui était la sienne dans le cadre du devoir d'information des téléspectateurs et s'est notamment abstenue de toute attaque personnelle à l'égard du magistrat instructeur en sorte que le délit de diffamation envers un fonctionnaire public n'a été retenu qu'au prix d'une violation caractérisée de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse ;
" alors, de quatrième part, que le juge d'instruction, en sa qualité de magistrat du siège détient en application de l'article 64 de la Constitution du 4 octobre 1958, une parcelle de la puissance publique ; que dès lors, son appartenance aux institutions judiciaires, c'est-à-dire à une institution fondamentale de l'Etat implique que les actes auxquels il procède, lorsqu'ils sont publiquement connus puissent être critiqués librement dès lors que la critique porte sur la portée théorique, morale et éthique de l'acte ; que l'arrêt a expressément constaté qu'après avoir ordonné une expertise balistique, le juge d'instruction C... avait, conformément à l'article 161 du Code de procédure pénale qui dispose que l'expert travaille en liaison avec le juge, approuvé l'idée de l'expert d'utiliser comme cibles des têtes de cadavres ; que la portée éthique et le précédent judiciaire qu'une telle décision constitue indiscutablement, autorisaient les journalistes à commenter cet événement sans que le fait justificatif de la bonne foi propre à la diffamation soit nécessairement subordonné à la prudence dans l'expression de la pensée et que l'arrêt qui a méconnu ce principe jurisprudentiel fondamental encourt la cassation ;
" alors, enfin, que l'ingérence d'autorités publiques dans l'exercice de la liberté d'expression visée à l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales peut résulter, selon la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, d'une décision judiciaire et plus particulièrement d'une condamnation pour diffamation ; qu'ainsi dans l'arrêt Sunday Times, la Cour de Strasbourg a clairement démontré qu'il peut y avoir au sens de l'article 10.2 de la Convention précitée, une ingérence dans la liberté d'expression prévue par la loi sans que cette ingérence corresponde à un besoin social assez impérieux - en l'occurrence " garantir l'autorité du pouvoir judiciaire " - pour primer l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression au sens de la Convention et qu'en vertu de ces principes, en condamnant comme diffamatoire le commentaire de Y... diffusé sur Antenne 2 à propos de l'expérience décidée d'un commun accord par un juge d'instruction et un expert français sous prétexte que ce commentaire soulignait à la fois l'anormalité de l'idée et le caractère scandaleux de l'expertise balistique ordonnée, l'arrêt attaqué a violé l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que, pour déclarer Y... coupable de diffamation publique envers le plaignant, l'arrêt analyse les propos tenus, en direct, par la présentatrice du journal télévisé, pour résumer l'information qui faisait l'objet d'un reportage enregistré ; que, selon l'arrêt, la question " Que ne ferait-on pas pour les besoins de l'enquête ? " a comporté, à elle seule, la critique implicite d'une action qui en aurait excédé les limites ; que ladite action étant imputée à un juge d'instruction de Nantes, dont l'initiative a été présentée comme " pour le moins bizarre et scandaleuse ", l'arrêt relève l'aspect réprobateur du commentaire, affirmant l'anormalité de l'idée, et la difficulté d'en donner une explication, suggérant un dérèglement de l'esprit de son auteur ;
Attendu que les juges ont considéré, à bon droit, que les propos incriminés, jetant le discrédit sur un fonctionnaire public, à raison de ses fonctions et de sa qualité de juge d'instruction, portaient atteinte à l'honneur et à la considération professionnelle du plaignant ; qu'à cet égard, loin de se contredire, les juges ont donné le même sens aux propos semblables qui étaient reprochés à Y... et à X... ;
Attendu que, pour refuser le bénéfice de la bonne foi à la prévenue, qui n'avait pas offert la preuve de la vérité des faits diffamatoires, les juges énoncent que " s'il ne peut être nié à Mme Y... le droit d'informer le téléspectateur d'un sujet d'intérêt général, ... elle n'en était pas moins tenue en sa qualité de professionnelle réputée de vérifier l'information et de la présenter avec un commentaire compatible avec l'exercice du droit de critique et de la liberté d'opinion qui trouvent leurs limites dans le droit pour autrui de ne pas être victime d'allégations ou d'imputations attentatoires à l'honneur " ; que l'arrêt ajoute que " la nécessité d'être bref, de travailler rapidement et l'absence de commentaire approbateur antérieur ne peuvent permettre à Mme Y... de soutenir qu'elle a agi de bonne foi " ;
Attendu que la cour d'appel a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Que les juges n'étaient pas tenus de s'expliquer sur l'opinion émise par un autre magistrat, dans le reportage diffusé après l'annonce incriminée, dès lors qu'il ne résulte d'aucunes conclusions que la prévenue s'en fût prévalue, pour se justifier ;
Que si l'exercice de la liberté de communication est garanti par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, et par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il peut être l'objet de restrictions ou de sanctions dans les cas déterminés par la loi du 29 juillet 1881 ; que s'il est légitime d'informer le public sur le fonctionnement de la justice, et sur l'éventualité d'un conflit avec l'éthique médicale, le but ainsi poursuivi, en dehors de tout compte rendu, ne dispense pas le journaliste des devoirs de prudence, de circonspection, d'objectivité et de sincérité dans l'expression de la pensée ; que le droit de libre critique cesse devant les attaques personnelles ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen de cassation proposé par Z... et pris de la violation des articles 29, 30, 31, 35, 42 à 48, 50, 61, 65 de la loi du 29 juillet 1981, 93-2 et 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifié par la loi du 13 décembre 1985, 59 et 60 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Z... coupable de diffamation envers un fonctionnaire public par la publication de l'article " Macabre expertise " et de la déclaration du professeur B... (journal Presse Océan n° 15 179) ; l'a condamné à verser des dommages-intérêts à la partie civile et a ordonné la publication de l'extrait du dispositif dans le journal Presse Océan (Edition de Nantes) ;
" aux motifs que ce quotidien a publié dans ce numéro, en page 1, le titre : " Nantes : " problème d'éthique en têtes. L'expertise macabre suscite une polémique entre médecine et justice ", et en page 5 l'article : " Macabre expertise " commençant par " Nantes :
l'instruction d'un dossier criminel peut aller très loin... " se terminant par " ... le jour où le CRS a obéi aux instructions du juge C... " et suivi par les " Réactions " dont celles de Mes Choucq et Marcault-Derouard. Que la partie civile soutient que les expressions " expérience délirante ", " Sur le plan du principe, ... il s'agit d'un détournement de cadavre... les gens ont choisi librement de faire don de leur corps pour aider la science... pas pour le genre d'expérience qui n'a d'ailleurs qu'une utilité juridico-policière relative " - " c'est impensable " - " c'est une atteinte au respect des morts et une véritable tromperie morale ; je ne vois pas l'intérêt de cette vérification alors qu'il existe d'autres moyens pour aboutir aux mêmes résultats... ", " L'armée hors du coup ", portent atteinte à son honneur et à sa considération (...). Que l'expression " expérience délirante " a un sens précis ; qu'il s'agit sinon d'une expérience réalisée par un dément, du moins par un être à l'esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable. Que si cette expression vise d'abord le médecin qui a suggéré cette expérience, elle vise également le magistrat instructeur qui a consenti à ce qu'elle soit exécutée, qui a donné les instructions pour qu'une arme de calibre 45 ACP et un moniteur de tir soient requis. Que cette affirmation ayant fait l'objet d'une publication, le fait allégué de diffamation est constitué et est imputable à Z... à titre d'auteur principal ès qualités de directeur de la publication ; qu'à l'audience, le professeur B... ne conteste pas avoir utilisé l'expression : " expérience délirante " mais critique l'analyse qui en a été faite par le tribunal qui aurait mal interprété sa pensée. Qu'il n'a porté aucune accusation contre M. C.... Mais que le professeur B... ne soutient pas que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus en privé et reproduits à son insu. Qu'au contraire, il est établi qu'il a répondu à une demande d'interview de la presse sachant que ses propos allaient être reproduits et diffusés. Que les faits de complicité sont établis. Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise ;
" alors, d'une part, que l'expression " expérience délirante ", seule retenue comme diffamatoire, ne constitue pas l'imputation d'un fait précis et déterminé, susceptible de preuve, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ;
" alors, d'autre part, que l'imputation d'un fait que la loi autorise ne saurait caractériser une atteinte à la considération ou à l'honneur de celui à qui on l'impute ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que l'expérience critiquée n'était nullement interdite par une disposition légale ; qu'il en résulte qu'il n'avait été imputé au magistrat instructeur aucun fait que la loi n'autorise ou ne prescrive, ce qui excluait la diffamation ;
" alors, en outre que l'adjectif " délirant " appliqué à l'expérience à l'origine de la polémique n'avait pas d'autre signification que son sens courant de ce qui " dépasse les limites du raisonnable ", de ce qui est " extravagant " ce qui n'est en rien diffamatoire ; et que même aucun élément de son contexte ne permettait de lui donner la signification selon laquelle la personne qui a ordonné l'expertise ou a consenti à ses modalités discutées était un " dément " ou " du moins un être à l'esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable " ;
" alors, encore, que le journaliste n'était pas l'auteur de l'expression " expérience délirante " citée entre guillemets ; qu'il ne faisait, en vertu du droit d'informer, que rapporter, sans d'ailleurs prendre personnellement parti, les propos tenus par le professeur B... explicitement situés dans le cadre de la polémique et du problème d'éthique provoqués par les particularités de l'expertise balistique ordonnée ; qu'ainsi, non seulement les mentions incriminées n'étaient pas diffamatoires, mais le but d'information poursuivi était sérieux et légitime ;
" alors, enfin, que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse le chef péremptoire des conclusions du prévenu faisant valoir, à titre de fait justificatif, que l'importance du problème justifiait qu'il soit examiné tant par une relation exacte de faits constants que par la reproduction de réactions des personnes de qualité dans le cadre de la liberté de la presse et de la liberté d'opinion " ;
Sur le second moyen de cassation proposé par A... et pris de la violation des articles 29, 30, 31, 35, 42 à 48, 50, 61, 65 de la loi du 29 juillet 1981, 93-2, 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée par la loi du 13 décembre 1985, 59 et 60 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré A..., coupable de diffamation envers un fonctionnaire public par la publication dans le n° 13 296 du 15 octobre 1988 du journal L'Eclair de l'article " Macabre expertise " et de la déclaration du professeur B..., l'a condamnée à verser des dommages-intérêts à la partie civile et a ordonné la publication de l'extrait du dispositif dans le journal L'Eclair (Edition de Nantes) ;
" aux motifs que les débats ont révélé que les quotidiens Presse Océan et L'Eclair appartiennent au même groupe de presse et possèdent le même groupe rédactionnel. Que l'examen des deux articles publiés dans ces quotidiens montre qu'ils sont rigoureusement identiques ; que l'articulation des faits allégués comme étant diffamatoires est également identique. Que si le titre publié en première page du journal L'Eclair est libellé comme suit " Têtes à scandale une expertise balistique éclabousse la médecine légale et la justice nantaise " pouvait être susceptible d'être qualifié de diffamatoire, il n'est pas articulé comme tel par l'ordonnance de renvoi ; qu'il ne peut être retenu dans la prévention. Par contre que pour le surplus, la Cour adopte les motifs retenus à l'encontre de Z... et du professeur B... lors de l'analyse de l'article publié dans le n° 15 179 du quotidien Presse Océan daté des 15 et 16 octobre 1988, ces articles, hormis les titres figurant en première page étant rigoureusement identiques ;
" à savoir :
" que ce quotidien a publié dans ce numéro, en page 1, le titre :
" Nantes " : " Problème d'éthique en têtes. L'expertise macabre suscite une polémique entre médecine et justice ", et en page 5 l'article : " Macabre expertise " commençant par " Nantes :
l'instruction d'un dossier criminel peut aller très loin... " se terminant par " ... le jour où le CRS a obéi aux instructions du juge C... " et suivi par les " Réactions " dont celles de Mes Choucq et Marcault-Derouard. Que la partie civile soutient que les expressions " expérience délirante ", " Sur le plan du principe, ... il s'agit d'un détournement de cadavre... les gens ont choisi librement de faire don de leur corps pour aider la science... pas pour le genre d'expérience qui n'a d'ailleurs qu'une utilité juridico-policière relative " - " c'est impensable " - " c'est une atteinte au respect des morts et une véritable tromperie morale ; je ne vois pas l'intérêt de cette vérification alors qu'il existe d'autres moyens pour aboutir aux mêmes résultats... ", " L'armée hors du coup ", portent atteinte à son honneur et à sa considération (...). Que l'expression " expérience délirante " a un sens précis ; qu'il s'agit sinon d'une expérience réalisée par un dément, du moins par un être à l'esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable. Que si cette expression vise d'abord le médecin qui a suggéré cette expérience, elle vise également le magistrat instructeur qui a consenti à ce qu'elle soit exécutée, qui a donné les instructions pour qu'une arme de calibre 45 ACP et un moniteur de tir soient requis. Que cette affirmation ayant fait l'objet d'une publication, le fait allégué de diffamation est constitué et est imputable à Z... à titre d'auteur principal ès qualités de directeur de la publication. Qu'à l'audience, le professeur B... ne conteste pas avoir utilisé l'expression : " expérience délirante " mais critique l'analyse qui en a été faite par le tribunal qui aurait interprété sa pensée. Qu'il n'a porté aucune accusation contre C.... Mais que le professeur B... ne soutient pas que les propos qui lui sont reprochés ont été tenus en privé et reproduits à son insu. Qu'au contraire, il est établi qu'il a répondu à une demande d'interview de la presse sachant que ses propos allaient être reproduits et diffusés. Que les faits de complicité sont établis. Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise " ;
" alors, d'une part, que l'expression " expérience délirante ", seule retenue comme diffamatoire, ne constitue pas l'imputation d'un fait précis et déterminé, susceptible de preuve, de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée ;
" alors, d'autre part, que l'imputation d'un fait que la loi autorise ne saurait caractériser une atteinte à la considération ou à l'honneur de celui à qui on l'impute ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a constaté que l'expérience critiquée n'était nullement interdite par une disposition légale ; qu'il en résulte qu'il n'avait été imputé au magistrat instructeur aucun fait que la loi n'autorise ou ne prescrive, ce qui excluait la diffamation ;
" alors, en outre, que l'adjectif " délirant " appliqué à l'expérience à l'origine de la polémique n'avait pas d'autre signification que son sens courant de ce qui " dépasse les limites du raisonnable ", de ce qui est " extravagant " - ce qui n'est en rien diffamatoire - ; et que même aucun élément de son contexte ne permettait de lui donner la signification selon laquelle la personne qui a ordonné l'expertise ou a consenti à ses modalités discutées était un " dément " ou " du moins un être à l'esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable " ;
" alors, encore, que le journaliste n'était pas l'auteur de l'expression " expérience délirante " citée entre guillemets ; qu'il ne faisait, en vertu du droit d'informer, que rapporter, sans d'ailleurs prendre personnellement parti, les propos tenus par le professeur B... explicitement situés dans le cadre de la polémique et du problème d'éthique provoqués par les particularités de l'expertise balistique ordonnée ; qu'ainsi, non seulement les mentions incriminées n'étaient pas diffamatoires, mais le but d'information poursuivi était sérieux et légitime ;
" alors, enfin, que l'arrêt attaqué a laissé sans réponse le chef péremptoire des conclusions du prévenu faisant valoir, à titre de fait justificatif, que l'importance du problème justifiait qu'il soit examiné tant par une relation exacte de faits constants que par la reproduction de réactions des personnes de qualité dans le cadre de la liberté de la presse et de la liberté d'opinion " ;
Sur le second moyen de cassation proposé par B... et pris de la violation des articles 29, 30, 31, 35, 41-1, 42 à 48, 50, 61, 65 de la loi du 29 juillet 1881, 59, 60, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 9 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel déclare le professeur B... coupable du délit de complicité de diffamation envers un fonctionnaire public et le condamne à une amende de 3 000 francs avec sursis, ainsi qu'à des dommages-intérêts au profit du juge d'instruction partie civile ;
" aux motifs que, répondant à une demande d'interview et sachant que ses propos seraient reproduits et diffusés par voie de presse, le prévenu a qualifié d'" expérience délirante " une mesure d'expertise ordonnée par le juge d'instruction ; que cette expression a un sens précis ; qu'il s'agit, sinon d'une expérience réalisée par un dément, du moins par un être à l'esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable ; que si cette expression vise d'abord le médecin qui a suggéré cette expérience, elle vise également le magistrat instructeur qui a consenti à ce qu'elle soit exécutée et a donné les instructions nécessaires ;
" alors que 1°) la seule qualification d'" expérience délirante " d'une mesure d'expertise judiciaire présumée légalement ordonnée, sans autre constatation d'une volonté du prévenu d'excéder le sens commun exclusif d'un état mental de délire pathologique, ni d'une volonté d'imputer expressément ou implicitement un tel état à une personne déterminée, ne constituait pas une imputation susceptible de porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'un fonctionnaire public à raison de sa qualité ou de ses fonctions ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors que 2°) à supposer par hypothèse légalement caractérisée l'existence d'une imputation diffamatoire, il incombait à la cour d'appel de rechercher si, comme le faisait valoir le prévenu, ne constituait pas un fait justificatif exclusif d'intention de nuire, l'expression d'une légitime atteinte aux convictions éthiques d'un professeur de médecine, dépositaire moral, en sa qualité de responsable d'un service d'anatomie, de corps donnés par des personnes exclusivement animées d'une volonté de contribuer après leur mort aux progrès de la médecine, et à l'insu duquel avaient été soustraits les cadavres sur lesquels avaient été prélevées les têtes ayant servi à une expertise judiciaire balistique étrangère aux volontés des donateurs ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les prévenus Z... et A... ont été déclarés coupables de diffamation pour avoir notamment reproduit les propos de B..., professeur de médecine, qui a qualifié l'expertise " d'expérience délirante " ; que les juges énoncent que l'expression incriminée a un sens précis, impliquant qu'elle a été réalisée, sinon par un dément, du moins par un " esprit troublé, déréglé, totalement déraisonnable " ; que l'arrêt constate que si l'imputation concerne d'abord le médecin qui a suggéré l'expérience, elle vise aussi le magistrat instructeur qui y a souscrit, et qui a donné les instructions nécessaires à son exécution ;
Attendu qu'en cet état, les juges ont, à bon droit, déduit de la publication de l'expression que le délit était constitué ;
Qu'en effet, la reproduction d'allégations diffamatoires dans un écrit périodique rendu public engage la responsabilité pénale du directeur de la publication, en qualité d'auteur principal, même s'il n'est pas l'auteur des propos incriminés ;
Attendu que les juges ayant, de plus, souverainement constaté que B... avait tenu les propos incriminés à un journaliste, en sachant qu'ils seraient publiés, en ont exactement déduit que ce prévenu s'était volontairement rendu complice du délit de diffamation retenu à la charge de Z... et A... ;
Attendu que B... n'ayant pas excipé de la bonne foi, les juges ne pouvaient l'en faire bénéficier ;
Qu'ils ont, à bon droit, écarté l'exception de bonne foi invoquée par les auteurs principaux dès lors qu'en matière de diffamation, c'est à celui qui invoque la bonne foi d'en rapporter la preuve ; que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que tel n'a pas été le cas en l'espèce ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 91-83246
Date de la décision : 06/07/1993
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Débats - Prévenu - Audition - Audition le dernier - Constatations nécessaires.

1° DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Débats - Prévenu - Audition - Audition le dernier - Constatations nécessaires.

1° Dès lors qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la parole a été donnée en dernier à tous les prévenus, comparants en personne ou représentés par ceux de leurs conseils qui étaient présents à la clôture des débats, il est satisfait aux exigences de l'article 513 du Code de procédure pénale(1).

2° RENVOI D'UN TRIBUNAL A UN AUTRE - Intérêt d'une bonne administration de la justice (article 662 du Code de procédure pénale) - Renvoi devant un autre juge d'instruction - Désignation du juge d'instruction attributaire de la procédure - Désignation lors de la réception du dossier.

2° En l'état des textes applicables antérieurement aux lois du 6 juillet 1989 et du 4 janvier 1993, si l'arrêt de la Cour de Cassation dessaisissant une juridiction dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice attribue compétence à une autre juridiction qu'il désigne, il ne déroge pas aux dispositions relatives à la désignation individuelle du juge d'instruction attributaire de la procédure, lors de la réception du dossier(2).

3° PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Fonctionnaire public - Magistrat - Juge d'instruction - Imputation d'une expertise qualifiée de scandaleuse.

3° L'imputation d'une expertise qualifiée de scandaleuse, visant un juge d'instruction, à raison de ses fonctions et de sa qualité, porte atteinte à la considération professionnelle du magistrat qui a pris la responsabilité de cette mesure d'instruction(3).

4° PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Mauvaise foi - Preuve contraire - Conditions.

4° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - Liberté d'expression - Restrictions de l'article 10 - paragraphe 2 - Presse - Droit d'informer - Restrictions et sanctions.

4° L'exercice de la liberté de communication, garanti par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, et par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, peut être l'objet de restrictions ou de sanctions dans les cas déterminés par la loi du 29 juillet 1881(4). S'il est légitime d'informer le public sur le fonctionnement de la justice, et sur l'éventualité d'un conflit avec l'éthique médicale, le but ainsi poursuivi, en dehors de tout compte rendu, ne dispense pas le journaliste des devoirs de prudence, de circonspection, d'objectivité et de sincérité dans l'expression de la pensée. Le droit de libre critique cesse devant les attaques personnelles(5).

5° PRESSE - Diffamation - Eléments constitutifs - Elément matériel - Publicité - Définition - Reproduction d'allégations diffamatoires.

5° La reproduction d'allégations diffamatoires dans un écrit périodique rendu public engage la responsabilité pénale du directeur de la publication, en qualité d'auteur principal, même s'il n'est pas l'auteur des propos incriminés(6).

6° PRESSE - Responsabilité pénale - Complicité - Fourniture de moyens - Propos tenus à l'auteur d'un écrit.

6° COMPLICITE - Eléments constitutifs - Elément légal - Fourniture de moyens - Presse - Propos tenus à l'auteur d'un écrit.

6° L'acte de complicité punissable, au sens des articles 59 et 60 du Code pénal, est constitué par le fait de tenir des propos diffamatoires à un journaliste, en sachant qu'ils seront publiés(7).


Références :

1° :
2° :
4° :
5° :
6° :
Code de procédure pénale 513
Code de procédure pénale 662 al. 5 (rédaction antérieure Loi 89-461 du 06 juillet 1989)
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 10
Loi du 29 juillet 1881 art. 29 al. 1, art. 31
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 30, art. 31
Loi du 29 juillet 1881 art. 29, art. 30, art. 31Code pénal 59, 660

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers (chambre correctionnelle), 30 avril 1991

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1983-11-04, Bulletin criminel 1983, n° 284, p. 720 (rejet) ; Chambre criminelle, 1990-10-09, pourvoi n° 90-80211, diffusé Juridial, base CASS (rejet) ; Chambre criminelle, 1991-11-14, pourvoi n° 90-84462, diffusé Juridial base CASS (rejet). CONFER : (2°). (2) A comparer : Chambre criminelle, 1978-01-10, Bulletin criminel 1978, n° 13, p. 31 (rejet) ; Chambre criminelle, 1984-06-13, Bulletin criminel 1984, n° 216, p. 567 (cassation). CONFER : (3°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-01-26, Bulletin criminel 1993, n° 42 (1), p. 98 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (4°). (4) Cf. Chambre criminelle, 1989-03-13, Bulletin criminel 1989, n° 118, p. 311 (rejet) ; Chambre criminelle, 1992-02-04, Gaz. Pal. 1992-2-529 (rejet) ; Chambre criminelle, 1992-10-06, Bulletin criminel 1992, n° 303, p. 819 (rejet). CONFER : (4°). (5) Cf. Chambre criminelle, 1978-03-23, Bulletin criminel 1978, n° 115, p. 289 (rejet) ; Chambre criminelle, 1985-10-15, Bulletin criminel 1985, n° 315, p. 812 (rejet) ; Chambre criminelle, 1986-12-16, Bulletin criminel 1986, n° 374, p. 976 (rejet) ; Chambre criminelle, 1989-11-07, Bulletin criminel 1989, n° 403, p. 969 (rejet) ; Chambre criminelle, 1992-10-20, Bulletin criminel 1992, n° 329, p. 906 (cassation). CONFER : (5°). (6) Cf. Chambre criminelle, 1991-05-23, Bulletin criminel 1991, n° 219, p. 557 (rejet)

arrêt cité. CONFER : (6°). (7) Cf. Chambre criminelle, 1991-03-19, Bulletin criminel 1991, n° 132, p. 331 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 jui. 1993, pourvoi n°91-83246, Bull. crim. criminel 1993 N° 242 p. 605
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 242 p. 605

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Perfetti.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : la SCP de Chaisemartin et Courjon, la SCP Piwnica et Molinié, la SCP Tiffreau et Thouin-Palat.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:91.83246
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