AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze octobre mil neuf cent quatre vingt treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROMAN, les observations de la société civile professionnelle CELICE et BLANCPAIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MONESTIE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Béatrice, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, chambre correctionnelle, en date du 30 octobre 1992, qui l'a condamnée, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour recel, dit que mention de cette condamnation ne figurerait pas au bulletin n° 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les réparations civiles ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 425 et 431 de la loi du 24 juillet 1966, 460 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base léglae ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Béatrice Y... coupable de recel d'abus de biens sociaux ;
"aux motifs qu'avant le 4 mai 1990, Béatrice Y... avait utilisé ses "salaires" en en prélevant chaque mois une partie sur le compte ouvert au nom de son mari, et qu'après cette date, elle savait que sa pension, que le juge aux affaires matrimoniales s'était contenté d'approuver en son montant sans ordonner qu'elle lui soit versée par la société, était payée par la société sous forme de salaires ;
"alors, d'une part, qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a nullement répondu aux conclusions de Béatrice Y... qui faisaient observer qu'avant le 4 mai 1990, seul Xavier X... qui, pour satisfaire à son obligation d'entretien, avait imaginé de faire salarier son épouse par la SARL Dehon, avait reçu sur son compte les salaires qu'il attribuait frauduleusement à son épouse ; que l'arrêt attaqué, qui laisse ce chef péremptoire (cf. concl. d'appel p. 2 et dispositif p.4) sans réponse, viole l'article 593 du Code de procédure pénale ;
"alors, d'autre part, qu'il est constant que Béatrice Y... n'a jamais reçu d'autres sommes que celles qui, soit d'abord prélevées sur le compte personnel de son mari pour l'entretien du ménage, soit ensuite payées au titre de la pension alimentaire que lui devait son mari, lui étaient légalement dues ;
qu'ainsi l'arrêt attaqué, quidéclare Béatrice Y... coupable du délit de recel d'abus de biens sociaux pour avoir bénéficié de "salaires" que lui avait frauduleusement attribués son mari, ne donne pas de base légale à sa décision ;
"alors, enfin, que Béatrice Y... avait fait valoir qu'elle ne pouvait se douter que la perception de sommes qui lui étaient légalement dues au titre d'une pension alimentaire dont le montant et les modalités avaient été homologués par le juge aux affaires matrimoniales constituait un recel d'abus de biens sociaux et que l'arrêt attaqué, qui laisse là encore ce chef péremptoire des conclusions (cf.
conclusions d'appel p. 4) sans réponse, violel'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et celles du jugement qu'il confirme, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recel dont elle a déclaré la prévenue coupable, et ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infraction ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Tacchella conseiller doyen, faisant fonctions de président, en remplacement du président empêché, M. Roman conseiller rapporteur, MM. Gondre, Hecquard, Joly conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme Mouillard, M. Poisot conseillers référendaires, M. Monestié avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;