CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Habib, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 17 juin 1992, qui, dans la procédure suivie contre Francis Y..., Roger Z..., Rémi A..., prévenus de diffamation publique envers un particulier et complicité, et la société les Editions Albin Michel, civilement responsable, a constaté le désistement d'action de la partie civile et l'extinction de l'action publique.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 49 de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'action publique éteinte aux motifs qu'il résulte des notes d'audience du Tribunal en date du 4 octobre 1990 que celui-ci a donné acte à la partie civile d'un désistement porté sans ambiguïté à sa connaissance, que la faculté de rétractation n'existe qu'autant que la régularité du désistement n'a pu être appréciée par le Tribunal et tant que celui-ci n'en a pas donné acte, que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
" alors, d'une part, que le désistement doit être exprimé sans équivoque, qu'il n'y a pas eu en l'espèce de désistement formel et non équivoque de la part de la partie civile, que comme le soutenait celle-ci dans ses conclusions d'appel demeurées sans réponse, il ressort des notes d'audience du 4 octobre 1990 que son avocat s'est borné à dire qu'elle n'avait pas cité Z... et A... et qu'elle n'entendait pas le faire parce que le fait que Me B... ait remis au Tribunal des lettres de représentation signées de ces derniers, dont il était le conseil, lui permettait de penser que la procédure était en état, et ce d'autant plus que cet avocat marquait sa volonté de voir ses clients poursuivis et défendus ; que, dans ces conditions, le Tribunal ne pouvait induire un désistement implicite du seul comportement de l'avocat de la partie civile ;
" et alors, d'autre part, qu'un donné acte de désistement ne saurait résulter des seules notes d'audiences prises le 4 octobre 1990, qu'en effet, après cette audience relais non suivie de jugement, une audience de plaidoirie eut lieu devant le Tribunal le 25 octobre 1990 et le conseil de la partie civile a clairement marqué sa volonté de poursuivre l'instance et de se rétracter du désistement, que cette volonté s'est exprimée ensuite dans une note en délibéré du 7 novembre 1990, qu'il résulte implicitement mais nécessairement de la poursuite des audiences et du fait que le Tribunal n'a statué que le 22 novembre 1990 qu'il n'a pas considéré la procédure close à la date du 4 octobre 1990 ; qu'en effet, il ne saurait y avoir donné acte de désistement en dehors d'une décision de justice le constatant " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que le désistement prévu par l'article 49 de la loi du 29 juillet 1881 peut être rétracté tant que sa régularité n'a pas été appréciée et qu'il n'en a pas été donné acte par la juridiction saisie, dans les formes prévues par la loi ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que par exploits des 31 mai, 1er et 5 juin 1990, Habib X..., ancien président de la République tunisienne, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel, outre la société des éditions Albin Michel, civilement responsable, Francis Y..., en qualité d'éditeur, Roger Z... et Rémi A..., en qualité d'auteurs du livre le Croissant et la croix gammée, sous-titré les Secrets de l'alliance entre l'Islam et le nazisme d'Hitler à nos jours, dans lequel le plaignant était présenté comme un agent secret de Mussolini ; qu'à l'audience du 12 juillet 1990, à laquelle Francis Y... seul a comparu, le Tribunal, après avoir fixé le montant de la consignation, a renvoyé l'affaire au 4 octobre pour nouvelle citation des auteurs, et au 25 octobre pour plaidoiries ; qu'à l'audience du 4 octobre, à laquelle les trois prévenus étaient représentés par leurs avocats, le Tribunal a constaté que Roger Z... et Rémi A... n'avaient pas été cités, et que le conseil de la partie civile se désistait à leur encontre, ce dont les notes d'audience mentionnent qu'il a été donné acte ; qu'à l'audience du 25 octobre, Francis Y... a invoqué l'effet réel du désistement à son profit, auquel la partie civile s'est opposée, notamment en rétractant son désistement ; que par jugement du 22 novembre 1990, le Tribunal a constaté le désistement d'action de la partie civile, et l'extinction de l'action publique ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt attaqué se fonde sur les notes d'audience du 4 octobre 1990, dont il reproduit la teneur : " Me B... n'a pas représenté les prévenus à la dernière audience ; la partie civile n'a pas cité Z... et A... et n'entend pas le faire. Le conseil de la partie civile se désiste à l'encontre de Z... et A.... Le Tribunal lui en donne acte " ; que l'arrêt énonce qu'il s'agit d'une formulation explicite, claire et précise, non susceptible d'interprétation, et que la juridiction saisie a donné acte à la partie civile d'un désistement porté sans ambiguïté à sa connaissance ; que les juges ajoutent que la faculté de rétractation n'existe qu'autant que la régularité du désistement n'a pu être appréciée par le Tribunal et tant que celui-ci n'en a pas donné acte ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que la rétractation, fût-elle conservatoire, d'un désistement supposé non équivoque était intervenue avant que la juridiction saisie n'eût donné acte du désistement par jugement, les énonciations des notes d'audience ne pouvant à cet égard suppléer l'absence de jugement, la cour d'appel a méconnu les principes ci-dessus rappelés ;
Que la cassation est encourue de ce chef, tant sur l'action publique que sur l'action civile, dès lors qu'il n'a été statué que sur la validité de la poursuite ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 17 juin 1992, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles.