REJET des pourvois formés par :
- X... Pierre,
- la société Jeutel, aux droits de la société Central Cadeaux, civilement responsable,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Metz, chambre correctionnelle, du 3 juillet 1992, qui, dans les poursuites exercées contre le premier notamment pour contrefaçon de marque et contrefaçon de logiciels, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs, et le mémoire en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 422, 425 et 429 anciens du Code pénal, 2, 3, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur en qualité de président-directeur général de la société Central Cadeaux à payer à la partie civile les sommes de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon de marque ; 170 000 francs à titre de dommages-intérêts pour contrefaçon de logiciels et a déclaré bonne et valable la saisie pratiquée le 25 juillet 1989 et a ordonné la confiscation au profit de la société Irem Corporation de la marchandise saisie ;
" aux motifs que la contrefaçon de marque et la contrefaçon de logiciels entraînent chacune des préjudices distincts quand bien même ces deux infractions ont été commises à l'occasion de l'importation du même support ; que sur le préjudice pour contrefaçon de marque, la seule usurpation de la marque déposée Irem est de nature à porter une atteinte au droit de propriété de son titulaire et à lui causer un préjudice ne serait-ce que moral ; que certes seule l'importation de trois plaques de logiciels portant la marque contrefaite Irem a été prouvée à l'encontre de X..., alors qu'il résulte des coupures de presse versées aux débats par la plaignante qu'il existe un important trafic de nature internationale portant sur des logiciels piratés portant la marque Irem fabriqués illégalement par des entreprises coréennes ; qu'il s'ensuit que, même si la participation de Pierre X... à cette chaîne commerciale illégale s'est limitée à trois logiciels, le préjudice certain et directement causé par cette infraction subi par la société Irem Corporation est en réalité très important et mérite d'être réparé par l'allocation d'une somme de 100 000 francs ; qu'en ce qui concerne le préjudice pour contrefaçon de logiciels, il s'agit d'un trafic important de nature internationale portant sur des logiciels contrefaits à partir de la production originale de la société Irem, qui réduisent pratiquement à néant les frais engagés par cette dernière pour la conception de ces jeux, leur publicité et leur mise sur le marché ; que compte tenu de la différence de prix existant entre les produits contrefaits beaucoup moins chers à l'achat et les produits authentiques de la société Irem, cette contrefaçon est de ce fait de nature à provoquer une perte de bénéfice sur les ventes marquées par Irem ; que là aussi X... n'est mis en cause que pour trois logiciels qu'il a importés ; que le préjudice certain directement engendré par l'infraction commise par le prévenu envers la société Irem Corporation s'avère très important ; qu'il paraît juste d'évaluer à 170 000 francs l'indemnité réparant ce chef de préjudice ;
" alors que, d'une part, la remise à la victime d'un délit de contrefaçon des objets contrefaisants est, aux termes de l'article 429 du Code pénal, destinée à indemniser du préjudice subi ; que la Cour, qui a, par ailleurs, condamné le demandeur à verser à la partie civile deux sommes à titre de dommages-intérêts, l'une pour contrefaçon de marque, l'autre pour contrefaçon de logiciels, ne pouvait, en outre, lui allouer une réparation civile complémentaire constituée par la remise des objets contrefaisants ;
" alors, d'autre part, que le demandeur a fait valoir dans ses conclusions d'appel que ni lui ni la société Jeutel n'avaient imité frauduleusement, ni contrefait un logiciel ou une marque, ni davantage débité ou vendu un seul des logiciels litigieux sur le marché français ; que seuls trois logiciels de jeux électroniques sont concernés, qu'aucune commercialisation n'a eu lieu sur le marché français, qu'ainsi la société Irem n'a subi aucune perte financière ; que la Cour qui a cru pouvoir allouer à la partie civile deux sommes à titre de dommages-intérêts, l'une pour contrefaçon de marque, l'autre pour contrefaçon de logiciels sans répondre aux conclusions du demandeur, ni préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour chiffrer le préjudice de la partie civile, a privé sa décision de base légale " ;
Attendu que Pierre X..., dirigeant de la société Central Cadeaux, a, par décision devenue définitive, été déclaré coupable de contrefaçon de logiciels de jeux vidéo créés par la société Irem Corporation, ainsi que de contrefaçon de la marque déposée par celle-ci ;
Attendu que sur l'action civile de la victime, la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, a validé la saisie-contrefaçon pratiquée à la requête de la société Irem Corporation, ordonné à son profit la confiscation de la marchandise saisie et condamné le prévenu à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice découlant de chacun des deux délits ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des demandes des parties, l'étendue du dommage résultant des infractions, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, il résulte de l'article 429 du Code pénal, devenu l'article L. 335-7 du Code de la propriété intellectuelle, qu'une indemnité complémentaire doit être allouée à la victime de la contrefaçon lorsque la remise à celle-ci des objets contrefaisants confisqués ne constitue pas une réparation suffisante de son préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.