AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Charles X..., syndic administrateur judiciaire, domicilié ... à Saint-Lô, agissant en sa qualité d'administrateur du redressement judiciaire de la Société française du raccord, puis de commissaire à l'exécution du plan de cession, en cassation d'un arrêt rendu le 1er février 1990 par la cour d'appel de Caen (1re chambre), au profit de la société anonyme Crédimo, dont le siège est ... (8e), défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mai 1994, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Canivet, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., ès qualités, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Crédimo, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 25, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985 et l'article 122 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'une lettre missive ne répond pas aux exigences de l'article 25, alinéa 3, du décret du 27 décembre 1985, suivant lequel les ordonnances du juge-commissaire peuvent faire l'objet d'un recours par simple déclaration au greffe ; que le non-respect de conditions de forme prévues pour la mise en oeuvre du droit d'agir reconnu par cette disposition entraîne l'irrecevabilité du recours ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après l'ouverture du redressement judiciaire de la Société française du raccord, la société Crédimo, qui avait conclu avec cette dernière des contrats de crédit-bail, a mis en demeure l'administrateur de la procédure collective de lui faire connaître s'il entendait continuer ces contrats ; que, par ordonnance du 18 avril 1988, le juge-commissaire a accordé à l'administrateur une prolongation de délai pour prendre parti ; que la société Crédimo a formé un recours adressé au greffe du Tribunal par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et a demandé au Tribunal, à titre subsidiaire, pour le cas où il rejetterait son opposition, de retenir le principe de la condamnation de la société débitrice au paiement des loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire ; que le Tribunal, après avoir déclaré le recours de la société Crédimo recevable mais mal fondé, a accueilli sa demande subsidiaire ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient, d'un côté, que le recours formé par la société Crédimo par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au greffe était régulier en la forme, "du fait que les termes "déclaration au greffe" étaient pris dans un sens large et... excluaient un formalisme particulier", et, d'un autre côté, que si l'appel de l'administrateur de la procédure collective était recevable pour reprocher au jugement d'avoir accueilli la demande subsidiaire de la société Crédimo qui avait été soumise au Tribunal pour la première fois, il n'était pas pour autant fondé, dès lors que la créance litigieuse entrait dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, faute d'avoir été fait par déclaration au greffe, le recours de la société Crédimo était irrecevable, ce qui interdisait au Tribunal de se prononcer sur la demande subsidiaire dont il n'avait été saisi qu'incidemment à l'exercice de ce recours irrégulier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
DECLARE IRRECEVABLES le recours formé par la société Crédimo contre l'ordonnance rendue le 18 avril 1988 par le juge-commissaire du redressement judiciaire de la Société française du raccord, ainsi que sa demande subsidiaire tendant à ce que soit retenu le principe de la condamnation de la Société française du raccord au paiement des loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire ;
Dit que les dépens afférents aux instances devant les juges du fond seront supportés par la société Crédimo ;
La condamne également, envers M. X..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Caen, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du douze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.