AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Bernard Y..., demeurant ... (Seine-Maritime), en cassation d'un arrêt rendu le 1er mars 1990 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit de M. X..., pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la Société d'alimentation générale, SAG, dont le siège est ... (Yvelines), demeurant en cette qualité ... (Yvelines), défendeur à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 mai 1994, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Tricot, Canivet, conseillers, M. Le Dauphin, conseiller référendaire, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Rémery, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. Y..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en ses deux premières branches, réunis :
Vu les articles 182, 188, 189 et 192 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que si, en vertu du dernier de ces textes, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler dans l'un des cinq cas visés à l'article 189, il résulte de l'article 188 que la faillite personnelle est seule encourue par le dirigeant d'une personne morale qui a commis l'un des actes mentionnés à l'article 182 ;
Attendu que pour prononcer à l'encontre de M. Y..., gérant de la Société d'alimentation générale (la société), mise en redressement puis en liquidation judiciaires, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pour une durée de 15 ans, l'arrêt confirmatif attaqué retient, par motifs propres et adoptés, "qu'après une exploitation sous sa direction jusqu'à fin 1985 avec un résultat désastreux, Y... a été à la dérive, entre les mains de tiers qu'il ne contrôlait plus, sans plus tenir de comptabilité" et qu'il a "ainsi démontré, sur tous les plans, une incapacité remarquable", acceptant, notamment, que la gestion de la société soit entièrement prise en mains, et pour l'exercice d'une activité étrangère à l'objet social, par M. Z... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits retenus ne correspondent à aucun de ceux visés à l'article 189 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 189-3 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que pour prononcer l'interdiction de gérer à l'encontre de M. Y..., l'arrêt retient encore que, tandis que la diminution du chiffre d'affaires et l'augmentation des pertes étaient d'une ampleur inexplicable de 1985 à 1986, M. Y..., dès le 17 janvier 1987, concluait avec la société SOGEX un contrat de commission prévoyant une rémunération égale à 20 % du chiffre d'affaires hors taxes, et aux termes duquel le commissionnaire était chargé "d'assurer les achats et les ventes, ainsi que les prestations de service" et que ce contrat "lourdement onéreux a connu une issue rapide", une saisie d'équipements et de matériels intervenant au mois de septembre 1987 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir l'absence de contrepartie aux engagements souscrits par M. Y..., pour le compte de la société, et jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de cette dernière, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne M. X..., envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Versailles, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du douze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.