AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Michèle Z..., épouse X..., demeurant à Annoeullin (Nord), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 avril 1991 par la cour d'appel de Douai (2e chambre), au profit :
1 / de M. Charles Y..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation de la société à responsabilité limitée Grim Cuisines, demeurant à Béthune (Pas-de-Calais), résidence de France, rue Emile Zola,
2 / de M. Charles Y..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation judiciaire personnelle de Mme Michèle Z... épouse X..., demeurant à Béthune (Pas-de-Calais), résidence de France, rue Emile Zola, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 7 juin 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, Canivet, Badi, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de Mme X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt déféré (Douai, 11 avril 1991), qu'après le redressement puis la liquidation judiciaires de la société à responsabilité limitée Grim qui avait pour objet la vente de meubles contemporains et de cuisines intégrées, le Tribunal, par un premier jugement, a condamné Mme X..., gérante de la société, à payer la totalité des dettes sociales, a prononcé son redressement judiciaire personnel et a décidé sa faillite personnelle pour une durée de cinq ans ; que par un second jugement le tribunal a décidé la liquidation judiciaire personnelle de Mme X... ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir confirmé ces jugements en ce qu'ils ont prononcé son redressement et sa liquidation judiciaires personnels alors, selon le pourvoi, qu'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de Mme X... qui faisait valoir que la "déconfiture" de la société trouvait sa cause, à l'exclusion de toute faute de gestion, dans un cas de force majeure tenant à la dégradation soudaine du secteur économique de la vente de biens mobiliers de cuisine et que l'espoir d'une reprise était fondé jusqu'à la cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le pourvoi n'ayant pas critiqué l'arrêt en ce qu'il a condamné Mme X... à payer, par application de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, la totalité des dettes sociales, le moyen tiré de l'absence de faute de gestion de la gérante de la société est inopérant ;
Et sur les première, troisième et quatrième branches du moyen :
Attendu que Mme X... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que l'article 182, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985 dispose qu'en cas de redressement judiciaire d'une personne morale, le Tribunal peut ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de tout dirigent...
qui a poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ; que Mme X..., gérante non associée a dès 1986 engagé sa caution personnelle sans contrepartie et a cessé de percevoir ses rémunérations en sorte qu'aucun intérêt personnel ne s'évinçait de la poursuite de l'exploitation de la société à responsabilité limitée Grim ; que dès lors, en se bornant à relever, pour justifier l'ouverture d'un redressement judiciaire, que Mme X... aurait poursuivi une exploitation déficitaire, sans rechercher si celle-ci avait agi "dans un intérêt personnel", la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 qui exige pour son application qu'une telle condition soit remplie ;
Mais attendu qu'en retenant que Mme X..., en l'espèce, a poursuivi abusivement dans un intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise ;
que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision de prononcer le redressement judiciaire de Mme X... ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Sur la demande présentée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Attendu que M. Y..., ès qualités, sollicite, sur le fondement de ce texte, l'allocation d'une somme de 12 000 francs ;
Mais attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Rejette également la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Mme X..., envers M. Y..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du onze octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.