AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Jean-Paul, Georges, Pierre Y..., demeurant Hameau de la Forge à Criquetot l'Esneval (Seine-Maritime), en cassation d'un arrêt rendu le 4 décembre 1991 par la cour d'appel de Rouen (1ère chambre civile), au profit de :
1 ) M. Lionel Z..., demeurant ... au Havre (Seine-Maritime),
2 ) Mme Christiane X..., épouse Z..., demeurant ... au Havre (Seine-Maritime),
3 ) M. Pascal Z..., demeurant Hameau de Bondeville à Octeville (Seine-Maritime), défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 28 juin 1994, où étaient présents :
M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Y... et Briard, avocat de M. Y..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des consorts Z..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu selon l'arrêt confirmatif attaqué qu'en exécution d'un accord verbal de cession des actions de la société anonyme Entreprise A... intervenu entre M. Y... et les époux Lionel A... et M. Pascal A... (les consorts A...), ces derniers ont établi le 23 mai 1987 des bordereaux de transfert des titres cédés ;
que le 10 novembre 1987, M. Lionel A... a cédé un reliquat de 246 actions pour la somme de 20 000 francs ; qu'après avoir vainement mis en demeure M. Y... d'avoir à leur payer sur cette base le prix des 2 750 actions cédées le 23 mai 1987, les consorts A... l'ont assigné à cette fin, et subsidiairement, à l'effet de voir prononcer la nullité de la cession pour défaut de prix ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré qu'à défaut de prix déterminé la cession litigieuse n'avait pu valablement se former alors, selon le pourvoi, que s'agissant d'un litige portant, non sur les modalités de la vente ou sur l'interprétation de clauses obscures ou ambiguës d'un acte, nécessaire pour en rechercher la portée, mais sur l'étendue de l'obligation du débiteur, dont la preuve, qui incombait au cédant, ne pouvait être rapportée que dans les conditions prévues par l'article 1341 du Code civil applicable aux actes juridiques, la cour d'appel a violé ledit article en estimant que la preuve du caractère indéterminé de cette même obligation était établie par le seul fait que les bordereaux de transferts de titres ne comportaient mention d'aucun prix, tandis que de tels documents, établis aux seules fins que le transfert de titres nominatifs s'opère à l'égard des tiers et de la société émettrice et n'ayant pas, de ce fait, à faire mention du prix convenu, ne sauraient valoir écrit sous seing
privé au sens de l'article 1341 du Code civil, et même à ce titre de faire preuve pertinente du contenu exact de la convention ;
Mais attendu qu'après avoir exactement énoncé que le prix de vente qui constitue un élément essentiel de la convention est soumis aux règles de preuve des contrats, et spécialement, à l'exigence d'un écrit posée par l'article 1341 du Code civil, l'arrêt retient par motifs propres et adoptés, que les consorts A... ne produisaient aucun écrit, ni commencement de preuve par écrit, émanant de celui auquel ils voulaient l'opposer, soit M. Y..., et que celui-ci qui prétendait établir la réalité du prix de 1 franc censé avoir été fixé par les parties ne rapportait pas davantage cette preuve ; que la cour d'appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que les bordereaux de transfert n'étaient pas susceptibles de constituer une telle preuve dès lors qu'ils ne contenaient aucune indication de prix ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 6 de la loi du 5 juillet 1972 ;
Attendu que la cour d'appel a confirmé le jugement qui avait assorti sa décision d'une astreinte journalière pour chacun des demandeurs de 100 francs par action acquise "à titre de dommages-intérêts" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'atreinte est indépendante des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement dans ses dispositions relatives à l'astreinte, l'arrêt rendu le 4 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne les consorts Z..., envers M. Y..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Rouen, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.