AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Banque française de crédit coopératif, dont le siège social est ... (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 7 janvier 1992 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre, section A), au profit :
1 / de M. Henri X..., demeurant ... (Aude), pris en sa qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la Société de gestion et promotion d'actions sociales,
2 / de M. Georges, Paul Y..., demeurant ... (Aude), pris en sa qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la Société de gestion et promotion d'actions sociales, défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 14 juin 1994, où étaient présents :
M. Bézard, président, M. Poullain, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Poullain, les observations de Me Goutet, avocat de la société Banque française de crédit coopératif, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 7 janvier 1992), que la société Banque française de crédit coopératif (la banque) a déclaré au passif de la Société de gestion et de promotion d'actions sociales (la société GPAS), en redressement judiciaire, une créance de 300 000 francs au titre d'un encours d'escompte ; que le juge commissaire a rejeté cette créance ;
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le rejet de sa créance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon les dispositions des articles 147 et 151 du Code de commerce, le porteur d'un effet de commerce a le droit d'agir individuellement contre le tireur, d'où il suit que l'existence d'un endossement ou la personnalité d'un endosseur éventuel sont sans incidence sur ses droits et que l'arrêt attaqué ne pouvait rejeter la créance de la banque sur le tireur au motif qu'il n'était pas possible de s'assurer de l'endossement sans violer les articles 116, 147 et 151 du Code de commerce ; alors, d'autre part, que la seule qualité de porteur rend celui-ci propriétaire de la provision et l'habilite à agir contre les débiteurs, dont le tiré, et qu'en exigeant de la banque, en outre, la preuve de l'opération d'escompte et, par là , de la propriété de la lettre de change, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 116, 147 et 161 du Code de commerce ; et alors, enfin, qu'en cas de solidarité, les poursuites faites contre l'un des débiteurs n'empêchent pas d'en exercer de pareilles contre les autres ; d'où il suit que l'arrêt ne pouvait opposer à la banque les poursuites exercées, par ailleurs,
contre le tiré, poursuites qui demeuraient sans incidence sur la validité de sa déclaration contre le tireur, débiteur solidaire ; qu'ainsi la décision, dans la mesure où elle est fondée sur ce motif, manque de base légale au regard des articles 116, 147 et 151 du Code de commerce et 1204 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la banque verse aux débats la photocopie de l'effet accepté par le tiré, mais non celle du verso qui permettrait de s'assurer de l'endossement, et qu'elle ne produit pas davantage la justification de l'escompte allégué ;
qu'ainsi, dès lors que la banque n'avait apporté ni la preuve, par une suite d'endossements non interrompue, de sa qualité de porteur légitime de l'effet, ni celle de l'opération d'escompte, la cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur l'existence de poursuites contre le tiré, a fait une exacte application des textes visés au pourvoi en rejetant la créance litigieuse ; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé en les deux premières ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Banque française de crédit coopératif, envers MM. X... et Y..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.