Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 1992), que le Comité interprofessionnel des fromages produits dans l'aire géographique de l'appellation d'origine Cantal (CIF) a été constitué en 1965 pour faire respecter les normes de qualité, apporter une assistance technique aux professionnels, contribuer à l'étude des moyens propres à orienter l'économie laitière des régions productrices afin d'améliorer et de régulariser les productions fromagères et de proposer aux pouvoirs publics toutes actions tendant à l'amélioration de la production et à la promotion des ventes ; que ce comité est seul habilité à faire fabriquer dans le secteur régional considéré les plaques d'identification des produits ; qu'en 1986, le CIF a adopté un plan de campagne limitant à 17 000 tonnes l'offre globale de Cantal pour l'année 1987, affectant à chaque entreprise une référence annuelle de production correspondant à la moyenne des quantités par elle produites au cours des années 1984 à 1986, et, prévoyant que le montant des cotisations permettant d'obtenir des plaques d'identification serait majoré en cas de dépassement de la référence autorisée ; que le Syndicat des fabricants et affineurs de fromage de la zone Cantal (SYFAC), estimant que ces mesures avaient pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la libre concurrence sur le marché du fromage de Cantal, a saisi, en 1988, le Conseil de la Concurrence ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que le CIF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil de la Concurrence l'ayant condamné à payer à titre de sanction une somme de un million de francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la substituabilité s'apprécie par rapport à un ensemble comprenant non seulement les caractéristiques matérielles des produits mais aussi leur condition d'utilisation et leur coût d'utilisation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée sur le seul goût caractéristique du fromage de Cantal par rapport à d'autres fromages à pâte pressée non cuite, tel que l'Edam, le Gouda ou la tomme de Savoie pour caractériser l'existence d'un marché distinct ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que le fromage de Cantal formait un marché économique suffisamment identifiable pour être distinct du marché général des fromages à pâte pressée non cuite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du traité de Rome ; alors, d'autre part, qu'en décidant que le fromage du Cantal formait à lui seul un marché distinct de celui des autres fromages à pâte pressée non cuite tout en constatant qu'en 1987 il y avait eu, à la suite d'une hausse des prix de ce fromage, une baisse de la consommation de 4 %, ce qui impliquait implicitement mais nécessairement qu'il y avait eu un important report de la clientèle sur d'autres fromages à pâte pressée non cuite et qu'ainsi le fromage du Cantal était parfaitement substituable et appartenait au même marché que celui des autres fromages à pâte pressée non cuite, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du traité de Rome violant ces textes et alors, enfin, que la notoriété du fromage du Cantal, lequel bénéficie, comme l'a rapporté la cour d'appel, d'une appellation d'origine contrôlée ne saurait lui permettre de constituer à lui seul un marché de référence ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 50 de l'ordonnance du 30 juin 1945, 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 85 du traité de Rome ;
Mais attendu que les critères de substituabilité d'un produit permettant de délimiter le marché économique de référence au sens des articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, s'apprécient différemment selon la nature ou les modalités de commercialisation du produit en cause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que le goût du fromage de Cantal se distinguait " nettement de celui des autres fromages à pâte pressée non cuite " et qui a relevé que le CIF était d'autant plus mal fondé à contester la pertinence du marché autonome du fromage de Cantal qu'il avait été créé pour promouvoir cette appellation d'origine, a pu, sans avoir à rechercher si la baisse de consommation de ce produit s'expliquait par un report de la clientèle sur d'autres fromages à pâte pressée, statuer ainsi qu'elle l'a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le CIF fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil de la Concurrence l'ayant condamné à payer à titre de sanction une somme de un million de francs, alors, selon le pourvoi, qu'en s'en tenant à une remontée des cours du fromage du Cantal ainsi qu'à une baisse de la consommation en 1987, sans prendre en considération, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions du CIF, l'assainissement d'un secteur professionnel qui, au début de l'année 1986, avait connu une situation d'une exceptionnelle gravité due à un excès de production et par voie de conséquence à la chute des cours ainsi qu'aux conditions climatiques difficiles ni les contraintes liées aux effets de la concurrence provenant de produits substituables, ni enfin les avantages directs procurés à la clientèle, la cour d'appel, qui n'a pas discerné objectivement les aspects positifs et négatifs des pratiques mises en cause, a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 10, alinéas 1er et 2e, de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que le CIF n'établissait pas que les pratiques limitatives de production dont il avait pris l'initiative, avaient permis d'assurer un progrès économique et avaient été indispensables pour atteindre cet objectif ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé :
Sur le troisième moyen :
Attendu que le CIF fait encore grief à la cour d'appel de l'avoir condamné, alors, selon le pourvoi, que l'interdiction des ententes édictées à l'article 85-1 du traité de Rome ne vise pas les accords qui n'affectent que d'une manière insignifiante le commerce entre les Etats membres et la concurrence ; que dès lors, en s'abstenant de répondre aux conclusions du CIF faisant valoir que son aide au titre de la Convention de régulation n'avait porté en 1987 que sur 80 millions de litres de lait, d'où il se déduisait que l'influence de ces mesures sur le marché européen était négligeable, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en l'absence de justifications concrètes apportées par le CIF, et d'une comparaison avec les productions laitières des autres pays démontrant que le plan de régulation arrêté par le CIF n'avait pas affecté de façon sensible le commerce entre les Etats membres de l'Union européenne, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre à ce qui n'était qu'un simple argument ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que le CIF fait enfin grief à la cour d'appel d'avoir rejeté son recours, alors, selon le pourvoi, qu'en se déterminant par de tels motifs, sans apprécier de façon concrète s'il existait une proportionnalité entre la peine prononcée, la gravité des faits relevés et le dommage porté à l'économie du marché de référence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 53 de l'ordonnance du 30 juin 1945 et 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais attendu que c'est à l'issue d'une analyse économique concernant les effets des pratiques litigieuses sur l'augmentation des cours à la production du fromage de Cantal par rapport aux prix des autres pâtes pressées et, après avoir constaté que le CIF disposait d'une réserve de 17 millions de francs, que la cour d'appel a approuvé la sanction pécuniaire prononcée par le Conseil de la Concurrence et a décidé que cette sanction était proportionnée à la gravité des faits et aux facultés contributives du CIF ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.