AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / la compagnie UAP incendie accidents, société anonyme dont le siège social est ... (1er),
2 / la société anonyme Hydrauquip, dont le siège social est ... (Loir-et-Cher), en cassation d'un arrêt rendu le 14 octobre 1992 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), au profit de la société anonyme SAFOC, Société des fonderies dont le siège est ZIN rue Maryse X... à Châtellerault (Loir-et-Cher), défenderesse à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Clavery, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme le conseiller Clavery, les observations de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la compagnie UAP incendie, accidents, et de la société Hydrauquip, de Me Choucroy, avocat de la société SAFOC, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 14 octobre 1992), que la société Hydrauquip a commandé et reçu de la Société des fonderies de Châtellerault (SAFOC) des pièces de fonderie destinées à être montées sur des camions de la société Renault véhicules industriels (société RVI) ;
que, reprochant à la SAFOC la présence de picots de fonderie, la société Hydrauquip et son assureur l'UAP incendie accidents ( compagnie UAP) l'ont assignée en déclaration de responsabilité ;
Attendu que la société Hydrauquip et la compagnie UAP font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'après avoir relevé que la note technique annexée au courrier Hydrauquip du 3 mars 1987, et acceptée par la SAFOC, mentionnait la nécessité du passage à la couche des noyaux, ce qui induisait nécessairement l'existence d'une obligation à la charge de la SAFOC relative à ce passage, la cour d'appel n'a pu décider "que le passage à la couche du noyau ne s'imposait pas à la SAFOC" sans priver sa décision de base légale au regard des articles 1792 et suivants, 1134 et 1147 du Code civil ;
alors, d'autre part, qu'après avoir relevé que la société SAFOC effectuait un travail spécifique à la seule demande de la société Hydrauquip et en vertu d'indications particulières, de sorte que la qualification de contrat d'entreprise devait être retenue, la cour d'appel n'a pu énoncer que les directives techniques du donneur d'ordre ne s'imposaient pas à la SAFOC et que la responsabilité contractuelle de celle-ci ne pouvait être engagée pour non passage à la couche du noyau, sans méconnaître les obligations spécifiques qui incombent à l'entrepreneur en vertu du contrat d'entreprise violant ainsi les articles 1134 et 1792 et suivants du Code civil ;
alors, au surplus, qu'après avoir constaté que les sociétés Hydrauquip et UAP se prévalent de documents apportant la preuve de l'origine du sinistre, la cour d'appel n'a pas pu à la fois les rejeter sous prétexte qu'ils avaient été établis unilatéralement, à titre officieux, et refuser d'ordonner une expertise sans violer les articles 143 et suivants du nouveau Code de procédure civile et 1315 du Code civil ;
que, de surcroît, si dans son "rapport de reconnaissance" en date du 17 février 1989, le cabinet Chapelle réservait la nécessité d'un "complément d'information sur l'origine technique du sinistre", en revanche, le "rapport d'expertise", établi par le même Cabinet le 20 juillet 1990, régulièrement versé aux débats, confirme clairement l'existence d'un picot de fonderie sur le couvercle fabriqué par la SAFOC ;
qu'en refusant, dans ces conditions, la demande d'expertise sollicitée, la cour d'appel a de plus fort violé les textes susvisés ;
et alors, enfin, que la cour d'appel constate que la note technique du 9 mars 1987, acceptée par la SAFOC le 29 mars 1987, prévoyait que les pièces devaient être exemptes de tout défaut de fonderie pouvant nuire à leur qualité fonctionnelle ou à leur usinabilité ;
que ces accords contractuels s'analysent en une obligation de résultat incombant à la SAFOC ;
qu'en reprochant à Hydrauquip de ne pas apporter la preuve que la présence de picots dans les couvercles litigieux était imputable à la SAFOC, quand il revenait à celle-ci de prouver que la présence de ces picots ne lui était pas imputable, la cour d'appel inverse la charge de la preuve et viole les articles 1147 et 1315 du Code civil ;
Mais, attendu, en premier lieu, que la cour d'appel relève que la société Hydrauquip n'avait aucune certitude sur l'efficacité du système de passage à la couche pour atteindre le résultat voulu, et retient que la société SAFOC avait "la possibilité technique de ne pas courir les risques du passage à la couche en raison du moyen du noyautage utilisé" ;
qu'en l'état de ces constatations elle a légalement justifié sa décision ;
Attendu, en second lieu, que le prononcé d'une mesure d'expertise relève du pouvoir discrétionnaire reconnu aux juges du fond ;
Et attendu, enfin, qu'ayant retenu que la société Hydrauquip ne faisait pas la preuve de la présence de picots dans les couvercles fabriqués du 3 février 1988 au 3 mai 1988, les juges du fond n'ont pas inversé la charge de la preuve ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la compagnie UAP incendie accidents et la société Hydrauquip, envers la société SAFOC, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatoze mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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