AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / M. Ange C...,
2 / Mme Chantal A..., épouse de M. René B..., demeurant tous deux à Dortan (Ain), "l'Alarisse", en cassation d'un arrêt rendu le 19 novembre 1992 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre), au profit :
1 / de la société de développement régional du Centre Est, dite Centrest, dont le siège est à Besançon (Doubs), ...,
2 / de la Banque nationale de Paris, société anonyme, dont le siège social est à Paris (9e), ..., avec établissement principal à Bourg-en-Bresse (Ain), rue de Clavagry,
3 / de M. Pierre X..., demeurant à Rumilly (Haute-Savoie), défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Mourier, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Apollis, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de M. C... et de Mme B..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Centrest, de Me Vincent, avocat de la Banque nationale de Paris, les conclusions de M. Mourier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 novembre 1992), que les sociétés Banque nationale de Paris (BNP) et de Développement régional du centre est (société Centrest) ont accordé des prêts destinés au financement de matériels aux sociétés Codor et SABS ;
que ces sociétés n'ayant pu faire face à leurs engagements, les organismes prêteurs ont assigné en paiement M. C... qui s'était porté caution des sociétés emprunteuses ;
que M. C... a appelé en garantie M. X... en invoquant une convention du 15 juin 1987 aux termes de laquelle ce dernier, en contrepartie d'une cession de promesse de vente qui lui était faite, reprenait à son compte du matériel d'une usine exploitée par la société Codor, financé par la société Centrest et cautionné par M. C... ;
que M. X..., qui s'était aussi engagé par cette convention à couvrir le déficit du compte courant de la société Codor ouvert à la BNP et qui avait versé 150 000 francs à M. C..., a demandé l'annulation de son engagement pour dol au motif que M. C... lui avait caché que le matériel litigieux était revendiqué par M. Z... en vertu d'un accord conclu le 5 juin 1982 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. C... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la société Centrest la somme de 548 443 francs, outre les intérêts conventionnels, au titre du cautionnement d'un prêt consenti à la société SABS, alors, selon le pourvoi, que M. C... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel l'acceptation par la société Centrest de la vente du matériel nanti à Geneil au profit de M. Y... pour un prix de 300 000 francs, et la nécessité de déduire du montant des sommes dues à ladite société, le montant de cette vente ;
que, dès lors, l'arrêt attaqué, en retenant que le décompte du prêt ainsi consenti à la société SABS n'était pas contesté par M. C..., a dénaturé les conclusions de celui-ci en violation des articles 4 du nouveau Code de procédure civile et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que dans ses conclusions M. C... n'a, ni contesté le montant de la créance de la société Centrest, ni fait valoir la nécessité de déduire de ce montant le prix de vente du matériel nanti, mais, après avoir prétendu, que le produit de cette vente était disponible et qu'une régularisation à court terme devait intervenir pour diminuer sensiblement le recours de la société Centrest, a demandé à la cour d'appel, de "surseoir à statuer sur la demande formée par la société Centrest contre M. C..., ès qualités de caution de la société SABS, du fait de la vente dudit matériel à un sieur Y..." ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen pris en ses deux branches :
Attendu que M. C... fait encore grief à l'arrêt confirmatif sur ce point, d'avoir prononcé la nullité de la convention du 15 juin 1987 conclue entre lui et M. X..., et, par voie de conséquence de l'avoir débouté de sa demande en garantie dirigée contre M. X... et de l'avoir condamné à restituer à ce dernier la somme de 150 000 francs, alors selon le pourvoi, d'une part, que le matériel vendu par M. C... à M. X... en vertu de l'acte du 15 juin 1987 était la propriété de la société Codor selon les termes du débat explicités par les parties ;
que par suite, la cour d'appel, en retenant que M. C... n'était plus le propriétaire de ce matériel en raison de l'inexécution de la convention conclue avec M. Z... et qu'il avait commis un dol en cachant les engagements pris vis-à -vis de celui-ci, de même que la procédure en cours lors de la conclusion de la convention de cession avec M. X..., a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
et alors, d'autre part, que la validité du consentement devant être appréciée lors de la formation du contrat, la cour d'appel, qui s'est approprié les motifs du jugement et a fait état d'une prétendue cession par M. C... au profit de la société Codor de ses droits attachés à la convention conclue avec M. Z..., devait préciser la date de cette cession ;
qu'à défaut d'une telle précision, la cour d'appel, ne constatant pas que le matériel installé sur la centrale de Deluz par ladite société pouvait, à la date de la conclusion de la cession avec M. X..., ou même ultérieurement, faire l'objet d'une quelconque revendication par M. Z..., n'a pas valablement apprécié l'existence du dol prêté à M. C..., et a violé ensemble les articles 1110, 1116 et 1275 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs adoptés, l'arrêt retient que M. C... a délibérément trompé M. X..., lequel n'aurait pas contracté s'il avait su que le matériel qu'il était censé acheter était revendiqué par M. Z... ;
que par ces seuls motifs la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. C... et Mme B... à une amende civile de cinq mille francs, envers le Trésor public ;
les condamne, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quatorze mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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