AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, dont le siège social est ... (9e), ayant son service du contentieux ... (12e), en cassation d'un arrêt rendu le 11 février 1991 par la cour d'appel de Paris (21e chambre, section A), au profit de Mlle Josette X..., demeurant ... (12e), défenderesse à la cassation ;
En présence de : la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales d'Ile-de-France ayant ses bureaux ... (19e) ;
Mlle X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Mme Ridé, MM. Merlin, Desjardins, Thavaud, conseillers, Mlle Sant, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Verger, M. Petit, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Monboisse, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la CPAM de Paris, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 février 1991), Mlle X... a été engagée, le 6 décembre 1965, par la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris ;
qu'elle a exercé successivemnet les fonctions d'archiviste et d'agent technique ;
qu'à compter du 1er octobre 1987, elle a fait l'objet de huit arrêts de maladie pour lesquels la Caisse a refusé de lui verser le complément de salaire aux motifs que, notamment pour quatre d'entre eux, elle n'avait pas accepté de se soumettre à la contre-visite médicale, que pour deux autres, le médecin-contrôleur avait conclu à l'absence d'incapacité et que le dernier n'était pas justifié ;
que prétendant que son refus de se soumettre à une contre-visite était légitime, elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la condamnation de la Caisse au paiement des compléments de salaire afférents à ces arrêts de maladie, ainsi que d'une prime de vacances ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de Mlle X... qui est préalable :
Attendu que Mlle X... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes de paiement de complément de salaire, à l'exception de ceux afférents aux journées des 1er et 2 octobre 1987, alors, selon le moyen, qu'aucun texte légal et conventionnel n'autorise la direction de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris à imposer une "contre-visite" médicale et, en tous cas, à en tirer quelques conséquences que ce soit, tant sur le paiement du complément de salaire que sur les décisions relatives au contrat de travail ;
que ni l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 annexé à la loi n 78-49 du 19 janvier 1978 ni la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale à laquelle est annexé un règlement intérieur type du 19 juillet 1957 ne subordonnent l'octroi des compléments de salaire à un contrôle médical ;
que cette convention collective ne vise pas, même de façon implicite, le principe d'une "contre-visite médicale" à l'initiative de la direction ;
que si l'alinéa 2 de l'article 15 du règlement intérieur type précise que ces agents sont astreints à se plier aux contrôles médicaux effectués à la demande de leurs organismes, il ajoute aux dispositions de la convention collective, bien que, d'après l'article 62 de cette convention, le règlement type ne soit qu'un "texte application" de ladite convention ;
que les dispositions particulières à chaque organisme ne peuvent aller à l'encontre des principes fixés par la convention collective ni restreindre les droits que les intéressés tiennent de la loi ou les avantages acquis à la date de la signature de la convention collective ;
que la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 et les dispositions de la convention collective nationale du personnel des organismes de la sécurité sociale ;
qu'en conséquence, l'arrêt encourt la cassation ;
Mais attendu que l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977, qui est annexé à la loi du 19 janvier 1978, prévoit, en contrepartie de la garantie de ressources, la faculté pour l'employeur de faire procéder à une contre-visite, et que celle-ci est expressément mentionnée dans l'article 15 du règlement intérieur type qui est annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale ;
que la cour d'appel a exactement décidé que les congés de maladie, pour lesquels la contre-visite n'a pu avoir lieu en raison du refus de la salariée ou pour lesquels le médecin-contrôleur a conclu à l'absence d'incapacité, ne devaient pas donner lieu à versement de la garantie de ressources ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris :
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une somme à titre de complément de salaire pour les journées des 1er et 2 octobre 1987, alors, selon le moyen, que, dans ses conclusions d'appel, la Caisse faisait valoir que Mlle X... n'avait pas respecté les dispositions de l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 et l'article XV du règlement intérieur type de 1957 annexé à la convention faisant obligation au salarié absent pour cause de maladie d'adresser à l'employeur un certificat médical dans le délai de 48 heures ;
qu'en effet, c'est seulement le 16 octobre 1987 que Mlle X... avait adressé un duplicata d'un arrêt de travail daté du 1er octobre 1987 ;
que c'est cette situation qui avait engendré la mise en congé sans solde de l'intéressée ;
qu'en se bornant à constater que Mlle X... produit un arrêt de travail pour les journées des 1er et 2 octobre 1987, antérieures à l'accomplissement de la contre-visite sans rechercher si compte tenu de l'envoi tardif du certificat médical la décision de la Caisse de placer son agent en congé sans solde pour absence injustifiée était fondée, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié au regard de l'article 7 de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977 annexé à la loi n 78-49 du 19 janvier 1978 et de l'article XV du règlement intérieur type du 19 juillet 1957 annexé à la convention collective nationale du personnel des organisations de la sécurité sociale ;
Mais attendu qu'en relevant que Mlle X... avait produit un certificat médical justifiant son absence, la cour d'appel a répondu aux conclusions ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris :
Attendu que la Caisse fait grief à l'arrêt d'avoir dit que Mlle X..., absente pour maladie le 31 mai 1988 avait néanmoins droit au paiement de la prime de vacances prévue par l'article 22 bis de la convention collective, alors, selon le moyen, d'une part, que, conformément à l'article 16, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, le juge ne peut retenir dans sa décision les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement ;
qu'en l'espèce, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier que Mlle X... ait invoqué et produit lesdites attestations dans un délai suffisant pour permettre leur communication à la partie adverse ;
qu'en particulier, ses conclusions d'appel n'y font aucune allusion ;
qu'en se fondant, néanmoins, pour reconnaître l'existence d'un usage sur des attestations n'ayant pas été contradictoirement débattues par les parties, l'arrêt a violé les articles 16, alinéa 2, et 132 du nouveau Code de procédure civile ;
alors, d'autre part, que les juges du fond ne peuvent condamner l'employeur au paiement d'une prime par dérogation aux dispositions d'une convention collective sans constater l'existence d'une pratique dérogatoire constitutive d'un usage et sans en vérifier la portée ;
qu'en l'espèce, il résulte de l'article 22 bis de la convention collective que peuvent bénéficier du premier versement de la prime de vacances les agents inscrits à l'effectif ou dont le contrat n'était pas résolu ou suspendu le 31 mai ;
qu'en se bornant à affirmer au vu des attestations produites par Mlle X... qu'il existe au sein de la CPAM un usage de payer la prime de vacances pendant les arrêts de maladie, sans préciser dans quelles conditions exactes il était dérogé sur ce point aux dispositions conventionnelles précitées et sans rechercher si le prétendu usage était bien applicable à Mlle X... qui se trouvait en congé de maladie non rémunéré au 31 mai 1988, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 22 bis de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté qu'il existait à la Caisse un usage de payer les primes de vacances pendant les arrêts de maladie ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.