AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les pourvois n E 91-42.619 et n S 91-44.585 formés par la Société Sutip, société anonyme, dont le siège social est à Paris (9ème), ..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 mars 1991 par la cour d'appel de Paris (21ème chambre, section C), au profit de M. Yves X..., demeurant à Paris (10ème), ..., défendeur à la cassation ;
M. X... a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Merlin, Thavaud, conseillers, Mlle Sant, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Verger, M. Petit, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Desjardins, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société Sutip, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n E 91-42.619 et n S 91-44.585 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mars 1991), que M. X... a été engagé le 1er septembre 1982 en qualité de premier maquettiste par la société Sutip ;
que le 15 mars 1988, celle-ci l'a licencié en lui reprochant une faute grave ;
que M. X... a saisi la commission arbitrale des journalistes qui a sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction prud'homale sur la qualité de journaliste du salarié ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Sutip fait grief à l'arrêt d'avoir admis que M. X... avait la qualité de journaliste au sens de l'article L. 761-2 du Code du travail, alors, selon le moyen, que la qualité de collaborateur de la rédaction, assimilé, en vertu de l'article L. 761-2, alinéa 3, du Code du travail, au journaliste professionnel, se déduit de constatations objectives tenant à la nature et au contenu des fonctions effectivement exercées par l'employé dans l'entreprise ;
qu'en se bornant à énoncer que M.
X... occupait le poste de premier maquettiste, figurant sur l'"ours" de la publication, et qu'il était considéré par son employeur ainsi que par ses collègues de travail comme un collaborateur direct de la rédaction, ensuite, sans rechercher si, abstraction faite de ces appréciations subjectives, ses fonctions effectives le faisaient directement participer au travail de la rédaction du journal édité par la Sutip, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 761-2 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a fait ressortir que M. X..., dont le nom figurait dans l'"ours" de la publication, était un collaborateur de la rédaction ;
que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du pourvoi incident :
Vu les articles 150 et 608 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, selon ces textes, la décision qui ordonne une mesure d'instruction ne peut être frappée de pourvoi en cassation, indépendamment de la décision rendue sur le fond, que dans les cas spécifiés par la loi ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir organisé une enquête en ordonnant l'audition de deux témoins de l'employeur, sans avoir réservé à M. X... la preuve contraire par l'audition des personnes ayant rédigé des attestations en sa faveur, au mépris de l'article 204 du nouveau Code de procédure civile, et sans avoir précisé et déterminé les faits pertinents à prouver, au mépris de l'article 222 du même Code ;
Mais attendu que ce grief est dirigé, à l'exclusion des chefs de l'arrêt ayant statué sur le fond, contre la seule partie du dispositif ayant ordonné l'audition de deux témoins ;
qu'un tel pourvoi n'est pas immédiatement recevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
Déclare le pourvoi incident IRRECEVABLE ;
Condamne la société Sutip, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.