AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la SCP Damoisy et Lequette, dont le siège est ... (Nord), en cassation d'un arrêt rendu le 31 mai 1991 par la cour d'appel de Douai (5e chambre sociale), au profit de Mme Marie-Madeleine X..., demeurant ... (Nord), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 février 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, Mlle Sant, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ferrieu, Monboisse, Mme Ridé, MM. Merlin, Desjardins, conseillers, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Verger, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle le conseiller référendaire Sant, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mai 1991), que Mme X... a été engagée par la SCP Damoisy-Lequette, à compter du 7 novembre 1988, par contrat à durée déterminée pour assurer le remplacement d'une salariée en congé de maternité ;
que les relations contractuelles ont cessé à l'expiration de ce congé, bien que la salariée remplacée ait pris un congé parental après son congé de maternité ;
Sur la recevabilité du mémoire complémentaire :
Vu l'article 989 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que selon ce texte, lorsque la déclaration du pourvoi ne contient pas l'énoncé même sommaire, des moyens de cassation invoqués contre la décision attaquée, le demandeur doit, à peine de déchéance, faire parvenir au greffe de la Cour de Cassation au plus tard dans le délai de trois mois à compter de la déclaration, un mémoire contenant cet énoncé ;
Attendu que le mémoire complémentaire contenant un cinquième moyen de cassation a été adressé au secrétariat-greffe de la Cour de Cassation après l'expiration de ce délai ;
qu'il n'est dès lors pas recevable ;
Sur les trois premiers moyens, réunis :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer des sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnité de fin de contrat, alors, selon le moyen, d'une part, que le contrat, prévoyant que Mme X... était embauchée jusqu'au retour de Mme Y..., en congé de maternité, avait pour terme la fin du congé de maternité de Mme Y... ;
qu'ignorant, à la date de l'embauche de Mme X..., que Mme Y... prendrait un congé parental d'une année puis démissionnerait, il est évident que, pour les parties, le contrat devait expirer à l'issue du congé de maternité ;
que la cour d'appel, qui en a décidé autrement, a dénaturé le contrat ;
alors, d'autre part, que la loi du 25 juillet 1985 a institué une modalité nouvelle sous le vocable "report du terme" permettant aux parties, après l'échéance du contrat de continuer à exécuter leurs obligations sans que cela ait pour effet de transformer la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;
qu'en application des dispositions de ce texte inséré à l'article L. 122-3-7 du Code du travail, lorsque, comme en l'espèce, le contrat a été conclu pour remplacer une salariée absente pendant son congé de maternité et que cette dernière n'est pas en mesure ou ne souhaite pas reprendre son emploi à la date fixée, les parties contractantes ont le choix, soit d'opter pour le renouvellement, ce qui implique de fixer une autre date, soit d'opter pour le report de l'article L. 122-3-7, le contrat devenant à terme incertain ;
qu'en l'espèce les parties n'ont pas d'un commun accord opéré ce choix ;
que les juges du fond ont donc méconnu les dispositions de la loi du 25 juillet 1985 ;
alors, encore, que si l'on considère que le congé parental de Mme Y..., ignoré des parties lors de la conclusion du contrat, constituait une prorogation éventuelle, le contrat à durée déterminée n'étant susceptible ni de rupture anticipée, ni de prorogation éventuelle la rupture était celle d'un contrat à durée indéterminée ;
Mais attendu que par une interprétation du contrat à durée déterminée, que l'ambiguïté rendait nécessaire, la cour d'appel a retenu que le terme de ce contrat n'était pas lié à la fin du congé de maternité de la salariée remplacée mais à celle de la suspension de son contrat ;
que les moyens ne sont pas fondés ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement qui avait décidé, que les sommes allouées à la salariée porteraient intérêt au taux légal à compter de la date de convocation devant le conseil de prud'hommes, alors, selon le moyen, qu'il résulte d'un arrêt de la Cour de Cassation du 14 octobre 1987 que les sommes allouées au salarié pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée ont la nature de dommages-intérêts et que dans ces conditions, les intérêts ne pouvaient courir qu'à partir du prononcé du jugement et non à compter de la demande en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais attendu qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a fait qu'user de la faculté remise à sa discrétion par l'article 1153-1, alors applicable, du nouveau Code de procédure civile ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCP Damoisy-Lequette, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-neuf mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
1439