Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé, le 19 novembre 1956, en qualité de chauffeur poids lourd, par la société Lanfry, a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 octobre 1988 ; que, le 9 janvier 1990, le médecin du Travail l'a déclaré inapte à son emploi de chauffeur et que l'employeur, par lettre du 25 janvier 1990, a constaté la rupture du contrat de travail en raison de cette inaptitude ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Rouen, 30 mai 1991) d'avoir dit que la rupture du contrat de travail lui était imputable et constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de l'avoir condamné, en conséquence, au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen, qu'aucune disposition n'impose à l'employeur de proposer au salarié, médicalement inapte à son emploi pour une cause non professionnelle, un autre poste au sein de l'entreprise ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir procédé au reclassement du salarié pour en déduire que la rupture du contrat de travail intervenue à ce titre constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles L. 122-4, L. 122-14 et L. 241-10-1 du Code du travail ; alors, en outre, que si l'article L. 241-10-1 du Code du travail oblige le chef d'entreprise à prendre en considération les mesures individuelles que le médecin du Travail est habilité à proposer lors des visites médicales du travail, ces dispositions n'imposent en aucun cas à l'employeur de solliciter ces propositions, à défaut de suggestions spontanées de la part de ce dernier, en particulier à l'occasion d'une rupture du contrat de travail pour cause d'inaptitude totale et sans réserve à l'emploi ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a elle-même violé le texte susvisé ; alors, encore, que l'employeur avait soutenu dans des conclusions d'appel que le reclassement du salarié avait bien été envisagé mais que toute possibilité s'était avérée impossible compte tenu de l'état de santé comme des capacités professionnelles de l'intéressé ; qu'en ne répondant pas à ce chef précis et isolable des écritures de l'employeur, les juges d'appel n'ont pas justifié leur décision et violé ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'en toute hypothèse, en l'état de la jurisprudence applicable à l'époque du litige l'inaptitude définitive d'origine non professionnelle reconnue par le médecin du Travail constituait une cause de rupture du contrat de travail non imputable à l'employeur, excluant tout dommages-intérêts ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas, de ce chef, également donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, qu'en vertu du principe de l'autorité relative de la chose jugée et de l'interdiction faite aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises, l'employeur ne peut se prévaloir de décisions antérieures rendues dans d'autres instances et entre des parties différentes ;
Attendu, ensuite, que la résiliation par l'employeur du contrat de travail pour inaptitude du salarié s'analyse en un licenciement ;
Attendu, enfin, que la cour d'appel après avoir exactement énoncé que l'employeur doit, au besoin en les sollicitant, prendre en considération les propositions du médecin du Travail, en vue d'un reclassement du salarié, a constaté que, selon l'avis du médecin du Travail, l'inaptitude du salarié était limitée au seul exercice de la profession de chauffeur et, répondant par là même aux conclusions invoquées, que l'employeur, en raison de l'importance de l'effectif de son entreprise, aurait pu le reclasser ; qu'elle a décidé, à bon droit, que l'employeur avait méconnu les dispositions de l'article L. 241-10-1 du Code du travail et a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.