Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par un premier contrat du 1er janvier 1991, la société Comptoir d'élevage moderne de l'Armagnac (société CEMA) s'est engagée à livrer des canetons à engraisser à la société Lapidor, laquelle s'est obligée à approvisionner une société Darquier en une quantité équivalente de canards gras, tandis que, par un second contrat du même jour, la société Darquier s'est engagée à reprendre, après gavage, la totalité des animaux livrés à la société Lapidor par la société CEMA ; que celle-ci, n'ayant pas été réglée par la société Lapidor de l'intégralité de ses livraisons de canetons, l'a assignée, le 20 novembre 1991, en paiement du solde du prix de ces derniers ; que la société Lapidor a opposé la compensation entre cette dette et la créance qu'elle prétendait détenir sur la société Darquier au titre de ses propres livraisons de canards, créance qu'elle avait déclarée au passif du redressement judiciaire de la société Darquier, ouvert le 27 septembre 1991 ; que le Tribunal ayant refusé la compensation, la société Lapidor a interjeté appel ; qu'au cours de l'instance d'appel, le redressement judiciaire de la société Darquier a été étendu à la société CEMA par un arrêt du 13 mai 1992 ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1289 et 1351 du Code civil ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les créances litigieuses n'étaient pas réciproques, dès lors que, bien qu'appartenant au même groupe, les sociétés Darquier et CEMA avaient chacune leur personnalité juridique propre et une activité spécifique ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que par l'arrêt du 13 mai 1992, les sociétés Darquier et CEMA avaient fait l'objet, par suite de l'extension du redressement judiciaire de la première à la seconde, d'une procédure collective commune " réunissant tous les actifs et tous les passifs ", ce dont il résultait que, sous l'apparence de deux sociétés distinctes, il n'existait en fait qu'une seule personne morale ou que les patrimoines des sociétés Darquier et CEMA étaient confondus, la cour d'appel a méconnu l'autorité de chose jugée attachée à son précédent arrêt ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1289 du Code civil ;
Attendu qu'à défaut d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat, le lien de connexité peut exister entre des créances et dettes nées de ventes et achats conclus en exécution d'une convention ayant défini, entre les parties, le cadre du développement de leurs relations d'affaires, ou de plusieurs conventions constituant les éléments d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt retient encore que les créances litigieuses n'étaient pas unies par un lien de connexité, dès lors que deux contrats distincts ont été passés le 1er janvier 1991, sans conclusion d'une convention-cadre ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les deux contrats d'approvisionnement du 1er janvier 1991, dont les achats et ventes réciproques des mêmes animaux effectués par la société Lapidor étaient l'exécution, étaient liés entre eux et constituaient les deux volets d'un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations d'affaires des parties, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.