Attendu, selon l'arrêt critiqué, (Paris, 25 mai 1993), que, le 1er octobre 1987, Mme X..., épouse de M. Paul Y..., a donné mandat à la société de remisier Nord Performance de gérer le porte-feuille de valeurs mobilières qu'elle déposait le jour même à la société Didier Z..., agent de change, où un compte lui était ouvert ; que ce mandat excluait toute opération conditionnelle et toute vente à découvert ; que, le lendemain, Mme Y... a donné procuration à son mari sur le compte ouvert dans les livres de l'agent de change ; que, les 12 et 27 novembre, deux " sous-comptes " ont été ouverts dans ces livres pour permettre d'opérer, au moyen de l'un sur le marché à options négociables (le Monep), et au moyen de l'autre sur le marché à terme des instruments financiers (le Matif) ; que de nombreuses opérations ont été effectuées, tant à l'initiative de la société Nord Performance qu'à la suite d'interventions directes de M. Y... ; que ces opérations ont été reportées par l'agent de change sur les avis d'opéré et les relevés de situation financière régulièrement adressés à Mme Y... ; que ces opérations se sont révélées dans l'ensemble bénéficiaires, tant sur le marché à terme que sur le Monep, jusqu'à la liquidation du 26 avril 1988 ; qu'à la suite d'importantes positions " acheteur " prises le 28 avril, la société de bourse Didier Z... a, le 6 mai 1988, mis en demeure M. Y... d'apporter un complément de couverture pour le 9 mai ; que, cette régularisation n'ayant pas été opérée, la société de bourse a dénoué d'office l'ensemble des positions, tant sur le marché à règlement mensuel que sur le Monep, ce qui a fait apparaître une perte pour Mme Y... ; que celle-ci a assigné les sociétés Didier Z... et Nord Performance en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel infirmant le jugement, a accueilli cette demande en reprochant à la société Didier Z..., notamment, de ne pas avoir informé Mme Y... des risques inhérents aux opérations sur le Monep et d'avoir exécuté des ordres sur ce marché à options sans vérifier s'ils étaient compatibles avec le mandat donné à la société Nord Performance ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Didier Z... fait grief à l'arrêt infirmatif de l'avoir condamnée, in solidum avec la société Nord Performance, à payer à Mme Y... la somme de 1 000 000 francs à titre de dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne considérant pas le caractère bénéficiaire de l'ensemble des opérations engagées par M. Y..., mandataire personnel de son épouse, titulaire du compte sur le Monep et ce, pendant plus de 5 mois, du 12 novembre 1987 au 26 avril 1988, qui faisait ressortir que celui-ci, investisseur avisé et familier des marchés boursiers traditionnels, était aussi un opérateur averti du marché spéculatif du Monep, ayant connaissance des risques encourus dont il n'avait pas à être informé lorsqu'il a fait prendre, le 28 avril 1988, des positions acheteur, qui ont conduit à des pertes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du Code civil ; et alors qu'en ne déterminant pas si la modification de la mission initialement assignée au remisier et à la société de bourse ne résultait du mandat donné par Mme Y... à son époux, Paul Y..., et si ce mandat ne permettait pas à ce dernier d'engager des opérations sur le Monep, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1984 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu que l'information sur les risques du Monep était due à Mme Y..., cliente des sociétés Nord Performance et Didier Z... ; que, dès lors, le grief tiré de l'inutilité d'une telle information à l'égard de M. Y..., au motif que celui était déjà averti des risques en question, est inopérant ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir relevé que le mandat de gestion de porte-feuille avait été confié par Mme Y... à la société Nord Performance et que la procuration donnée à M. Y... ne concernait que le compte ouvert à la société Didier Z..., puis retenu que celle-ci avait accepté d'ouvrir deux sous-comptes et d'exécuter les ordres donnés sur le Monep sans vérifier si les opérations requises étaient conformes au mandat donné, comme elle y était tenue par les prescriptions de l'article 220 du règlement de la compagnie des agents de change, la cour d'appel a exclu, par là-même, que le mandat de gestion de porte-feuille ait pu être modifié par l'intervention de M. Y... ;
Que le moyen, qui est inopérant en sa première branche, manque en fait en son deuxième élément ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Didier Z... reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne recherchant pas si, comme elle le faisait valoir dans ses conclusions non contredites, la notice d'information sur le Monep édictée par la compagnie des agents de change n'avait pas immédiatement été transmise à Mme Y... dès l'ouverture du sous-compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1135 et 1147 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en ne vérifiant pas, comme elle l'y invitait dans ses écritures, si les termes très généraux du mandat donné par Mme Y... au remisier, la société Nord Performance, ne faisaient obstacle à un quelconque contrôle, par la société de bourse, de la conformité des ordres au mandat donné, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ; et alors, enfin, que le titulaire d'un compte ouvert auprès d'une société de bourse, qui ne formule aucune protestation à la réception des avis d'opéré relatant précisément chaque opération effectuée sur le Monep pendant plus de 5 mois, a ratifié les ordres passés par la société de bourse et ne saurait ensuite venir contester l'étendue du mandat donné au moment où les opérations réalisées se traduisent pas des pertes ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1998 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que la société Didier Z... soutenait, devant la cour d'appel, que la notice d'information avait été envoyée à M. Y... ; qu'elle ne saurait donc reprocher à l'arrêt de n'avoir pas recherché si cette notice avait été envoyée à Mme Y... ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a constaté que, si le mandat était général quant aux opérations à effectuer, il excluait toutefois les opérations conditionnelles et les ventes à découvert ; qu'elle a donc pu en déduire que, du fait de ces restrictions, la société Didier Z... aurait du vérifier si les opérations requises étaient conformes au mandat ;
Attendu, enfin, que, si la réception sans protestation ni réserve des avis d'opéré fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, comme en l'espèce, de reprocher à celui qui a effectué ces opérations d'avoir excédé les limites de son mandat ;
Que le moyen ne peut être accueilli, en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.