AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Renault automation, dont le siège est ... (Hauts-de-Seine), en cassation d'un arrêt rendu le 21 décembre 1990 par la cour d'appel de Versailles (15e Chambre sociale), au profit de Mme Yolande X..., demeurant ... (Yvelines), défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 9 mai 1995, où étaient présents : M. Kuhnmunch, président, M. Monboisse, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Ferrieu, Mme Ridé, MM. Merlin, Desjardins, conseillers, Mlle Sant, MM. Frouin, Boinot, Mmes Bourgeot, Verger, conseillers référendaires, M. Chauvy, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Monboisse, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Renault automation, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 décembre 1990), Mme X... a été engagée le 6 juin 1986 en qualité de secrétaire par la Société d'études et de réalisations industrielles, aux droits de laquelle se trouve la société Renault automation ;
qu'en septembre 1987, à la suite d'une réorganisation, Mme X... est devenue secrétaire du directeur de la division et du directeur technique de l'établissement ;
qu'elle a été licenciée et qu'un acte qualifié de "transaction" est intervenu à l'occasion de ce licenciement ;
Attendu que la société Renault automation fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'acte du 26 février 1988 ne constituait pas une transaction et de l'avoir condamnée à payer à Mme X... une indemnité conventionnelle de licenciement et une indemnité pour recherche d'emploi, alors, selon le moyen, d'une part, que constitue une transaction au sens de l'article 2044 du Code civil un acte par lequel chacune des parties renonce à un avantage au moins éventuel ;
qu'en l'espèce, il était établi qu'à la suite des difficultés relationnelles de Mme X... avec ses supérieurs, la société Renault automation avait proposé à sa salariée une mutation de poste, sans changement de qualification ni de rémunération ;
qu'elle avait refusé en sollicitant son licenciement afin de bénéficier d'une indemnité ;
que, dès lors, en constatant que l'employeur avait, d'une part, accepté le principe de la rupture du contrat, d'autre part, sa qualification en licenciement, d'où il résultait l'abandon du droit à se prévaloir d'une démission ou d'une rupture imputable à la salariée et en décidant néanmoins qu'il n'avait fait aucune concession à Mme X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et ainsi violé l'article 2044 du Code civil ;
alors, d'autre part, en toute hypothèse, que lorsque l'acte est nul, faute de remplir les conditions de validité d'une transaction, il appartient aux juges du fond d'apprécier les circonstances de la rupture et, le cas échéant, la légitimité du licenciement ;
que, dès lors, en se bornant à déclarer que l'employeur n'invoquait aucune faute grave ou lourde de la salariée pour faire droit à sa demande d'indemnité de licenciement, sans rechercher si le refus par Mme X... d'une modification non substantielle de son contrat ne lui rendait pas la rupture imputable et était, dès lors, de nature, à la priver de toute indemnité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 121-1 du Code du travail ;
alors, en outre, que l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement tend à la réparation forfaitaire du préjudice causé au salarié par son congédiement ;
que, dès lors, en condamnant la société Renault automation à payer à Mme X... une somme de 39 500 francs à titre d'indemnité de licenciement, sans en déduire celle versée en application de la transaction déclarée irrégulière, la cour d'appel a violé les articles L. 122-9 du Code du travail et 33 de la convention collective de la métallurgie ;
alors, enfin, que, selon l'article 32 de la convention collective de la métallurgie, si le salarié n'utilise pas, du fait de son employeur, tout ou partie des heures destinées à la recherche d'un emploi durant la période de préavis, il perçoit, lors de son départ, une indemnité correspondant au nombre d'heures non utilisées ;
qu'en l'espèce, Mme X... n'a ni prétendu, ni, a fortiori, établi avoir été empêchée, du fait de la société Renault automation, d'utiliser lesdites heures au cours des trois mois de préavis ;
qu'en condamnant néanmoins la société Renault automation à payer à Mme X... une somme de 9 517,50 francs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que Mme X... avait été effectivement licenciée le 29 février 1989 et qu'elle avait exécuté son préavis, ce qui impliquait l'absence de faute grave, la cour d'appel a pu décider que la somme versée en exécution de l'acte du 26 février 1988 ne correspondait à aucune concession de la part de l'employeur ;
Attendu, ensuite, qu'ayant justement décidé que l'acte du 26 février 1988 n'emportait pas transaction, la cour d'appel a condamné l'employeur à payer l'indemnité de licenciement, due en application de la convention collective ;
D'où il suit que le moyen qui, en sa dernière branche, est nouveau et irrecevable comme étant mélangé de fait et de droit, ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Renault automation, envers Mme X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt et un juin mil neuf cent quatre-vingt-quinze.