ARRÊT N° 2
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 juin 1993), que la société d'Aide à l'accession à la propriété des locataires (AAAPL), bailleresse, a délivré, pour le 30 juin 1991, aux époux X..., locataires, en application de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, un congé fondé sur la décision de vendre ; que, n'ayant pas accepté l'offre de vente, les époux X... ont assigné la société AAAPL afin de faire juger que le prix demandé étant abusif, celle-ci avait agit en fraude de leurs droits ;
Attendu que la société AAAPL fait grief à l'arrêt de constater que la date d'échéance du bail des époux X... est restée celle contractuellement fixée du 23 juin 1992, alors, selon le moyen, 1° que le législateur, ayant institué, à l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, la sanction de la vente à un tiers à des conditions de prix plus avantageuses pour lui que celles prévues par l'offre de vente, le juge ne dispose à quelque titre que ce soit d'aucun pouvoir de contrôle a priori du prix proposé dans cette offre ; qu'en déclarant frauduleuse l'offre de vente faite aux époux X... en raison du caractère volontairement dissuasif du prix d'achat qui leur était proposé, la cour d'appel a violé ledit texte ; 2° que le locataire congédié disposant, en cas de vente ultérieure à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles qui lui ont été offertes, du droit de se substituer à ce tiers, le montant du prix offert dans le congé pour vendre n'est pas lui-même susceptible de caractériser une intention frauduleuse du bailleur s'il n'est au surplus constaté que ce dernier, en réalité, ne voulait pas vendre, ou entendait vendre à un tiers ; que la cour d'appel, qui n'a pas relevé que la société bailleresse aurait été animée de l'une ou l'autre de ces intentions, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 ; 3° que, dans ses conclusions, la société bailleresse faisait valoir que les époux X... avaient admis devant le premier juge, dans leurs propres conclusions, que le prix qui leur avait été proposé représentait approximativement le prix de leur appartement rénové ; qu'en se bornant à relever que le prix proposé aux locataires dans l'offre de vente ne correspondait pas à la valeur vénale d'un appartement de même état, sans répondre à ces conclusions de nature à révéler l'influence d'une rénovation sur la valeur du bien, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile qu'elle a donc violé ;
Mais attendu que la fraude qui affecte un acte juridique justifiant son annulation, la cour d'appel qui, appréciant souverainement l'intention frauduleuse de la société AAAPL, a retenu que l'offre de vente notifiée par celle-ci aux époux X... avait été faite pour un prix volontairement dissuasif, dans l'intention évidente d'empêcher les locataires d'exercer leur droit légal de préemption a, sans violer le texte susvisé et sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il est équitable de laisser à la charge des époux X... les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.