CASSATION sur le pourvoi formé par :
- l'agent judiciaire du Trésor, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, du 27 juillet 1994 qui, dans la procédure suivie contre Catherine X... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1er et suivants de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 1382 du Code civil, 32 de la loi du 5 juillet 1985 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté la demande de l'agent judiciaire tendant à la fixation du préjudice de droit commun subi par Mme Y..., agent de l'Etat, et au remboursement par le tiers responsable des prestations versées ;
" aux motifs que lors de l'accident Mme Y... se trouvait en arrêt de travail pour maladie en raison d'un état dépressif apparu au mois de mars 1989 et dont le terme était fixé au 26 novembre 1990 ; que l'expert Z..., commis, ayant fixé la date de consolidation au 17 septembre 1990, il est incontestable que l'absence de reprise du travail de Mme Y... est sans relation avec l'accident, car elle bénéficiait d'un congé de longue durée jusqu'au 26 novembre 1990, de sorte que le Trésor public n'a subi aucun préjudice qui soit la conséquence directe de l'accident survenu le 10 novembre 1989 ;
" alors que le tiers responsable est tenu de réparer l'intégralité du préjudice subi par la victime résultant de l'accident, même s'il est en tout ou en partie réparé par le versement de prestations sociales ;
" que par ailleurs l'Etat est en droit d'obtenir, par subrogation aux droits de la victime, dans la seule limite de l'indemnité de droit commun mise à la charge du tiers responsable qu'il appartient au juge de fixer, le remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à celle-ci à la suite de l'infirmité ou de la maladie et que cette action concerne notamment le traitement ou le solde et les indemnités accessoires payés pendant la période d'interruption du service ;
" d'où il résulte que saisie par l'agent judiciaire de conclusions rappelant que l'expert avait expressément conclu que l'accident imputable à Catherine X... avait engendré pour la victime, Mme Y..., une incapacité fonctionnelle de 100 % du 10 novembre 1989 au 10 janvier 1990, 50 % du 11 janvier 1990 au 28 février 1990, 30 % du 1er mars 1990 au 30 avril 1990, 15 % du 1er mai 1990 au 16 septembre 1990, 6 % d'incapacité permanente partielle à compter du 17 septembre 1990, date de consolidation des blessures ;
" et sollicitant en conséquence l'évaluation de ces chefs de préjudice à la somme de 73 504, 28 francs, sur laquelle devait s'imputer le recours de l'Etat correspondant aux traitements versés de la date de l'accident jusqu'au 9 mai 1990 ;
" la Cour, qui écarte la demande de l'Etat en remboursement des traitements versés à son agent et des charges patronales au motif qu'il n'a subi aucun préjudice car Mme Y... se trouvait en congé de longue durée, sans évaluer le préjudice retenu par l'expert résultant de l'incapacité totale temporaire, de l'incapacité temporaire partielle et de l'incapacité permanente partielle et rechercher si les traitements versés par l'Etat n'avaient pas contribué à réparer ces chefs de préjudice, a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Christel Y..., agent de l'Etat, a été blessée le 10 novembre 1989 lors d'un accident dont Catherine X... a été reconnue responsable ; que, selon l'expert judiciairement commis, elle a subi une incapacité temporaire de travail totale puis partielle, jusqu'au 16 septembre 1990, date de la consolidation, et conserve une incapacité permanente de 6 % ;
Attendu que l'agent judiciaire du Trésor est intervenu à l'instance pour demander que le préjudice économique de la victime, partie civile défaillante, fût fixé à 74 504, 28 francs et pour obtenir en conséquence le remboursement de la rémunération versée à l'intéressée du jour de l'accident au 9 mai 1990, soit 69 949, 01 francs ; qu'il a sollicité, en outre, le remboursement des charges patronales y afférentes ;
Attendu que, pour rejeter les prétentions du Trésor public, la juridiction du second degré retient que Christel Y... se trouvait déjà, lorsque l'accident est intervenu et en raison d'un état dépressif apparu en mars 1989, en congé de maladie dont le terme était fixé au 26 novembre 1990 et que, par suite, l'Etat n'a subi aucun préjudice qui soit la conséquence directe de l'accident ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si indépendamment de la maladie dont la victime était atteinte, les traitements versés à celle-ci durant l'interruption de service consécutif à l'accident, avaient contribué à la réparation de l'atteinte à l'intégrité physique en découlant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar en date du 27 juillet 1994 et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.