CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Richard,
- la compagnie d'assurances groupe Azur, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, du 20 mai 1994 qui, dans les poursuites exercées contre le premier pour homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 29-1 et 30 de la loi du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... in solidum avec le groupe Azur au paiement de la somme de 463 042,65 francs à Mme Y..., de celle de 37 829,95 francs à Isabelle Y..., et de celle de 61 099,88 francs à Stéphanie Y... au titre de leur préjudice patrimonial ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier que M. Y... était au jour de son décès âgé de 58 ans et demi, était retraité et percevait de l'ENIM une pension mensuelle de 10 065,08 francs ; qu'à cette même date, Mme Y... percevait en sa qualité d'institutrice un salaire de 10 058,21 francs ;
" qu'Isabelle Y..., née en 1969 était étudiante à l'université de Rennes 2 en sciences économiques ; que Stéphanie Y..., née en 1971 était étudiante en anglais ; que les pensions de retraite n'entrent pas dans le cadre des recours subrogatoires prévus aux articles 28 à 34 de la loi du 5 juillet 1985 ; qu'il ne devra donc pas être pris en compte la pension de réversion perçue de l'ENIM ; qu'à la date de l'accident, les ressources du foyer étaient de 20 123 francs dont il y a lieu de déduire une part de consommation de Y... soit un solde de 16 099 francs dont à déduire le salaire de Mme Y... soit une perte de revenus de 6 041 francs par mois et 72 492 francs par an ; que le prix du franc de rente doit être réitéré en fonction de l'âge de Y... au jour de son décès ; que sur cette base le préjudice patrimonial de Mme Y... peut être fixé comme suit : 72 492 70 9,125 = 463 042,65 francs ; qu'en ce qui concerne les deux enfants majeurs, elles poursuivaient des études supérieures ; qu'il convient de considérer eu égard aux documents fournis qu'elles sont en mesure d'avoir terminé lesdites études à l'âge de 25 ans ; qu'ainsi leurs préjudices peuvent être fixés à :
Isabelle Y... : 72 492 15 3,479 = 37 829,95 francs ;
Isabelle Y... : 72 4 100
Stéphanie Y... : 72 492 15 5,619 = 61 099,88 francs,
Stéphanie Y... : 72 4 100 ;
" 1o alors que doivent être imputées sur l'indemnité réparant le préjudice patrimonial des ayants droit de la victime les prestations versées par les tiers payeurs et qui ouvrent droit au profit de ceux-ci à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, prévu par les articles 29 et 30 de la loi du 5 juillet 1985 ; que tel est le cas sans distinction des prestations versées par l'Etablissement National des Invalides de la Marine, établissement public gérant le régime spécial de sécurité sociale des marins français par l'intermédiaire notamment de sa caisse de retraite chargée du service des pensions et autres avantages vieillesse ; qu'en décidant, dès lors, que la pension de réversion perçue par Mme Y... de l'ENIM ne doit pas être déduite de l'indemnité réparant le préjudice patrimonial de celle-ci, en ce qu'elle n'entre pas dans le cadre des recours subrogatoires prévus aux articles 28 à 34 de la loi du 5 juillet 1985, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2o alors subsidiairement que, si les juges du fond apprécient souverainement le montant des réparations allouées à la victime d'une infraction, il ne saurait en résulter pour celle-ci ni perte ni profit ; que doivent être prises en compte dans le calcul du préjudice patrimonial toutes les ressources perçues par la veuve après le décès de la victime ; qu'en l'espèce, la pension de retraite versée par l'ENIM à Y... s'est transformée au jour de son décès en pension de réversion versée à Mme Y... ; qu'en refusant, pour évaluer le préjudice des consorts Y..., de tenir compte de cette pension de réversion, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si les juges du fond apprécient souverainement le montant des réparations allouées à la victime d'une infraction, il ne saurait en résulter pour celle-ci ni perte ni profit ; que la pension de réversion, quelle qu'en soit l'origine, qui se substitue, au profit du conjoint survivant de la victime d'un accident mortel, à la pension de retraite dont celle-ci était titulaire, ne contribue pas à la réparation de son préjudice économique ;
Attendu que, dans les poursuites exercées contre Richard X..., du chef d'homicide involontaire sur la personne de Georges Y..., la juridiction du second degré a fixé le préjudice économique d'Annick Z..., veuve Y... et de ses filles, parties civiles, sans tenir compte de la pension de réversion de la veuve de la victime ; que les juges se fondent à cet égard sur l'absence de tout recours subrogatoire au profit de l'Etablissement National des Invalides de la Marine (ENIM) qui avant le décès de Georges Y... versait à celui-ci une pension de retraite ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la pension de réversion de la veuve ne pouvait, sans qu'il en résultât un avantage indu pour celle-ci, être écartée du calcul des revenus antérieurs et postérieurs au décès de la victime, servant de base à l'évaluation de ce préjudice, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes en date du 20 mai 1994, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Angers.