AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société anonyme Antirouille, ayant son siège ..., en cassation d'un arrêt rendu le 19 mai 1993 par la cour d'appel de Metz (chambre civile), au profit de la société anonyme Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME), ayant son siège ... (2e), défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 juin 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de Me Parmentier, avocat de la société Antirouille, de Me Bouthors, avocat de la société crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Metz, 19 mai 1993), que la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) a consenti un prêt de 1 400 000 francs à la société SERIC, avec le cautionnement solidaire, dans le même acte, de la société Antirouille ;
que la société SERIC ayant été mise en redressement judiciaire, le CEPME a demandé à la caution d'exécuter son engagement ;
que celle-ci a résisté en faisant valoir que le créancier avait omis de prendre certaines garanties stipulées au contrat et que, dans la mention manuscrite, le cautionnement avait été limité au principal de la dette ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que la société Antirouille reproche à l'arrêt d'avoir accueilli la demande du CEPME, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le contrat de prêt mentionnait que les parties étaient convenues des dispositions énoncées aux "conditions particulières du prêt", après acceptation sans réserve des clauses définies aux titres "Conditions générales" et "Garanties" de l'acte de prêt ;
qu'en énonçant, contre les termes clairs et précis de ce contrat, que le créancier ne s'était pas engagé à prendre les garanties qui figuraient dans les conditions générales du contrat de prêt, la cour d'appel, qui en a déduit que la caution ne pouvait se prévaloir du dépérissement des sûretés imputable au créancier, a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
et alors, d'autre part, que pour décider que le créancier ne s'était pas engagé à prendre les garanties mentionnées dans les "Conditions générales" du contrat de prêt, la cour d'appel s'est bornée à relever que les conditions particulières du prêt ne faisaient pas référence au remboursement de toutes les sommes et au nantissement du matériel figurant dans les autres stipulations du contrat de prêt ;
qu'en statuant de la sorte, sans constater que les conditions particulières excluaient de manière expresse, par une mention explicite de nature à renseigner la caution sur l'état des garanties en considération desquelles elle s'engageait, les garanties mentionnées dans les autres stipulations du contrat, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les stipulations insérées dans les rubriques intitulées "Conditions générales" et "Garanties" font état d'un nantissement sur le fonds de commerce "dans le cadre des garanties conférées aux conditions particulières", ainsi que d'un nantissement sur le matériel "désigné aux conditions particulières", l'arrêt constate, hors toute dénaturation, que les conditions particulières du contrat ne font pas référence "à un nantissement sur le fonds de commerce et pas davantage au matériel qui ferait l'objet d'un nantissement" puis retient exactement que le créancier ne s'est donc pas engagé à prendre les garanties "envisagées" dans les "conditions générales" ;
qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Antirouille reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au CEPME la somme de 1 400 137 francs, augmentée des intérêts de retard conventionnels à compter du 28 février 1991, alors, selon le pourvoi, que la caution ne peut être condamnée au paiement d'une somme qui excède le montant figurant dans la mention manuscrite qu'elle a apposée ; que pour condamner la société Antirouille au paiement des intérêts au taux conventionnel dû par le débiteur principal et des indemnités forfaitaires prévues par le contrat de prêt, la cour d'appel a énoncé que l'engagement de la caution portait sur toutes les sommes dues en vertu du contrat de prêt ;
qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y était invitée, si seule la somme de 1 400 000 francs, montant du prêt, ne figurait pas dans la mention manuscrite apposée par la société Antirouille, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1326 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève, par motifs adoptés, que "M. X..., dirigeant de la société Antirouille et par ailleurs président du conseil d'administration de la société SERIC, a personnellement porté de sa main, au bas du contrat du 15 avril 1986, la mention :
"Bon pour caution solidaire du remboursement de toute somme due en vertu du prêt de 1 400 000 francs", ce dont il résulte que la mention manuscrite ne se bornait pas à mentionner "la seule somme de 1 400 000 francs" ;
que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Antirouille, envers la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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