AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLIN, les observations de Me de A..., de Me X... et de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, avocats en la Cour et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Charles,
- Le FONDS de GARANTIE contre les ACCIDENTS, (FGA), partie intervenante, contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, du 7 octobre 1994 qui, dans la procédure suivie contre Charles Z... pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I- Sur le pourvoi du fonds de garantie contre les accidents :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II- Sur le pourvoi de Charles Z... :
Vu les mémoires produits en demande et en défense ainsi que le mémoire complémentaire en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 385-1, 388-1, 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reçu le GAN en son exception de non-garantie ;
"aux motifs que le GAN avait, conformément aux dispositions de l'article 385-1 du Code de procédure pénale, conclu à sa mise hors de cause avant toute défense au fond, en excipant d'une cause de non-garantie de nature à l'exonérer totalement de son obligation de garantie à l'égard de la victime lato sensu ;
que son exception était recevable en la forme ;
"alors que si l'assureur appelé à garantir le dommage est intervenu, volontairement ou non, en première instance, c'est devant le premier juge qu'il doit présenter avant toute défense au fond, et à peine de forclusion, toute exception de non-garantie ;
qu'en l'espèce, il résulte de la lecture du jugement dont appel (trib. correc. de Lure, 28 janvier 1994, p. 5 et 6) que la Compagnie GAN avait, par conclusions, en date du 29 mai 1992, conclu à un partage de responsabilité entre la victime et son assuré ;
que ce n'est qu'ensuite, par conclusions du 12 juin 1992, qu'elle a soulevé une exception de non-garantie ;
que, dès lors, le juge correctionnel devait soulever, au besoin d'office, la forclusion de cette exception, conformément l'article 385-1 du Code de procédure pénale ;
que la cour d'appel ne pouvait donc en aucun cas déclarer l'exception recevable ;
Attendu que le demandeur soutient pour la première fois devant la Cour de Cassation que son assureur, le groupe des assurances nationales (GAN), partie intervenante devant le tribunal correctionnel, n'aurait pas présenté, avant toute défense au fond en première instance son exception de non-garantie, laquelle serait dès lors irrecevable par application de l'article 385-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'à défaut de constatation par les juges d'appel des éléments nécessaires pour apprécier la valeur de la forclusion invoquée, constatatation qu'il appartenait au demandeur de provoquer, le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L 113-2, L 113-4, L 113-9, R. 211-4 (dans sa rédaction du décret du 7 janvier 1986), A 211-1-3 du Code des assurances, R. 54 du Code de la route, 385-1, 388-1 à 388-3, 591 à 193 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a fait droit à l'exception de non-garantie présentée par le GAN ;
"aux motifs que cette exception de non-garantie reposait sur l'adjonction au tracteur d'une remorque d'un PTAC supérieur à 750 kg et, partant, à l'existence d'un risque nouveau non assuré ;
qu'en l'espèce, la remorque, non équipée d'une plaque mentionnant son PTAC et non réceptionnée n'aurait pas dû circuler sur la voie publique ;
qu'elle ne pouvait, contrairement aux explications confuses de l'expert, être classée en grande ou petite remorque selon qu'elle circulait en forêt ou sur route, et ce, en fonction d'une limitation volontaire de la charge abandonnée à son seul utilisateur ;
que, manifestement, son PTAC dépassait 750 kg ;
que cette remorque avait eu un rôle causal, puisque l'ensemble tracteur-remorque obstruait le carrefour ;
qu'à supposer même que la remorque n'ait pas eu un rôle causal, il appartenait aux premiers juges de se prononcer sur l'exception ;
qu'il convenait de faire droit à l'exception de non-garantie ;
"alors qu'il résultait des dispositions de l'ancien article R 211-4 du Code des assurances (rédaction du décret du 7 janvier 1986) et de l'article A 211-1-3 du même Code, aujourd'hui abrogé, que l'adjonction d'une remorque à un véhicule automobile ne constituait un cas de non-asurance que si le poids total autorisé en charge dépassait 750 kg ;
que le poids total autorisé en charge (PTAC) pour la circulation sur route est un élément fixé administrativement, que l'article R. 54 du Code de la route dispose que l'Administration peut fixer "un ou plusieurs PTAC", et ce notamment pour tenir compte des endroits où le véhicule est utilisé ;
qu'au lieu de fustiger le travail de l'expert, la cour d'appel aurait dû expliquer si la remorque litigieuse n'avait pas sur route un PTAC inférieur à 750 kg et si la charge autorisée avait été dépassée au moment de l'accident ;
"et alors que, sous l'empire des textes précités, l'adjonction d'une remorque d'un PTAC supérieur à 750 kg ne créait une situation de non-assurance que dans l'hypothèse où elle modifiait le rôle causal de l'instrument du risque ;
que la cour d'appel ne pouvait contredire les motifs des premiers juges sur l'absence de rôle causal de la remorque, sans préciser d'où elle pouvait tenir que cet engin "obstruait la chaussée" et en quoi cela lui donnait un rôle causal, dès lors qu'il était constant que la victime avait heurté le tracteur, et non la remorque" ;
Attendu que, pour accueillir l'exception de non-garantie présentée par le GAN, sur la constitution de partie civile du représentant légal de la victime de l'accident survenu le 14 août 1991 et dont Charles Z... a été déclaré responsable, la juridiction du second degré retient que l'adjonction au tracteur conduit par celui-ci sur la voie publique d'une remorque non assurée, démunie d'une plaque mentionnant son poids total autorisé en charge et non réceptionnée, mais dont le poids en charge excédait manifestement 750 kgs, a modifé l'instrument du risque et constitue par suite "une cause de non-assurance de l'ensembe roulant" ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, abstraction faite de tout autre motif surabondant, la cour d'appel, qui a fait l'exacte application tant de l'article L 211-1 du Code des assurances, que des articles R 211-4 et A 211-1-3 du même Code en leur rédaction applicable à l'espèce, a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen, lequel, inopérant en sa seconde branche, doit, dès lors, être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Blin conseiller rapporteur, MM. Carlioz, Aldebert, Grapinet, Mme Chevallier conseillers de la chambre, Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;