AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de Me de NERVO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- GUL X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 15 novembre 1994, qui a rejeté sa requête en relèvement de l'interdiction définitive du territoire français ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 55-1 du Code pénal (ancien), de l'article 703 et des articles 591 à 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué ne mentionne pas que le demandeur au relèvement de l'interdiction définitive du territoire français a été convoqué à l'audience où sa cause a été évoquée ;
"alors que, dans le cadre d'un procès pénal équitable, tout accusé doit avoir la possibilité de venir s'expliquer lui-même ;
qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que Ali Z... ait été personnellement convoqué pour l'audience où sa cause a été entendue" ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué qu'à l'audience de la Cour du 11 octobre 1994, statuant en chambre du conseil, Me Novion, avocat du requérant, a présenté ses moyens de défense et qu'il a eu la parole le dernier ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'a fait que se conformer aux prescriptions de l'article 703 du Code de procédure pénale et de l'article 712 du même Code auquel il renvoie, dont les dispositions, qui prévoient la comparution facultative du requêrant lorsqu'il est représenté par son avocat, ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6-3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article L. 630-1 du Code de la santé publique, dans sa rédaction de la loi du 31 décembre 1991, de l'ordonnance n 42-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, des articles 11, 34, et 372 du Code civil, de l'article 55-1 du Code pénal, des articles 591 à 593, 703 du Code de procédure pénale, insuffisance de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté Ali Z... de sa demande de relèvement de l'interdiction définitive du territoire français ;
"aux motifs que le requérant pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 27 de la loi du 31 décembre 1991, applicables au moment où la cour d'appel avait prononcé l'interdiction ;
que, toutefois, il devait démontrer qu'il remplissait les conditions exigées par ce texte, au moment de sa condamnation ;
que la photocopie produite du certificat de naissance concernait un enfant nommé Deniz Laurent Z..., né le 26 mars 1981 ;
qu'il n'était pas certain qu'Ali Z... était le père de cet enfant, car si la date de naissance était la même que la sienne, en revanche le lieu de naissance était différent (Pülümür au lieu de Tunceli) ;
qu'à supposer qu'Ali Z... fût le père de cet enfant, il ne rapportait pas la preuve qu'il avait exercé ou exerçait encore, même partiellement, l'autorité parentale ou qu'il subvenait encore aux besoins de l'enfant ;
que le requérant ne pouvait prétendre résider régulièrement en France depuis plus de 10 ans, car la seule pièce attestant sa présence sur le territoire national était le bulletin n 1 du casier judiciaire, faisant état de faits remontant à 1984 ;
qu'il avait été incarcéré à plusieurs reprises depuis, ce qui était incompatible avec la notion de résidence régulière exigée par l'article 27 de la loi du 31 décembre 1991 ;
"1 ) alors qu'il résulte des termes mêmes de l'article 703 du Code de procédure pénale et de l'article L. 650-1 du Code de la santé publique (dans sa rédaction de la loi du 30 décembre 1991) que les autorités judiciaires doivent "s'entourer de tous les renseignements "utiles et vérifier, le cas échéant, les dires du requérant en relèvement ;
que les actes d'état civil font foi jusqu'à preuve du contraire ;
que la cour d'appel ne pouvait écarter un tel acte, établissant la paternité en France d'Ali Z..., né le 15 juin 1950, sous prétexte d'une prétendue discordance dans les lieux de naissance, sans préciser quels autres actes permettaient de mettre cette discordance en évidence, et sans procéder aux vérifications élémentaires qui lui auraient permis de démontrer qu'il n'y avait en réalité aucune discordance ;
"2 ) alors que, depuis la loi n 93-22 du 8 janvier 1993, modifiant l'article 372 du Code civil, l'autorité parentale est exercée de plein droit par les deux parents de l'enfant qui l'ont reconnu ensemble et qui vivaient ensemble au moment de cette reconnaissance ; que l'acte d'état civil produit aux débats permettait de constater qu'Ali Z... avait reconnu et déclaré l'enfant en même temps que sa mère, et que les deux parents avaient alors le même domicile parisien ;
"et 3 ) alors que les condamnations pénales, sauf si elles sont assorties d'une interdiction du territoire national, ne remettent pas en cause, la régularité de la résidence en France d'un étranger ; qu'Ali Z... établissait avoir eu un domicile en France dès 1981, par la production de l'acte de naissance de son fils ;
que la cour d'appel ne pouvait donc énoncer qu'il n'avait pas régulièrement résidé en France depuis plus de 10 ans";
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué, reprises au moyen, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions dont elle était saisie, a justifié, par des motifs exempts d'insuffisance et de contradiction, le rejet de la demande de relèvement de l'interdiction du territoire français présentée par Ali Z... ;
Que le moyen, qui revient à remettre en question les faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur et la portée des éléments de preuve souverainement appréciés par les juges du fond après débat contradictoire, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Blin, Carlioz, Grapinet, Mme Chevallier conseillers de la chambre, Mmes Y..., Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;