AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller GRAPINET, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... John, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 6ème chambre, en date du 29 novembre 1994, qui, pour attentat à la pudeur commis avec violence, contrainte ou surprise, en état de récidive légale, l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 333 du Code pénal en vigueur au moment des faits et de l'article 222-27 du nouveau Code pénal, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré John X..., demandeur, coupable du délit poursuivi d'attentat à la pudeur commis avec violence, contrainte ou surprise ;
"aux motifs que le centre opérationnel de gendarmerie de Beauvais a émis le 11 juillet 1993 à 0 heure 10 minutes, à l'intention de ses patrouilles, le message urgent suivant :
""Z...-Age indéterminé - Evènement numéro 8311 - Sur appel de A... habitant Z... - Signale que sa cousine Stéphanie Y... a été suivie depuis Beauvais par un individu circulant dans un véhicule léger rouge type Visa - A été victime d'attentat à la pudeur - La jeune fille s'est défendue à l'aide d'une bombe lacrymogène et a mis l'individu en fuite - Sans doute de retour sur Beauvais" ;
"que le 11 juillet 1993, Stéphanie Y... s'est présentée à la brigade de gendarmerie d'B... où elle a relaté les faits de la nuit du 10 au 11 juillet 1993 après 23 heures environ ;
qu'elle a notamment indiqué que le garçon était venu en souriant la prendre par la fesse gauche en l'attirant vers lui en lui disant :
"Tu va avoir chaud-Ton cul" ;
qu'elle a remis spontanément son jean portant du sperme sur le devant et sur la fesse gauche ;
qu'elle a déclaré pouvoir reconnaître son agresseur ;
que John X... a été placé en garde à vue du 12 juillet 1993 à 15 heures au 13 juillet 1993 à 10 heures 30 ;
qu'il a déclaré avoir été victime d'une agression par gaz lacrymogène après 22 heures, être resté à Beauvais jusqu'à son retour à son domicile à C... vers 23 heures 50 minutes ;
qu'il a été mis au courant des faits reprochés le 12 juillet 1993 vers 17 heures et qu'il a nié sans apporter de précision sur ses pérégrinations nocturnes autres qu'un stationnement sur le parking de la CAB ;
qu'il a été présenté en compagnie de trois autres personnes de même taille, même corpulence et coupes de cheveux semblables et qu'il a été formellement reconnu ;
que le témoin Régis D... entendu après prestation de serment conforme aux dispositions de l'article 446 du Code de procédure pénale, à la demande de John X..., déclare avoir vu celui-ci le 10 juillet 1993 vers 23 heures 20 minutes ;
que faute d'autres précisions, cette déposition n'est pas incompatible avec la commission des faits ;
que John X... explique sa non-dénonciation de l'agression par gaz lacrymogène par ses antécédents avec la brigade de gendarmerie de Noailles suite à un attentat à la pudeur commis en décembre 1988, et avec le commissariat de Beauvais en raison d'attentats à la pudeur reprochés mais classés sans suite en juillet 1992 ;
que le docteur M..., commis pour procéder en avril 1988 à des examens psychiatriques et médico-psychologiques, a conclu à une personnalité immature et n'a pas exclu le risque de récidive, en raison de la nature de passage à l'acte à base de masturbation ;
que Stéphanie Y... a identifié avec précision le type, la couleur et le numéro minéralogique du véhicule de son agresseur ;
l'a formellement reconnu entre trois autres personnes ;
que les traces de sperme retrouvées sur son pantalon signent une masturbation préalable ;
que l'agression est en ligne directe avec les comportements précédents de John X... ;
qu'il y a donc lieu de le déclarer coupable des faits reprochés comme l'ont fait les premiers juges après audition de Stéphanie Y..., de Régis D... et de John X... ;
"alors que les juges du fond ne pouvaient sans se contredire relever que les faits reprochés par la victime s'étaient produits après 23 heures environ et que le témoin Régis D... avait déclaré avoir vu John X... vers 23 heures 20 minutes ce jour là et affirmer que cette déposition n'était pas incompatible avec la commission des faits ;
"et alors que, à cet égard, une telle affirmation n'apporte pas une véritable réponse au chef des conclusions du demandeur selon lequel sa présence à Beauvais, au domicile de ce témoin vers 23 heures 20 minutes, et à C... vers 23 heures 45 minutes lui interdisait d'être à Z... le même jour à la même heure ainsi que cela résulte de l'examen des lieux ;
"et alors, en outre, que les juges du fond ne pouvaient se fonder sur des examens psychiatriques et médico-psychologiques effectués au mois d'avril 1988, soit plus de cinq ans avant les faits reprochés, pour retenir l'immaturité de la personnalité du demandeur et la possibilité d'une récidive ;
qu'ils ont ainsi statué par un motif inopérant ;
"et alors, enfin, que, en retenant que des traces de sperme retrouvées sur le pantalon de la victime signaient une masturbation préalable (du demandeur), sans analyse ni vérification, de ce chef, le juges du fond ont encore statué par un motif inopérant" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que la valeur et la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Simon conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Grapinet conseiller rapporteur, MM. Blin, Carlioz, Aldebert, Mme Chevallier conseillers de la chambre, Mmes Ferrari, Verdun conseillers référendaires, M. Perfetti avocat général, Mme Ely greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;