AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- A... Daniela, épouse X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 12 octobre 1994, qui, pour escroquerie et tentatives de ce délit, l'a condamnée à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 313-1 et 313-3 nouveaux du Code pénal et 405 ancien du même Code, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la prévenue coupable d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ;
"alors que le simple mensonge qui n'est accompagné d'aucun acte externe de nature à lui donner force et crédit n'est pas constitutif de manoeuvres frauduleuses au titre de l'article 405 ancien du Code pénal applicable au moment des faits ;
qu'en se bornant à constater, pour dire établi le délit d'escroquerie, que la prévenue avait procédé à des ajouts modifiant les sommes antérieurement portées sur les chèques ayant fait l'objet de la signature du titulaire du compte, puis les avait présentés à l'encaissement, l'arrêt attaqué n'a relevé que l'existence de simples mensonges écrits insusceptibles de caractériser des manoeuvres frauduleuses, et se trouve dès lors privé de toute base légale" ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l'article 405 ancien du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la prévenue coupable des délits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie ;
"aux motifs que "les trois chèques litigieux, comme l'a démontré l'expert, ont été modifiés par Daniela X... postérieurement à leur rédaction" (jugement p. 7) et que "les ajouts ou surcharges constatés par l'expert Y... sont de toute évidence le fait de Daniela X..." (arrêt p. 10) ;
"alors, d'une part, que le rapport d'expertise ne retient comme litigieux que deux chèques, celui de 110 000 francs et celui de 300 000 francs, dont le montant aurait fait l'objet de rajouts, et précise qu'il n'a pu être détecté d'autres rajouts éventuels ;
que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, retenir que la prévenue avait modifié par rajout le troisième chèque de 62 000 francs, en fondant sa décision sur une constatation qu'elle prétend emprunter au rapport d'expertise et qui est contredite par les termes de celui-ci ;
"alors, d'autre part, que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire, à la fois constater que l'expert avait démontré que Daniela X... avait été l'auteur des modifications des trois chèques, et relever en même temps qu'à "aucun moment le rapport d'expertise n'a attribué quoi que ce soit à la prévenue, aucun spécimen de son écriture n'ayant été communiqué à l'expert (...) qui n'a pas été chargé d'identifier son écriture sur les chèques" ;
qu'en l'état de cette motivation contradictoire qui lui sert de soutien la déclaration de culpabilité est entachée d'une nullité radicale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, l'escroquerie et les tentatives de ce délit dont elle a déclaré la prévenue coupable et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice découlant de ces infractions ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Martin conseiller rapporteur, MM.
Culié, Roman, Schumacher, Farge conseillers de la chambre, MM. de Z... de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;