AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de Me ROGER et de Me COPPER-ROYER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Manuel, contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, en date du 11 octobre 1994, qui, après sa relaxe définitive du chef de tentative d'escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 2 et 405 de l'ancien Code pénal, 121-5 et 313-1 du nouveau Code pénal, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, en suite du jugement de relaxe, a déclaré la compagnie d'assurances Axa recevable en sa constitution de partie civile et a condamné Manuel X... à lui verser la somme de 2 000 francs sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"aux motifs qu'après avoir déclaré le vol de sa caravane, le 25 mars 1992, Manuel X... a entrepris des démarches auprès de l'agent général de la compagnie d'assurances Axa chez qui il avait souscrit un contrat d'assurance pour ce véhicule, afin d'obtenir une indemnisation ;
qu'il est constant qu'il avait acheté cette caravane au mois de décembre 1991 pour la somme de 140 000 francs et avait alors obtenu une importante remise puisque le prix fixé dans le catalogue était de 215 000 francs ;
que s'étant rendu au cabinet d'assurances précité et prétendant ne savoir ni lire ni écrire, ce qui apparaît fort probable, il a été amené à répondre à un questionnaire qui lui a été lu par une secrétaire et rempli par elle en suite des renseignements qu'il lui fournissait ;
qu'à la question relative au prix d'achat il a été mentionné "215 000 francs" ;
que plus tard, il a été conduit à apposer sa signature de la mention "lu et approuvé" en bas d'une "attestation" dactylographiée, datée du 5 mai 1992, censée correspondre à ses déclarations et dans laquelle il a fait état d'un prix de 215 000 francs ;
que s'il conteste avoir jamais parlé de "prix d'achat" devant ces agents de la compagnie d'assurances Axa, il n'en demeure pas moins qu'il a produit à l'appui de sa demande d'indemnisation une facture pro-forma datée du 26 mars 1992, censée refléter fidèlement la facture initiale d'achat, sur laquelle figurait un prix d'achat de 215 000 francs, la mention "prix catalogue 92" portée à la suite de ce montant ne permettant pas de penser qu'il avait bénéficié d'une remise importante ;
que dans ces circonstances, la production par Manuel X..., à l'appui de sa demande d'indemnisation, d'une facture portant un prix d'achat supérieur de 75 000 francs à celui qui lui avait été consenti et qui était destiné à donner force et crédit à ses mensonges afin d'obtenir une indemnisation supérieure à celle à laquelle il pouvait prétendre, constitue une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 405 de l'ancien Code pénal ;
"alors que viole les textes susvisés la cour d'appel qui affirme en contradiction avec les faits constants de l'espèce que Manuel X... a agi dans le but d'augmenter la valeur de son dommage et d'obtenir de sa compagnie d'assurances plus que ce qu'il aurait obtenu dans le cadre de son contrat, sans réfuter les constatations des premiers juges quant à l'absence d'intention délictueuse, ni même répondre au moyen péremptoire par lequel Manuel X... avait fait valoir dans ses conclusions d'appel que son conseil était intervenu dès le 15 mai 1992 auprès de la compagnie d'assurances Axa pour solliciter une indemnisation dans les conditions prévues par le contrat d'assurance et sur la base du prix d'achat de la caravane, soit 140 000 francs, et non de la "valeur catalogue 92" portée sur la facture pro-forma" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, a, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la tentative d'escroquerie dont elle a déclaré le prévenu responsable et ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile de l'indemnité propre à réparer le préjudice découlant de cette infrac- tion ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : M. Gondre conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Martin conseiller rapporteur, MM.
Culié, Roman, Schumacher, Farge conseillers de la chambre, MM. de Y... de Massiac, de Larosière de Champfeu conseillers référendaires, M. Amiel avocat général, Mme Mazard greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;