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05/12/1995 | FRANCE | N°94-10385

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 décembre 1995, 94-10385


Sur la demande de sursis à statuer :

Attendu que la société Slibail sollicite qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée à titre préjudiciel sur le point de savoir si l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être interprété en ce sens que l'interdiction de porter atteinte au droit de propriété qu'il édicte peut admettre des restrictions telles qu'il permette de priver de son droit de propriété ou, en

tout cas, de toute possibilité de l'exercer utilement, le crédit-bailleur...

Sur la demande de sursis à statuer :

Attendu que la société Slibail sollicite qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée à titre préjudiciel sur le point de savoir si l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être interprété en ce sens que l'interdiction de porter atteinte au droit de propriété qu'il édicte peut admettre des restrictions telles qu'il permette de priver de son droit de propriété ou, en tout cas, de toute possibilité de l'exercer utilement, le crédit-bailleur qui, dans le cadre d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, n'a pas engagé dans les délais légaux l'action en revendication de son bien, en lui refusant toute autre possibilité de restitution, avec toutes conséquences de droit ;

Mais attendu que, selon sa jurisprudence (arrêt du 18 juin 1991, ERT, aff. C-260/89), la Cour de justice des Communautés européennes ne peut apprécier, au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire ; que la société Slibail n'ayant fait état d'aucun élément de nature à établir que la réglementation en cause entrait dans le champ d'application du droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel ;

Et sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Slibail fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 novembre 1993) d'avoir déclaré irrecevable son action en revendication du véhicule objet du contrat de crédit-bail conclu le 22 août 1989 avec Mme X..., mise en redressement judiciaire le 18 décembre 1990, puis en liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en statuant ainsi, sur le seul fondement de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, après avoir jugé irrecevable la demande en relevé de forclusion présentée par la société Slibail, et en déniant ainsi au crédit-bailleur tout moyen de faire valoir son droit de propriété sur le bien en cause, la cour d'appel a nécessairement privé ledit crédit-bailleur de ce droit de propriété ; qu'une telle interprétation, que n'imposent ni la lettre ni l'esprit de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, méconnaît, par fausse interprétation, les dispositions de ce texte et, par refus d'application, celles de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; et alors, d'autre part, qu'à supposer que les dispositions de l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 aient le sens et la portée que leur prête l'arrêt, il appartenait à la cour d'appel d'en écarter l'application dès lors que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique ; que la privation de son droit de propriété nécessairement imposée à la société Slibail n'est imposée par aucune utilité publique ; qu'en appliquant néanmoins les dispositions susvisées d'une loi interne, la cour d'appel a violé, par refus d'application l'article 55 de la Constitution et l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Slibail avait présenté sa demande en revendication après l'expiration du délai prévu à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause, de sorte que cette société ne pouvait plus faire valoir son droit de propriété sur le véhicule litigieux, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions du texte précité, sans méconnaître celles de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen non plus que celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles protègent le droit de propriété ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE la demande de sursis à statuer ;

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 94-10385
Date de la décision : 05/12/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° COMMUNAUTE EUROPEENNE - Cour de justice des Communautés - Compétence - Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Réglementation nationale hors cadre du droit communautaire (non).

1° Selon sa jurisprudence, la Cour de justice des Communautés européennes ne peut apprécier, au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, une réglementation nationale qui ne se situe pas dans le cadre du droit communautaire. Dès lors, une société de crédit-bail n'ayant fait état d'aucun élément de nature à établir que la réglementation des revendications mobilières résultant de la loi du 25 janvier 1985 entrait dans le champ d'application du droit communautaire, il n'y a pas lieu à renvoi préjudiciel devant la Cour de justice sur le point de savoir si l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être interprété en ce sens que l'interdiction de porter atteinte au droit de propriété qu'il édicte peut admettre les restrictions apportées à l'exercice du droit de propriété du crédit-bailleur qui n'a pas revendiqué son bien dans le délai prévu par la loi précitée, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 10 juin 1994.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Revendication - Marchandises livrées au débiteur - Action en revendication - Délai - Article 115 de la loi du 25 janvier 1985 - Déclaration des droits de l'homme - Droit de propriété - Compatibilité.

2° ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Redressement et liquidation judiciaires - Revendication - Marchandises livrées au débiteur - Action en revendication - Délai - Article 115 de la loi du 25 janvier 1985 - Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Premier protocole additionnel - Droit au respect des biens - Compatibilité 2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Premier protocole additionnel - Article 1er - Interprétation - Droit au respect des biens - Redressement et liquidation judiciaires - Revendication - Délai - Compatibilité.

2° Ayant relevé qu'une société de crédit-bail avait présenté sa demande en revendication après l'expiration du délai prévu à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dans sa rédaction antérieure à celle de la loi du 10 juin 1994, applicable en la cause, de sorte que cette société ne pouvait plus faire valoir son droit de propriété sur le véhicule litigieux, la cour d'appel, en déclarant ladite demande irrecevable, a fait l'exacte application des dispositions du texte précité, sans méconnaître celles de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen non plus que celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'elles protègent le droit de propriété.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950
Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 115

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 25 novembre 1993

A RAPPROCHER : (2°). Chambre commerciale, 1995-05-09, Bulletin 1995, IV, n° 135 (2), p. 120 (cassation partielle)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 déc. 1995, pourvoi n°94-10385, Bull. civ. 1995 IV N° 278 p. 257
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 IV N° 278 p. 257

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bézard .
Avocat général : Avocat général : M. Raynaud.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Le Dauphin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Vier et Barthélemy, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:94.10385
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