CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre spéciale des mineurs, en date du 9 janvier 1995, qui, dans la procédure suivie contre Y..., déclarée coupable d'abus de confiance, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 1384 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a mis hors de cause M. Y... et Mme Z... père et mère de la mineure Y..., déclarée coupable d'avoir entre juillet et fin septembre 1992, commis un abus de confiance au préjudice de son employeur, X..., auquel elle était liée par un contrat d'apprentissage ;
" au motif, d'une part, qu'il résulte du jugement du tribunal de grande instance de Mulhouse en date du 21 mai 1984, prononçant le divorce d'entre les époux Y... et Z..., que les 2 mineurs issus du mariage, dont Y..., ont été confiés à la garde de la mère ;
" qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le père civilement responsable ;
" et aux motifs, d'autre part, qu'il résulte de la procédure que la mineure ne résidait plus habituellement chez la mère, si bien que le défaut de cohabitation à la date des faits doit entraîner l'exonération de la mère de sa responsabilité civile du fait des agissements de la mineure ;
" qu'en conséquence, il convient également d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la mère civilement responsable ;
" alors que, d'une part, le fait pour une mineure de ne pas résider habituellement chez sa mère investie du droit de garde, n'est pas à lui seul de nature à établir que cette mineure ne cohabite pas avec sa mère, au sens de l'article 1384 du Code civil ;
" et alors que, d'autre part, il résulte du rapport du service d'investigation et orientation régionale du 8 octobre 1993 (cote B 16) établi à la demande du juge des enfants, que la mineure Y... avait elle-même déclaré être domiciliée et vivre chez sa mère, investie du droit de garde,... ; que, lors de son interrogatoire par le juge des enfants, le 10 février 1994 (cote D 30), la mineure avait effectué la même déclaration, et qu'elle avait été citée à comparaître devant le tribunal du domicile de sa mère (cote E 13) ; qu'enfin, c'est seulement lors de l'audience du tribunal que la mineure a déclaré " Je demeure actuellement ... ", ainsi qu'il résulte des notes d'audience (cote E 20) ;
" d'où il suit qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que la responsabilité civile des père et mère, ou de celui d'entre eux à qui l'enfant est confié, prévue par l'article 1384, alinéa 4, du Code civil, ne cesse que s'ils prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait dommageable ;
Attendu que, par un jugement du tribunal pour enfants, frappé d'appel en ses seules dispositions civiles, la mineure Y... a été condamnée pour un abus de confiance commis au préjudice de son employeur X... ; que le jugement a déclaré son père et sa mère civilement responsables et les a condamnés avec la mineure à des réparations civiles ;
Attendu que, pour écarter la responsabilité civile des parents, la juridiction du second degré se borne à énoncer que, si la mineure avait été confiée par le jugement de divorce à la garde de sa mère, à l'époque des faits elle ne résidait plus habituellement chez cette dernière ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si la cohabitation de la mineure avec sa mère avait pris fin avant la date des faits litigieux, pour une cause légitime exonérant la mère de sa responsabilité, et alors, au surplus, que les conclusions des parents contestaient seulement la responsabilité civile du père, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Colmar, en date du 9 janvier 1995, en ses seules dispositions écartant la responsabilité civile des parents de la mineure Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et, pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel de Besançon.