Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 1993), statuant en référé, que le comité central d'entreprise (le comité) de la société Sietam industries (la société), filiale de la société Sciacky industries, elle-même filiale de la société Sciacky Sietam technologies, laquelle appartient au groupe Elka, était convoqué pour le 29 juin 1992, afin d'être consulté sur le projet de changement d'actionnaires de la société ; qu'au cours de cette réunion, la direction de la société exposait que des changements étaient intervenus dans le groupe, Sietam industries étant devenue filiale directe de la société Sciacky Sietam technologies le 19 juin 1992 ; que le comité était à nouveau réuni le 6 juillet 1992 pour exprimer son avis sur l'évolution de l'organigramme du groupe Elka, puis le 10 juillet suivant pour avis sur le changement d'actionnaires et encore le 17 juillet malgré la demande du comité de report de son avis au 15 septembre suivant ; que la direction s'étant opposée à ce report, le comité a saisi le juge des référés, lequel a, par ordonnance du 30 juillet 1992, dit que la consultation pour avis du comité aura lieu le 1er septembre 1992 et ordonné, sous astreinte, à la société de communiquer au comité les comptes rendus d'audit et divers documents sur l'évaluation comptable du prix de cession ; que la société, qui n'a pas exécuté l'ordonnance de référé, a fait appel de cette décision ;
Sur la première et la deuxième branche du moyen unique :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance, alors, selon le moyen, d'une première part, que la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître son office et sans priver sa décision de toute base légale au regard des articles 490 et 561 du nouveau Code de procédure civile, déclarer qu'il n'y avait pas lieu d'examiner l'appel de la société prétendument devenu sans objet et cependant confirmer le jugement, ce qui emportait nécessairement rejet des prétentions de l'appelante, et alors, d'une deuxième part, que l'arrêt attaqué comporte, à tout le moins, une contradiction de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile lorsqu'il énonce tour à tour que les premiers juges ont statué à bon droit, qu'aucun motif sérieux n'autorise à remettre en cause l'ordonnance de référé et cependant que l'appel de l'ordonnance déférée est " devenu sans objet " ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article 561 du nouveau Code de procédure civile, l'appel remet la chose jugée en question, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que la cour d'appel, statuant sur le recours de la société, a décidé, hors de toute contradiction, que la demande du comité était, lorsqu'elle avait été soumise au premier juge, justifiée par un trouble manifestement illicite auquel la société s'était refusée à mettre fin ; qu'abstraction faite d'un motif surabondant, elle a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
Sur les autres branches du moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, d'une première part, que la société ayant fait valoir que le refus réitéré par le comité central d'entreprise de rendre un avis dans les délais compatibles avec l'opération envisagée tendait à substituer à une procédure de consultation une faculté de veto non prévue par les textes ; que les documents communiqués étaient suffisants, la direction de la société Sietam n'ayant pas la propriété et la libre disposition des rapports d'audit, appartenant à des parties tierces non mises en cause dans l'instance de référé, l'arrêt attaqué, qui se borne à affirmer le caractère prétendument illicite du trouble sans définir celui-ci par rapport aux éléments de la cause ainsi rappelés, se trouve nécessairement privé de base légale au regard de l'article L. 432-1 du Code du travail ; que, de surcroît, en s'abstenant de répondre à chacun des moyens ainsi développés, l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de deuxième part, que s'il est exact que la transmission négociée d'une partie du capital social, qui aboutit à placer une société sous la dépendance d'une autre, justifie une information du comité d'entreprise, il n'en demeure pas moins que la cession régulière entre particuliers d'actions d'une société constitue une opération patrimoniale d'ordre privé qui ne saurait en elle-même être suspendue ou différée par l'application de règles du Code du travail intéressant les seuls rapports du chef d'entreprise et des salariés ; que, dès lors, le juge des référés ne pouvait, sans priver sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 432-1 du Code du travail, reporter sans utilité la consultation litigieuse à une date postérieure à celle prévue par les vendeurs et acquéreurs pour la cession ; et alors, d'une dernière part, que la consultation obligatoire et préalable à une cession d'actions qui doit intervenir dans les délais librement convenus par le vendeur et par l'acquéreur, ne saurait, sans abus de droit à l'égard de la société organisatrice de ladite consultation, être renvoyée à une date postérieure à celle de l'opération, de sorte que l'arrêt attaqué, qui ne tient aucun compte des renvois successifs entre la première réunion du comité central d'entreprise intervenue le 29 juin 1992, la seconde du 6 juillet, la troisième du 10 juillet, la quatrième du 17 juillet, et qui fait droit à la demande du CCE d'organiser une nouvelle consultation à une époque manifestement tardive (septembre 1992), se trouve privé de toute base légale, tant au regard de l'article L. 432-1 du Code du travail qu'à l'égard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 431-5 du Code du travail, pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise doit disposer d'informations précises et écrites transmises par le chef d'entreprise, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée du chef d'entreprise à ses propres observations ; que le respect de cette formalité n'avait pas pour effet de différer une opération patrimoniale ;
Et attendu que la cour d'appel a, tant par motifs propres qu'adoptés, relevé, d'une part, que le projet soumis à l'avis du comité devait s'analyser comme une opération de restructuration et de réorganisation du groupe pouvant avoir des incidences sur les effectifs de la société et, d'autre part, que des informations précises n'avaient été fournies que le 10 juillet 1992 au comité, lequel devait exprimer son avis le 17 juillet suivant ;
Qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, pu décider qu'un trouble manifestement illicite résultait de ce que le comité n'avait pas été informé et consulté préalablement dans un délai lui permettant d'émettre un avis en connaissance de cause et ordonner la mesure de remise en état qui s'imposait pour faire cesser ce trouble ;
D'où il suit que le moyen ne saurait davantage être accueilli en ses trois dernières branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.