AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept mai mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL;
Statuant sur le pourvoi formé par : - POULAIN Eugène,
contre l'arrêt de la cour d'assises de l'AISNE, en date du 24 septembre 1995, qui, pour assassinat, l'a condamné à 20 ans de réclusion criminelle et a fixé la période de sûreté au deux tiers de cette peine ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils;
Attendu que la société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat en la Cour, désignée au titre de l'aide juridictionnelle, après examen du dossier n'a pas produit de moyen;
Vu le mémoire ampliatif produit par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense;
"en ce que l'arrêt de condamnation n'est pas motivé ;
"alors que l'exigence d'un procès équitable suppose une motivation permettant le contrôle du juge de légalité; que cette exigence est d'autant plus nécessaire quand les faits ont été constamment niés par l'accusé; qu'ainsi, le principe de non-motivation de l'arrêt de la cour d'assises est contraire aux dispositions impératives et supérieures de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
Attendu que l'ensemble des réponses, reprises dans l'arrêt de condamnation, qu'en leur intime conviction, magistrats et jurés ont donné aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi, tient lieu de motifs aux arrêts de la cour d'assises statuant sur l'action publique;
Que sont ainsi satisfaites les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur l'exigence d'un procès équitable, dès lors que sont assurés l'information préalable des charges fondant l'accusation, le libre exercice des droits de la défense et la garantie de l'impartialité des juges;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 242, 366, 376 du Code de procédure pénale;
"en ce qu'il résulte du procès-verbal des débats que le greffier n'était pas présent lors de la lecture de l'arrêt;
"alors que la présence du greffier, nécessaire pour authentifier la décision rendue, doit être constante, et que le greffier qui doit authentifier l'arrêt doit assister à sa lecture";
Attendu que la signature de l'arrêt de condamnation par le greffier suffit à établir sa présence lors de la lecture dudit arrêt;
Que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 316, 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, violation des droits de la défense;
"en ce que par arrêt incident, la Cour a rejeté une demande d'expertise sollicitée par l'accusé et son conseil, aux fins de déterminer les possibilités d'utilisation par l'accusé de sa main gauche;
"aux motifs qu'il résulte des débats oraux que l'accusé est droitier; que dans ces conditions, le fait de savoir s'il souffre ou non d'une invalidité à sa main gauche n'apparaît pas fondamental pour la manifestation de la vérité, la cour d'assises disposant, par ailleurs, d'éléments suffisants pour apprécier le handicap dont pouvait souffrir l'accusé;
"alors que les arrêts incidents ne doivent pas préjuger le fond; que la question était posée d'ores et déjà devant l'arrêt de renvoi, de savoir si l'accusé, atteint d'une hémiplégie gauche, avait pu matériellement procéder à l'acte qui lui était reproché; qu'en refusant d'ordonner l'expertise demandée, qui eût été de nature à déterminer l'étendue exacte du handicap d'Eugène Poulain, et de l'éventuelle diminution de l'usage de ses facultés de la main droite, en raison de l'hémiplégie dont il était atteint, la cour d'assises a nécessairement préjugé le fond;
"alors, de surcroît, qu'en refusant une mesure d'instruction qui eût été de nature à déterminer les capacités physiques exactes d'Eugène Poulain, au regard de la force nécessaire pour passer à l'acte qui lui était reproché, la cour d'assises a violé les droits de la défense" ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'expertise sollicitée par la défense afin de déterminer l'invalidité dont est atteint l'accusé, l'arrêt incident attaqué énonce "qu'il résulte des débats oraux que Eugène Poulain est droitier; que dans ces conditions, le fait de savoir s'il souffre ou non d'une invalidité à sa main gauche n'apparaît pas fondamental à la manifestation de la vérité, la Cour disposant par ailleurs, à la lumière des dépositions des témoins entendus, de suffisamment d'éléments pour apprécier le handicap dont pouvait et peut souffrir Eugène Poulain";
Attendu que, par ces motifs, qui font seulement état de constatations faites à l'audience et qui ne préjugent pas de la culpabilité de l'accusé, la cour d'assises dont l'appréciation sur l'utilité de la mesure réclamée échappe au contrôle de la Cour de Cassation, a justifié sa décision sans encourir le grief allégué;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Massé conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Farge conseiller rapporteur, M. Fabre, Mme Baillot, M. Le Gall conseillers de la chambre, Mme Batut, M. poisot, Mme de la Lance, M. Desportes, Mme Karsenty conseillers référendaires;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Arnoult ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;