Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 10 mai 1994), qu'informée de l'intention des consorts Y... de vendre à M. X... des parcelles de terre la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Auvergne (SAFERA) a, le 13 mai 1991, exercé son droit de préemption en se référant à l'agrandissement des exploitations existantes et à l'amélioration de leur répartition parcellaire ;
Attendu que la SAFERA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action en nullité de la décision de préemption, alors, selon le moyen, d'une part, que l'article 7-IV, alinéa 7, de la loi du 8 août 1962, dont les dispositions sont aujourd'hui reprises par l'article L. 143-14 du Code rural, déclare effectivement recevable l'action en justice contestant une décision de préemption prise par une SAFER, intentée dans les 6 mois du jour où la décision de rétrocession a été rendue publique, mais seulement s'il s'agit de la mise en cause du respect des objectifs définis au paragraphe 1 de ce même article 7 et, aujourd'hui, à l'article L. 143-2 du susdit Code ; qu'en l'espèce, toutefois, seuls les motifs de la décision de préemption étaient critiqués par les consorts Y... qui les prétendaient erronés ; qu'en considérant, néanmoins, pour dire leur action recevable, que les consorts Y... mettaient en cause le respect des objectifs de la loi la cour d'appel a modifié les termes du litige dont elle était saisie, violant en cela les articles 4, 5 et 7 du nouveau Code de procédure civile ; d'autre part, que pour avoir déclaré les consorts Y... recevables à poursuivre, reconventionnellement, devant les premiers juges, l'annulation de la décision de préemption par la voie de conclusions prises plus de 6 mois après le jour où cette décision avait été rendue publique, quoiqu'ils n'eussent point mis en cause le respect, par la SAFER d'Auvergne, des objectifs de la loi et, de plus, quoique ce respect ne fût pas, alors, susceptible d'être apprécié, le bien préempté n'ayant pas encore fait l'objet d'une décision de rétrocession, la cour d'appel a violé les alinéas 6 et 7 du paragraphe IV de l'article 7 de la loi du 8 août 1962, aujourd'hui les articles L. 143-13 et L. 143-14 du Code rural ;
Mais attendu que l'action en contestation des décisions de préemption prises par les SAFER pouvant, lorsqu'elle met en cause le respect des objectifs de la loi, être engagée jusqu'à l'expiration du délai de 6 mois à compter du jour où la rétrocession a été rendue publique, la cour d'appel, devant laquelle les consorts Y... contestaient le respect de ces objectifs, a, sans modifier l'objet du litige et sans avoir à attendre l'intervention d'une décision de rétrocession, exactement retenu que les propriétaires étaient recevables en leur contestation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 7 de la loi du 8 août 1962, devenu les articles L. 143-1 et suivants du Code rural ;
Attendu que, pour annuler la décision de préemption, l'arrêt retient qu'il est précisé dans celle-ci, purement subjective, qu'il est préférable de choisir un jeune agriculteur exploitant laitier qui pourra mieux tirer partie des parcelles que des éleveurs, que de tels motifs caractérisent une rétrocession avant l'heure, et que la décision n'est assortie d'aucun élément de preuve démontrant en quoi l'agrandissement souhaité par les époux X... serait condamnable alors que celui recherché par ce jeune agriculteur serait conforme au voeu du législateur ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la rétrocession effective d'un fonds et sans s'expliquer sur les motifs de la décision de préemption précisant qu'après les formalités d'appel de candidatures que réalisera la SAFER toute demande d'attribution sera examinée sans que l'on puisse, dès maintenant, préjuger de l'attribution définitive de ce fonds, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a annulé la décision de préemption et condamné la SAFER d'Auvergne à payer aux consorts Y... la somme de 10 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mai 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.