AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société de Bourse Massonaud de Fontenay-Kervern, société anonyme, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1992 par la cour d'appel de Versailles (5e Chambre, Section B), au profit :
1°/ de M. Denis X..., demeurant ... Le Moyne, 78000 Versailles,
2°/ de la société Kelly services intérim, société anonyme, dont le siège est ...,
défendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mai 1996, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Monboisse, Merlin, Desjardins, Finance, conseillers, MM. Frouin, Boinot, Mme Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Bourgeot, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 mai 1992), M. Y..., salarié de l'Entreprise Kelly services intérim, a travaillé, en qualité de comptable II, pour le compte de la société de Bourse Massonaud de Fontenay en exécution de plusieurs contrats de mission temporaires successifs du 25 août 1987 au 31 décembre 1988; que, prétendant avoir perçu une rémunération inférieure à celle qu'aurait perçue un salarié de même qualification lié par un contrat de travail à durée indéterminée dans la société utilisatrice, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en complément de salaire et les congés payés y afférents;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Attendu que la société de Bourse Massonaud de Fontenay, condamnée à garantir la société Kelly services intérim des condamnations mises à sa charge, fait grief à la cour d'appel d'avoir considéré qu'il y avait lieu d'inclure les participations bénéficiaires prévues par la convention collective du personnel parisien de la Compagnie des agents de change dans la rémunération visée à l'article L. 124-3 du Code du travail, alors, selon le moyen, que la participation bénéficiaire conventionnellement prévue a le même fondement que les participations ou intéressements résultant de l'ordonnance du 21 octobre 1986; que seul diffère le régime fiscal et social desdites participations, la participation bénéficiaire des agents de change bénéficiant d'une déduction fiscale et sociale spécifique de 20 %; que le système d'intéressement de la convention collective des agents de change repose sur l'aléa économique de l'entreprise et a un caractère aléatoire ;
que toute autre interprétation se heurte à une impossibilité de mise en oeuvre tant en termes de masse à répartir qu'en termes de rémunérations individuelles; que, de plus, il convient de rappeler que le salarié intérimaire bénéficie, dans la société de travail temporaire dont il est le salarié, de toute participation y existante; que la position de la cour d'appel le conduirait à cumuler éventuellement deux sommes de même nature;
Mais attendu que le moyen est dirigé contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 28 mars 1991 qui n'a pas été attaqué par le pourvoi; qu'il est donc irrecevable;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société de Bourse Massonaud de Fontenay fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que la rémunération que doit percevoir un salarié temporaire est fixée dans l'article L. 1244-2 du Code du travail lequel renvoie à l'article L. 124-3 du même Code; que l'article L. 124-3 considère que la comparaison doit être faite avec la rémunération que percevrait "après période d'essai un salarié de qualification équivalente occupant le même poste de travail"; que l'article du Code précise "après période d'essai"; que cette formulation permet de considérer qu'il s'agit du salaire de base du salarié de même catégorie; que la jurisprudence de la Cour de Cassation précise effectivement, dans un arrêt du 20 avril 1989 (Tremel c/ société Optima service), que le salarié temporaire dont la rémunération correspond au coefficient du poste qu'il occupe ne peut prétendre au salaire correspondant au coefficient attribué à titre personnel, eu égard à son ancienneté, au salarié qu'il remplace; que l'expert, dans sa mission, a purement et simplement pris en compte les rémunérations réelles perçues par tous les salariés de la société utilisatrice des catégories 2 et 3-1 et 3-2 et qu'ensuite, il a tiré une moyenne pour déterminer le rappel de salaire; qu'ainsi que l'indiquait la société de Bourse Massonaud de Fontenay
dans ses conclusions, cette méthode avait pour résultat que M. X... bénéficie d'une rémunération supérieure à celle de nombreux salariés de même qualification que lui et ayant une ancienneté plus importante au sein de la société de Bourse, et ce, alors même qu'il ne peut prétendre qu'au salaire de base, après période d'essai, d'un salarié permanent de même qualification pour un poste de travail identique; que pour accepter cette méthode contestée par la société de Bourse Massonaud de Fontenay, la cour d'appel a considéré qu'elle permettait de mieux prendre en compte la situation particulière de M. X... et que, ce faisant, la cour d'appel fixe comme minimum de rémunération une rémunération supérieure à celle définie par les articles L. 124-3 et L. 124-4-2 du Code du travail dont elle a fait une fausse application;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir constaté que le salarié pouvait relever soit de l'une, soit de l'autre catégorie des commis d'agent de change selon les tâches accomplies, a, sans encourir les griefs du moyen, considéré que la méthode de calcul retenue par l'expert permettait une meilleure prise en compte de la situation particulière du salarié; que le moyen n'est pas fondé;
Sur le second moyen :
Attendu que la société de Bourse Massonaud de Fontenay fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que la cour d'appel n'a pas relevé les erreurs de calcul contenues dans le rapport de l'expert; qu'il est incontestable que la cour d'appel a fait une confusion entre la notion de solde et la notion d'avances; que le processus de versement de la participation bénéficiaire était le suivant : à titre d'exemple pour l'année 1986, que la société pouvait avoir une idée du montant de la participation bénéficiaire au début de l'année suivante; que, donc, en janvier 1987, elle versait une avance sur participation bénéficiaire 1986; que le solde intervenait quand l'exercice était clos vers le mois de mai; que la société de Bourse Massonaud de Fontenay avait attiré l'attention de la cour d'appel sur le fait que l'expert, pour connaître la rémunération moyenne de 1987, n'avait pas déduit l'avance versée en janvier 1987; qu'elle fournissait, à l'appui de ses dires, une attestation du commissaire aux comptes de la société; que la cour d'appel a répondu que l'expert avait éliminé le solde réglé en 1987, c'est-à-dire le deuxième versement, ce que la société ne contestait pas; que ce qu'elle contestait, c'est la non-déduction du premier versement, c'està-dire l'avance; que dans la mesure où l'avance représentait un pourcentage important du total à verser (environ 60 % pour 1987), le calcul de l'expert est à l'évidence faux; que c'est ce qu'exposait la société dans ses conclusions quand elle indiquait que M. X... avait bénéficié de droits sur une participation bénéficiaire (1986) alors même qu'il est entré
dans la société en août 1987;
Mais attendu que le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, des éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond; qu'il ne saurait donc être accueilli;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société de Bourse Massonaud de Fontenay-Kervern, envers M. X... et la société Kelly services intérim, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit juin mil neuf cent quatre-vingt-seize.