AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Mohamed Z...
X..., demeurant ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1994 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section A), au profit :
1°/ de M. Ali A...,
2°/ de Mme A..., demeurant ensemble ..., défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt;
LA COUR, en l'audience publique du 4 juin 1996, où étaient présents : M. Deville, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Stéphan, conseiller rapporteur, MM. Aydalot, Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Peyrat, conseillers, MM. Chollet, Pronier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre;
Sur le rapport de Mme le conseiller Stéphan, les observations de la SCP Vier et Barthélemy, avocat de M. X..., de Me Blanc, avocat des époux A..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 29 mars 1994), que, par bail du 21 novembre 1985, au visa de la loi du 22 juin 1982, M. X... a donné en location à M. Ali A... un appartement, pour une durée de trois ans renouvelables à compter du 1er décembre 1985; que, le 30 janvier 1991, le bailleur a assigné son locataire en résiliation du bail et en paiement d'une certaine somme à titre d'arriérés des loyers; que les époux A... ont formé une demande reconventionnelle tendant à l'application au bail des dispositions de la loi du 1er septembre 1948; que, par jugement mixte du 6 juin 1991, le Tribunal a désigné un constatant pour calculer le rappel des loyers correspondant à l'augmentation contractuelle, débouté le bailleur de sa demande de résiliation et les locataires de leur demande reconventionnelle; que, par jugement du 23 janvier 1992, le même Tribunal a condamné solidairement les époux A... à payer à M. X... une certaine somme à titre de rappel de loyers; qu'il a été fait appel de ces deux jugements;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les appels interjetés par les époux A... à l'encontre de ces deux jugements, alors, selon le moyen, "que, lorsque le chef du dispositif d'un jugement mixte ordonnant une expertise n'est, comme en l'espèce, que la conséquence du chef tranchant le principal, la participation sans réserve à l'expertise vaut acquiescement à ce jugement; qu'ayant constaté que les époux A... n'avaient pas discuté les calculs du constatant et avaient donc participé à l'expertise, la cour d'appel devait nécessairement considérer qu'ils avaient acquiescé au jugement; qu'en refusant de tirer de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient, la cour d'appel a violé l'article 410, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile";
Mais attendu qu'ayant relevé que les époux A... n'avaient pas acquiescé à la mesure de constat et que, s'ils n'avaient pas discuté les calculs du constatant, ils n'avaient pas pour autant renoncé à leur moyen tiré des dispositions d'ordre public de la loi du 1er septembre 1948, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef;
Sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de décider que la location dont bénéficient les époux A... est soumise à la loi du 1er septembre 1948 et de le condamner à leur restituer les trop-perçus des loyers, alors, selon le moyen, "qu'en signant un bail établi conformément à la loi du 22 juin 1982, un locataire renonce à se prévaloir des dispositions de la loi du 1er septembre 1948; qu'en se bornant à énoncer que depuis le début de la procédure en première instance, les époux A... n'avaient cessé d'invoquer les dispositions protectrices de la loi du 1er septembre 1948 et que le bail conclu par les parties le 21 novembre 1985, portant sur un local dépendant d'un immeuble ancien, pour une durée de trois ans moyennant un loyer fixé librement, ne pouvait déroger aux dispositions précitées, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de M. Y..., si en laissant s'écouler la durée du bail du 21 novembre 1985 qui faisait expressément référence à la loi du 22 juin 1982 et en acceptant, sans protestation ni réserve, la tacite reconduction du bail qui s'était poursuivi sans incident jusqu'à l'assignation du 30 janvier 1991, les époux A... n'avaient pas, de manière non équivoque et en parfaite connaissance de leurs droits, renoncé à invoquer les dispositions de la loi du 1er septembre 1948, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile";
Mais attendu que le fait de laisser s'écouler sans incident la durée contractuelle du bail initial, ensuite "tacitement reconduit" sans contestation, ne constituant pas en soi une manifestation non équivoque de la volonté des locataires de renoncer à se prévaloir des dispositions d'ordre public de la loi du 1er septembre 1948, la cour d'appel, qui a constaté que les époux A... n'avaient pas cessé d'invoquer les dispositions protectrices de la loi susvisée depuis le début de la procédure, a légalement justifié sa décision de ce chef;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. X... à payer aux époux A... la somme de 8 000 francs;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du dix juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, par M. Aydalot, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.