CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie l'Union et le Phénix Espagnol, devenue la compagnie La Suisse Assurances (France), partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, en date du 2 août 1995, qui, dans les poursuites exercées contre Serge X... pour blessures involontaires et contravention connexe au Code de la route, l'a déclarée tenue à garantie.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 1134 du Code civil, des articles R. 211-4 et A. 211-1-3 du Code des assurances (dans leur rédaction résultant du décret n° 86-21 du 7 janvier 1986 et de l'arrêté du 13 novembre 1986), des articles L. 113-4, L. 113-8 et L. 113-9 du Code des assurances, des articles 388-1, 485, 512, 591 à 593 du Code de procédure civile, contradiction de motifs et dénaturation de l'écrit :
" en ce que l'arrêt attaqué, réformant sur ce point le jugement entrepris, a déclaré la compagnie UPE, assureur de la société Rativet, tenue à garantie des conséquences dommageables de l'accident litigieux, en date du 21 décembre 1992 ;
" aux motifs que le " contrat de flotte " conclu par la société Rativet avec l'UPE ne visait aux conditions particulières qu'un certain nombre de tracteurs et de remorques ; que, parmi les remorques citées, ne figurait pas celle appartenant à la société Intermarché (impliquée dans l'accident litigieux) ; qu'ainsi, la société Rativet avait fait circuler, attelée à un véhicule assuré, une remorque qui ne l'était pas ; que la société Rativet invoquait vainement sa méconnaissance des conditions générales ou un manquement de l'UPE à son obligation de conseil ;
" que, toutefois, le tracteur avait été impliqué dans l'accident, au sens de loi du 5 juillet 1985, puisque c'était en conduisant ce véhicule, et spécialement en donnant un coup de frein brusque, que le conducteur (Serge X..., préposé de la société Rativet) avait causé l'accident ;
" qu'il résultait des dispositions combinées des articles R. 211-4 et A. 211-1-3 du Code des assurances, dans leur version en vigueur au moment des faits, que l'attelage à un véhicule d'une remorque de plus de 750 kg pouvait légalement constituer une cause de non-assurance, selon les dispositions du contrat ;
" qu'il résultait de l'article 1. 4. 2 des conditions générales du contrat d'assurance que l'adjonction d'une remorque de plus de 750 kg constituait la création d'un risque nouveau qui devait être soumis à l'assureur ; que si, donc, l'assuré adjoignait une remorque de 750 kg sans en informer l'assureur, le véhicule à moteur cessait d'être assuré ;
" que, néanmoins, l'UPE n'invoquait pas ces stipulations comme une cause de non-assurance du véhicule à moteur, mais seulement comme une cause de non-assurance de la remorque tractée ; qu'elle se prévalait, pour le tracteur, que d'une aggravation du risque ; qu'elle admettait donc implicitement que le tracteur lui-même était bien assuré au moment de l'accident ;
" qu'il n'était pas reproché à l'assuré d'avoir adjoint une remorque de 750 kg sans en avertir l'assureur, mais seulement d'avoir adjoint au tracteur une semi-remorque qui n'était pas mentionnée aux conditions particulières ;
" que, par conséquent, l'adjonction de cette remorque n'était pas constitutive d'un risque nouveau ;
" que la compagnie UPE devait donc sa garantie ;
" alors que la cour d'appel a très clairement et très justement constaté elle-même (cf. arrêt, p. 7, 6e et 7e attendus) qu'il résultait des stipulations de la police d'assurance litigieuse, parfaitement conforme aux textes en vigueur au moment de l'accident, que l'adjonction d'une remorque de plus de 750 kg constituait un risque nouveau et que si l'assuré adjoignait une telle remorque au tracteur assuré, sans en informer l'assureur, le véhicule cessait d'être assuré ; que la cour d'appel ne pouvait énoncer ensuite (arrêt, p. 8, 1er attendu) que l'adjonction d'une telle remorque, dans le cas d'espèce, n'était pas constitutive d'un risque nouveau et que l'assureur était tenu à garantie, sous prétexte que l'assureur ne pouvait ignorer que le tracteur assuré était conçu pour cet usage et qu'il convenait d'" interpréter " le contrat d'assurance ;
" et alors que les juges du fond ne peuvent modifier comme bon leur semble la cause et l'objet des demandes qui leur sont soumises ; que l'UPE, dans ses conclusions d'appel, avait demandé sa mise hors de cause totale, en disant notamment que, lors de l'accident, il pesait sur la société Rativet une obligation d'assurance tant sur le véhicule tracteur que sur le véhicule tracté ; qu'elle avait tout aussi clairement rappelé les stipulations contractuelles excluant sa garantie et l'existence d'un risque nouveau non déclaré ; que la cour d'appel ne pouvait " interpréter " à sa manière ces conclusions pour leur faire dire que l'assureur avait admis " implicitement " que le véhicule tracteur était bien assuré au moment de l'accident " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 211-1 du Code des assurances ;
Attendu qu'en application de ce dernier texte, un contrat d'assurance automobile ne couvre la responsabilité de l'assuré que pour les véhicules désignés aux conditions particulières de la police ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'un véhicule tracteur appartenant à la société de transport Rativet, et conduit par son préposé, Serge X..., a été impliqué dans un accident de la circulation au cours duquel 2 personnes ont été blessées ; qu'à ce véhicule était attelée une remorque, louée par le transporteur à la société Base Intermarché de Rieux ;
Que, dans les poursuites exercées contre le conducteur de l'ensemble routier, notamment pour blessures involontaires, la compagnie l'Union et le Phénix Espagnol (UPE), assureur du tracteur, est intervenue pour décliner sa garantie au motif que la remorque attelée à ce véhicule lors de l'accident n'était pas assurée ; que le tribunal a accueilli l'exception et prononcé la mise hors de cause de l'assureur ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et déclarer la compagnie UPE tenue à garantie, la cour d'appel, après avoir relevé qu'aux termes des conditions générales du contrat de flotte souscrit par la société de transport Rativet, l'adjonction au véhicule assuré d'une remorque de plus de 750 kg constituait un risque nouveau, la cour d'appel retient que l'assureur, qui n'invoque qu'une aggravation du risque couvert, ne saurait refuser sa garantie au seul motif que la semi-remorque attelée au tracteur lors de l'accident ne figurait pas aux conditions particulières de la police ;
Que les juges ajoutent que l'adjonction de cette semi-remorque n'est pas constitutive d'un risque nouveau au sens des conditions générales de la police, qui doivent s'interpréter au regard des exigences particulières de l'assurance de tracteurs routiers ; qu'ils en déduisent que l'exception invoquée par l'UPE n'est pas opposable aux victimes ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que la remorque, dont l'adjonction modifiait l'objet du risque, n'était pas comprise dans les véhicules mentionnés à la police, la cour d'appel a méconnu les textes et principe sus-rappelés ;
Que la cassation est, dès lors, encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, en date du 2 août 1995, mais seulement en ce qu'il a statué sur la garantie de la compagnie l'Union et le Phénix Espagnol, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.