REJET des pourvois formés par :
- X... Francis,
- Y... Michèle, épouse X...,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 20e chambre, du 26 janvier 1996, qui, après relaxes des prévenus dans la procédure suivie contre eux des chefs d'homicides et blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que 7 personnes ont trouvé la mort, et que plusieurs autres ont été blessés, à la suite de l'effondrement d'un immeuble, causé par une explosion due à une fuite de gaz dans l'appartement occupé par les époux Z... et leurs fils Stéphane, cette fuite étant imputable à un raccordement défectueux du tuyau souple de la plaque de cuisson à l'embout de la canalisation d'arrivée du gaz ;
Attendu que, sur les poursuites exercées contre les époux Z... et leur fils Stéphane, pour homicides et blessures involontaires, et sur la constitution de parties civiles, notamment, des époux X..., l'arrêt attaqué prononce la relaxe des prévenus et, avant dire droit sur la demande d'indemnisation des époux X..., fondée subsidiairement sur l'article 470-1 du Code de procédure pénale, et l'exception de non-garantie présentée par la compagnie Uni-Europe, partie intervenante, renvoie les débats à une audience ultérieure déterminée, afin de permettre aux prévenus de conclure sur ces derniers points ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-3 et 221-6 du nouveau Code pénal, 319 et 320 du Code pénal, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Gilles, Stéphane et Mireille Z... des chefs d'homicides et blessures involontaires et débouté les demandeurs de leur demande de réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
" aux motifs que les prévenus ne sont pas responsables de l'erreur de droit qu'ils ont commise, en raccordant 2 tuyaux de diamètre inégal, alors qu'il n'est pas établi que les dispositions de l'arrêté du 2 avril 1977, prévoyant que les caractéristiques des tuyaux souples de raccordement doivent être adaptées au diamètre des embouts de raccordement, ait été portée à leur connaissance, notamment au moyen d'une information diffusée par EDF-GDF, ou d'une notice du fabricant ;
" alors, d'une part, qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une erreur de droit de rapporter la preuve de son caractère inévitable ; qu'en l'espèce il appartenait aux prévenus de rapporter la preuve du défaut de publicité de l'arrêté du 2 août 1977, qui aurait rendu inévitable l'erreur de droit qu'ils avaient commise par ignorance de ces dispositions ; qu'en déclarant les prévenus pénalement irresponsables pour erreur de droit et en retenant qu'il n'était pas établi que ces dispositions avaient été portées à leur connaissance, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et violé les dispositions susvisées ;
" et alors, d'autre part, que le fait que les dispositions de l'arrêté du 2 août 1977 n'aient pas été portées spécialement à la connaissance des prévenus au moyen d'une information diffusée par EDF-GDF ou d'une notice du fabricant ne rendait nullement inévitable l'erreur de droit commise par les prévenus par ignorance de ces dispositions, dès lors que celles-ci avaient été régulièrement publiées ; qu'en statuant ainsi sans constater que l'arrêté du 2 août 1977 n'avait pas été régulièrement publié, l'arrêt attaqué a violé les dispositions susvisées " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 221-6 du nouveau Code pénal, 319 et 320 du Code pénal, 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Gilles, Stéphane et Mireille Z... des chefs d'homicides et blessures involontaires, et débouté les demandeurs de leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
" aux motifs que l'inégalité de diamètre du tuyau souple et de la canalisation n'était pas telle que les extrémités ne puissent s'emboîter l'une dans l'autre, étant observé au surplus que le caoutchouc permet une telle dilatation ; que l'on peut croire les prévenus lorsqu'ils affirment que l'installation avait une bonne tenue, même sans collier de serrage, et on ne peut leur reprocher d'avoir ignoré la loi mécanique énoncée par l'expert, homme de l'art, donc plus avisé que la moyenne des individus, suivant laquelle cet emmanchement imparfait et l'élasticité du caoutchouc ne pouvaient que favoriser son glissement vers l'extrémité de l'embout et entraîner sa désolidarisation, d'autant plus que l'assujettissement du tuyau n'était pas amélioré par un collier de serrage, conclusions que les individus normalement avisés ne sont pas tenus de connaître ;
" alors que tout individu normalement avisé et prudent connaît les dangers du gaz et doit, lorsqu'il procède au raccordement d'une table de cuisson avec la canalisation murale d'arrivée de gaz, s'assurer que le tuyau de raccordement concorde parfaitement avec l'embout métallique et que l'installation est sans faille ; qu'ainsi, en installant en force un tuyau de raccordement d'un diamètre inférieur à celui de l'embout métallique, sans même prendre la précaution de renforcer l'embranchement avec un collier de serrage, les prévenus se sont rendus coupables d'imprudence et de négligence fautives, constitutives du délit d'homicides et de blessures involontaires ; qu'en décidant le contraire l'arrêt attaqué a violé les dispositions susvisées " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-3 et 221-6 du nouveau Code pénal, 319 et 320 du Code pénal, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Mireille Z... des chefs d'homicides et blessures involontaires et a débouté les demandeurs de leur demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
" aux motifs que dans une situation normale le gaz ne s'échappe dans l'atmosphère qu'en cas de mise en fonctionnement des brûleurs, même si la vanne d'arrivée du gaz de ville est ouverte ; que la situation était en apparence normale et que dans ces conditions on ne peut imputer à faute à Mireille Z... l'absence de fermeture du robinet ;
" alors qu'il résulte des propres constatations des juges du fond que Mireille Z... avait remarqué l'absence de collier de serrage, s'était promis d'en acheter un mais avait différé cet achat ; qu'en attendant de procéder à cette acquisition, qu'elle avait jugée nécessaire pour consolider le raccordement du tuyau, il appartenait à Mireille Z... de prendre la précaution élémentaire de fermer le robinet à gaz ; qu'en décidant que son abstention d'effectuer cette fermeture ne constituait pas une imprudence ou une négligence fautive, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour relaxer les prévenus, la juridiction du second degré retient qu'on ne saurait reprocher aux époux Z... et à leur fils d'avoir méconnu la loi mécanique énoncée par l'expert à propos de l'emmanchement d'un tuyau souple élastique sur un embout de diamètre différent, dès lors qu'ils avaient constaté que l'installation avait une bonne tenue, même sans collier de serrage ; que les juges ajoutent qu'on ne saurait imputer la faute à Mireille Z... de s'être abstenue de fermer la vanne d'arrivée du gaz de ville, en présence d'une situation normale ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, et qui procédent de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel, abstraction faite des motifs énoncés mais surabondants, relatifs à une erreur sur le droit, a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-3 et 221-6 du nouveau Code pénal, 319 et 320 du Code pénal, 2 et 3 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil :
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir relaxé pour erreur de droit Gilles, Stéphane et Mireille Z... des chefs d'homicides et blessures involontaires, a débouté les époux X..., parties civiles, de leur demande de réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;
" au motif que la responsabilité pénale des prévenus n'étant pas retenue, aucune réparation ne peut être accordée sur un fondement quasi délictuel (arrêt, page 11, alinéa 6) ;
" alors que l'erreur de droit de l'article 122-3 du nouveau Code pénal ne constitue pas une cause d'irresponsabilité civile ; que nul n'étant censé ignorer la loi la méconnaissance des prescriptions de l'arrêté du 2 août 1977 constitue à tout le moins une faute civile, sans qu'au plan civil les prévenus puissent se prévaloir d'une prétendue erreur de droit " ;
Attendu que les juges, qui ont réservé les droits des parties civiles au regard des règles du droit civil en application de l'article 470-1 du Code de procédure pénale, énoncent qu'en raison de la relaxe des prévenus des fins de la poursuite pénale, aucune réparation ne pouvait être accordée sur le fondement " quasi délictuel " ;
Mais attendu que la relaxe n'est justifiée que par l'absence de faute imputable aux prévenus et non par l'erreur sur le droit retenue à tort par la cour d'appel ; que, dès lors, le moyen devenu inopérant ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.