REJET du pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Bourges, chambre correctionnelle, du 9 novembre 1995, qui, pour exercice illégal de la pharmacie en récidive, l'a condamné à 50 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 551, 565 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation délivrée à la requête du conseil national de l'Ordre des pharmaciens ;
" aux motifs que les produits sont parfaitement définis par la citation qui indique clairement qu'il s'agit tantôt de plantes non libéralisées, tantôt de plantes libéralisées mais non vendues en l'état ; qu'ils constituent, pour tous, des médicaments par présentation, pour certains, des médicaments par fonction, enfin, pour quelques-uns, des remèdes secrets ; que ces précisions sont amplement suffisantes pour permettre à Christian X... d'exercer pleinement les droits de sa défense, et ce d'autant plus qu'il réfute d'une manière globale, pour tous les produits qu'il fabrique et distribue, la qualification de médicaments, de telle sorte qu'il ne peut raisonnablement déplorer que la citation ne contienne pas un catalogue complet de ce qu'il y aurait lieu de considérer comme médicaments par nature, par fonction ou par présentation ;
" alors que tout "accusé" a le droit d'être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que cette information détaillée est encore plus indispensable lorsque le texte légal qui définit l'incrimination est interprété d'une manière particulièrement extensive ; que tel est le cas de l'exercice illégal de la pharmacie en raison de la vente de " médicament ", dès lors que la loi définit le " médicament " soit en raison de sa nature, de sa fonction ou de sa présentation ; qu'il était donc indispensable en l'espèce que Christian X..., afin d'exercer pleinement ses droits à la défense, puisse savoir en quoi les produits qu'il commercialisait pouvaient être considérés comme médicaments en raison de leur nature, de leur fonction ou de leur présentation ; qu'en se bornant à dire qu'il était mentionné à la citation que les produits vendus par Christian X... constituaient tous des médicaments par présentation, pour certains des médicaments par fonction, enfin pour quelques-uns des remèdes secrets, et que ces précisions étaient amplement suffisantes pour permettre à Christian X... d'exercer pleinement les droits de sa défense, la Cour a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a écarté, à bon droit, l'exception de nullité de la citation directe qui énonce de manière détaillée le fait reproché au prévenu ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 7, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, L. 511, L. 512, L. 517, L. 518 et 519, L. 556, L. 596, L. 551, L. 601 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie et l'a condamné à une peine d'amende ainsi qu'à des dommages-intérêts ;
" aux motifs que Christian X..., qui revendique pour son établissement des Laboratoires
X...
l'appellation "Plantes médicinales Christian X...", se place d'emblée, par l'utilisation du vocable "plante médicinale", et quelque exégèse que l'on puisse faire du terme de "médicinale", dans le cadre des dispositions de l'article L. 512.5° du Code de la santé publique qui réserve la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée aux seuls pharmaciens ; que, certes, un certain nombre de plantes ont été exclues du monopole, notamment par un décret du 15 juin 1979 qui fournit une liste de plantes ainsi libéralisées, à laquelle appartiennent plusieurs de celles mises en oeuvre par le prévenu ; que, cependant, cette libéralisation suppose, pour être effective, que lesdites plantes soient vendues "en l'état" ; que cela ne saurait être le cas de plantes "micronisées" c'est-à-dire réduites en poudre, mais une réduction qui en altère la structure, cette altération étant d'ailleurs revendiquée par Christian X... dans sa documentation ; qu'en procédant à ce traitement de plantes indubitablement médicinales puis en les conditionnant en vue de leur distribution auprès des consommateurs, quelle que soit d'ailleurs la nature de ce circuit de distribution, Christian X... a porté atteinte au monopole pharmaceutique ; que, de surcroît, la présentation qu'il fait de la plus grande partie de ces produits, et sans qu'il y ait lieu de s'attacher à leur nature ou à leur fonction intrinsèques, en fait des médicaments au sens de l'article L. 511, alinéa 1, du Code de la santé publique ; qu'il suffit pour s'en convaincre de se reporter, à titre d'exemples, à quelques articles du catalogue des laboratoires X... ; que ce catalogue comporte d'ailleurs un index des propriétés thérapeutiques qui permet d'expliciter les indications fournies par chaque notice ; qu'en outre, d'une manière générale, Christian X... s'ingénie à présenter sa production comme celle d'un laboratoire pharmaceutique au sens propre du terme ; que si le terme de "laboratoire" est en effet, comme il le soutient à juste titre, singulièrement banalisé, il n'en reste pas moins que l'habile combinaison des initiales CF de manière à évoquer la forme générale du caducée symbole traditionnel du corps médical, ressemblance visiblement voulue puisque accentuée par un entourage serpentin, l'indication que le laboratoire est "au service des praticiens des médecines naturelles", l'utilisation pour les bons de commande de la couleur verte traditionnellement réservée à la pharmacie sont de nature à créer une assimilation entre les activités des laboratoires X... et celles d'un laboratoire pharmaceutique à part entière ; qu'enfin, le prévenu est d'autant moins fondé à soutenir que les produits ainsi distribués sont de simples compléments alimentaires qu'il a pris soin de créer, à côté du département principal, un département "X... Diet" dont les produits commercialisés sont bien distincts des premiers qui eux, ainsi que cela vient d'être démontré, sont présentés comme des médicaments ;
" 1° alors que toute infraction doit être définie en des termes suffisamment précis pour exclure toute incertitude quant au champ d'application de la loi pénale ; que l'article L. 511 du Code de la santé publique qui définit la notion de médicament et sert de base aux poursuites pour exercice illégal de la profession de pharmacien, ne répond pas à cette exigence de précision, dès lors qu'il définit le médicament selon sa nature, sa fonction ou sa présentation, sans qu'aucun critère précis, si ce n'est un examen au cas par cas, ne permette de distinguer entre le produit en vente libre et le "médicament" réservé au monopole du pharmacien ; qu'en raison de son imprécision, le texte précité méconnaît le principe de légalité consacré tant par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par le Pacte de New York ; qu'il doit donc être écarté, les traités ayant une autorité supérieure à celle des lois internes, et ne saurait servir de base à la condamnation ;
" 2° alors que le décret du 15 juin 1979 a exclu du monopole pharmaceutique certaines plantes médicinales à la condition qu'elles soient vendues en l'état ; que ce terme, s'il interdit toute modification de la substance de la plante par addition ou soustraction, ne saurait concerner la simple réduction en poudre de ladite plante nécessaire pour en faciliter l'utilisation par le consommateur, dès lors qu'une telle opération ne porte aucune atteinte aux composants de la plante qui restent les mêmes ; qu'en décidant, cependant, qu'en procédant à ce "traitement" pour des plantes exclues du monopole, Christian X... en avait altéré l'état et s'était rendu coupable du délit d'exercice illégal de la pharmacie, la Cour a violé par fausse interprétation le texte susvisé ;
" 3° alors que le simple rappel des qualités et vertus d'un produit et les conseils d'utilisation ne sauraient être assimilés à la présentation de ses propriétés thérapeutiques ; qu'en estimant qu'en conseillant l'emploi de diverses plantes dans certaines situations, Christian X... avait présenté ses produits comme des médicaments et s'était rendu coupable d'exercice illégal de la pharmacie, la Cour a violé les textes susvisés ;
" 4° alors que, ainsi que le faisait valoir Christian X... dans ses conclusions d'appel, ses produits étaient vendus uniquement sur conseil, à des professions médicales et paramédicales et ne faisaient pas l'objet de vente par correspondance ou de vente directe au consommateur ; qu'ainsi le mode de présentation du produit, quel qu'il ait pu être, ne pouvait tromper un "consommateur moyennement avisé" puisque c'est uniquement par l'intermédiaire d'un professionnel du milieu médical ou paramédical que le particulier pouvait se procurer les produits commercialisés par Christian X... ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société " X... Pharm " commercialise auprès du public des plantes médicinales conditionnées sous forme de gélules par les laboratoires du même nom qui les fabriquent ; que Christian X..., dirigeant de la société et exploitant personnel des laboratoires, qui n'est pas titulaire du titre de pharmacien, est poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie en récidive ;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ce délit, les juges énoncent que les dispositions de l'article L. 512.5° du Code de la santé publique réservent aux pharmaciens la vente de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée ; qu'ils relèvent que le prévenu ne peut se prévaloir du décret du 15 juin 1979 autorisant la vente en l'état de certaines de ces plantes par des personnes autres que des pharmaciens et herboristes, dès lors que celles qu'il distribue font l'objet d'une réduction en poudre, opération destinée, selon la documentation qu'il diffuse, à altérer " la paroi squelettique " de la plante et libérer ses principes actifs ;
Que les juges ajoutent que ces produits, qui pour la plupart figurent dans le catalogue de vente avec l'indication de leurs propriétés thérapeutiques, constituent des médicaments par présentation ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision au regard notamment de l'article L. 511 du Code de la santé publique dont les termes ne sont pas contraires au principe de la légalité des délits et des peines ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.