AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ALDEBERT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de Me de NERVO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de Y...;
Statuant sur les pourvois formés par :
- Z... Marta,
- Z... Stéfan,
- Z... Stéphan,
parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de NANCY, chambre correctionnelle, du 23 janvier 1996, qui, dans la procédure suivie contre Patrice FLEURANT pour blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné solidairement le prévenu et le civilement responsable à payer les sommes de 8 000 francs à Marta Z..., mère de la victime, ainsi qu'à Stéfan Z..., frère de la victime, et celle de 5 000 francs à Stéphan Z..., père de la victime, en réparation de leur préjudice;
"aux motifs propres que le tribunal a, à juste titre, reçu les constitutions de partie civile de Marta Z..., en son nom personnel, de Stéfan Z... (père de la victime) et de Stéphan Z... (frère de la victime) et qu'il a exactement apprécié leur préjudice;
"et aux motifs adoptés que la vue des souffrances endurées par la victime, atteint d'importantes blessures, resté un temps en état d'inconscience et contraint de subir une rééducation neurologique, a causé à sa mère et à son frère un préjudice moral important, que leur présence au centre hospitalier de Nancy était nécessaire pour l'état de santé de la victime, qu'il convient d'estimer leur préjudice moral aux sommes susvisées;
"alors que, d'une part, les juges du fond ne peuvent statuer au point de vue des réparations civiles que dans les limites des conclusions dont ils sont saisis; que la cour d'appel, en évaluant définitivement les préjudices subis personnellement par la mère, le père et le frère de la victime, ce qui n'était pas demandé par les parties civiles qui avaient déposé des conclusions tendant non seulement à ce qu'il soit sursis à statuer sur leurs préjudices mais aussi à ce qu'il leur soit alloué une provision, a dépassé les limites de ses pouvoirs et violé le principe ci-dessus rappelé;
"et alors que, d'autre part, la Cour s'est abstenue de répondre aux conclusions de la mère et du frère de la victime qui demandaient qu'il soit tenu compte dans l'appréciation de la provision qu'ils sollicitaient du préjudice matériel résultant pour eux de ce qu'ils avaient dû abandonner leurs activités professionnelles en Slovaquie pour rester au chevet de leur fils et frère, à l'état de santé duquel leur présence a été pourtant jugée nécessaire";
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision; qu'en outre, les juges sont tenus de répondre aux conclusions dont ils sont saisis;
Attendu qu'appelée à se prononcer sur la réparation des conséquences dommageables de l'accident dont Patrice Fleurant, reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Peters Z..., a été déclaré responsable, la juridiction du second degré, saisie de conclusions des consorts Z..., parents et frère de la victime, tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la réparation de leurs préjudices matériel et moral et à ce qu'il leur soit alloué de ces chefs des indemnités provisionnelles, fixe, cependant, définitivement l'indemnité réparatrice des préjudices moraux et ordonne une expertise médicale pour déterminer le préjudice de la victime;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur le refus de surseoir à statuer sur le préjudice moral des victimes par ricochet et en omettant de se prononcer sur les demandes de la mère et du frère de la victime tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'abandon de leurs activités professionnelles, la cour d'appel a méconnu les textes et les principes susrappelés;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, du 23 janvier 1996, mais seulement en ce qu'il a statué sur la réparation du préjudice des parties civiles Marta Z..., Stéphan Z... et Stéfan Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues;
Et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Blin conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Aldebert conseiller rapporteur, MM. Grapinet, Challe, Mistral conseillers de la chambre, Mmes X..., Verdun conseillers référendaires;
Avocat général : M. de Gouttes ;
Greffier de chambre : Mme Ely ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;