Sur le moyen unique :
Vu les articles 1116 et 2052 du Code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, qu'il ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'il résulte du second que les transactions ne peuvent être attaquées pour cause de lésion ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X..., exerçant les fonctions de directeur général de la Coopérative agricole Aunis-Saintonge, dite Océane, licencié pour motif économique, a signé, le 28 février 1990, une première transaction concernant les conséquences de son licenciement ; qu'il a signé, le 5 mars 1990, une seconde transaction relative à la rupture de son contrat de travail, se substituant à la précédente, et prévoyant notamment le paiement de dommages-intérêts, ainsi que l'acquisition du véhicule de fonction mis à sa disposition pour 1 franc ; que l'employeur a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de nullité de la transaction du 5 mars 1990 en invoquant un dol de la part du salarié ;
Attendu que, pour annuler la transaction du 5 mars 1990 et pour, en conséquence, condamner le salarié à rembourser l'indemnité transactionnelle par lui perçue et constater la résiliation de la vente à son profit de son véhicule de fonction, l'arrêt énonce que la transaction précise dans son exposé préalable que le salarié " avait d'ores et déjà trouvé un emploi et que cet emploi le contraignait, à plus de 55 ans, à déménager pour aller vivre en région parisienne, l'obligeait à se couper de ses relations en Charente-Maritime, lui causait une gêne importante sur le plan familial du fait de son déplacement et, enfin, l'astreignait à se réadapter à un rythme de vie totalement différent de celui auquel il était accoutumé depuis plus de 26 ans passés en province " ; que toutes ces affirmations, qui ont manifestement déterminé l'employeur à octroyer des indemnités supplémentaires, sont fausses ; qu'aucun des avantages prévus dans la transaction du 5 mars 1990 n'aurait été octroyé si l'employeur avait su que le salarié devait se lier à l'entreprise UDCA, qui allait devenir directement sa rivale dans la région, en déployant sous la responsabilité de son ancien directeur une activité de commercialisation, outre son ancienne activité d'approvisionnement et de stockage ; que la cour d'appel en déduit que les affirmations du salarié sur son nouvel emploi et ses conséquences préjudiciables constituent une pratique dolosive qui doit entraîner l'annulation de la transaction ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que la seule circonstance que les mensonges reprochés au salarié aient amené l'employeur à lui consentir des concessions plus avantageuses n'était pas de nature à affecter la validité de la transaction et alors, d'autre part, qu'elle n'a pas recherché si, sans les mensonges invoqués, il était évident que l'employeur n'aurait pas signé la transaction, la cour d'appel a violé le second des textes susvisés et a privé sa décision de base légale au regard du premier ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.