CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 7e chambre, en date du 20 mai 1996, qui, pour abandon de famille, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant 3 ans et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 227-3 du Code pénal, 357-2 ancien du même Code, 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'abandon de famille ;
" aux motifs que le caractère volontaire du défaut de paiement est déduit de l'existence préalable d'une décision civile qui a apprécié les capacités financières du débiteur ; qu'en l'espèce les obligations mises à la charge de X... par le jugement de divorce, en date du 5 décembre 1983, et par l'arrêt du 24 mai 1988 de la Cour de Paris n'ont pas fait l'objet d'une suppression par le juge ; que, par ailleurs, le prévenu qui conserve la faculté d'apporter la preuve contraire ne rapporte aucunement la preuve de son insolvabilité ; que ses ressources, ses facultés contributives sont certaines et que, s'il a choisi de fonder un nouveau foyer et de contracter des emprunts qu'il doit évidemment rembourser, cela ne saurait, en aucun cas, le dispenser de remplir ses obligations envers son ex-épouse et son fils du premier lit ; qu'il est établi que ce dernier, quoique majeur, est bien à charge car il continue ses études et ne peut se suffire à lui-même ; qu'il échet donc de confirmer le jugement sur la culpabilité du prévenu et sur la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve avec exécution provisoire ; que, sur les intérêts civils, la Cour juge qu'il y a lieu de confirmer le montant des dommages-intérêts alloués par le tribunal ;
" 1° alors que le caractère volontaire du défaut de paiement des pensions pendant la période considérée ne saurait, en application des dispositions du nouveau Code pénal, être présumé et découler de l'existence préalable d'une décision de justice condamnant le débiteur à payer ces pensions ; qu'en déclarant, en l'espèce, que le caractère volontaire du défaut de paiement était déduit de l'existence préalable d'une décision civile qui a apprécié les capacités financières du débiteur la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction et a violé les articles susvisés ;
" 2° alors que caractérise l'absence d'élément intentionnel l'insolvabilité qui dès lors qu'elle ne résulte pas d'une organisation frauduleuse met le débiteur dans l'impossibilité de faire face à ses engagements ; que X... faisait valoir que l'importance de ses charges tant professionnelles que personnelles le mettait dans l'impossibilité totale de faire face au paiement des pensions et prestations d'un montant total de 7 500 francs ; qu'en refusant d'examiner ces éléments au seul motif que les facultés contributives de X... étaient certaines et que, s'il avait choisi de fonder un nouveau foyer et de contracter des emprunts, cela ne pouvait le dispenser de remplir ses obligations, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 112-1 et 121-3 du Code pénal, entrés en vigueur le 1er mars 1994 ;
Attendu que les juges doivent caractériser dans tous leurs éléments constitutifs les infractions dont ils déclarent les prévenus coupables ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que X... est poursuivi pour être volontairement demeuré plus de deux mois, de novembre 1993 à décembre 1994, sans acquitter le montant intégral des pensions alimentaires et prestations compensatoires qu'il avait été condamné à payer à D... X... ainsi qu'à J... et V... X..., par jugement en date du 5 décembre 1983 et ordonnance du 30 octobre 1986 ;
Attendu que, pour le déclarer coupable du délit d'abandon de famille, la cour d'appel relève notamment que le caractère volontaire du défaut de paiement est déduit de l'existence préalable d'une décision civile qui a apprécié les capacités financières du débiteur ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte sans caractériser l'élément intentionnel du délit d'abandon de famille, alors que l'article 227-3 du Code pénal, en vigueur à la date de l'arrêt, n'a pas repris les dispositions de l'article 357-2 ancien qui présumaient volontaire le défaut de paiement, la cour d'appel a méconnu les textes et le principe ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, en date du 20 mai 1996, et, pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris.