AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la Caisse de Crédit mutuel Angers-Anjou, dont le siège est ... en cassation d'un arrêt rendu le 21 décembre 1993 par la cour d'appel d'Angers (1re chambre, section A), au profit :
1°/ de M. Jean-Pierre Y..., demeurant 53, rue du Pont Fouchard, 49500 Angers,
2°/ de M. Bernard Z..., demeurant ..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de M.
Philippe X..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 22 avril 1997, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Armand-Prevost, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Armand-Prevost, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la Caisse de Crédit mutuel Angers-Anjou, de Me Choucroy, avocat de M. Y..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Z..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 21 décembre 1993), que M. X..., commerçant ultérieurement mis en redressement puis en liquidation judiciaires, a cédé, au cours des mois de décembre 1988 et de janvier 1989, au profit de la Caisse de Crédit mutuel Angers-Anjou (la banque) des créances professionnelles sur M. Y... ; que la banque a assigné le débiteur cédé, qui a soutenu avoir déjà réglé certaines créances par lettres de change acceptées; que M. Z..., liquidateur de la procédure collective, assigné en déclaration de jugement commun, a conclu à l'annulation des cessions de créances comme ayant été consenties durant la période suspecte ;
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Attendu que la banque reproche à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des cessions de créances professionnelles consenties par M. X... et de l'avoir en conséquence déboutée de sa demande principale tendant à la condamnation du débiteur cédé au paiement des créances ainsi mobilisées, alors, selon le pourvoi, que l'action en nullité édictée par les articles 107 et 108 de la loi du 25 janvier 1985 ne peut être exercée que par l'administrateur judiciaire, le représentant des créanciers, le liquidateur ou le commissaire à l'exécution du plan du débiteur; qu'en déclarant recevable et fondée l'action en nullité du bordereau de cession formée par le débiteur cédé et en faisant en conséquence profiter ce dernier d'une annulation qui n'a été édictée que dans l'intérêt de la masse des créanciers du débiteur, la cour d'appel a violé l'article 110 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que, dès lors que la demande d'annulation du bordereau de cession de créances avait été formée par le liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X..., le débiteur cédé pouvait se prévaloir de la nullité des cessions de créances consenties par M. X...; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur les deuxième, troisième et quatrième branches réunies :
Attendu que la banque fait le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération des faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués à l'appui de leurs prétentions, c'est à la condition de les inviter au préalable à en débattre contradictoirement; qu'en l'espèce, s'il avait bien formé pour la première fois en cause d'appel une demande tendant à l'annulation du bordereau de cession, l'administrateur judiciaire s'était borné à se référer à un arrêt rendu dans une autre instance le 1er février 1993 et n'avait nullement prétendu que les éléments versés aux débats tant par lui-même que par la banque auraient établi que la cession n'avait pas été consentie dans l'exercice normal d'une activité commerciale pour procurer un crédit au cédant mais avait été réalisée pour réduire le solde débiteur de son compte courant à une date où la banque connaissait l'état de cessation de ses paiements; qu'en retenant d'office un tel moyen sans inviter au préalable la banque à présenter ses observations à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, qu'une cession de créances consentie dans les formes de la loi du 2 janvier 1981 peut garantir le remboursement d'un crédit antérieurement accordé par le cessionnaire au cédant; qu'en prononçant l'annulation des cessions de créances consenties au profit de la banque par le cédant en état de cessation des paiements, par cela seul que ces cessions n'avaient pas été faites dans l'exercice normal d'une activité commerciale, pour procurer un crédit, mais l'avaient été pour réduire le solde d'un compte courant, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981; et alors, enfin, que la connaissance de la cessation des paiements du cédant doit s'apprécier à la date de conclusion de l'acte annulé; qu'en déduisant la connaissance qu'aurait eue la banque de l'état de
cessation des paiements du cédant de circonstances qui étaient toutes postérieures aux actes annulés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction, que l'arrêt retient que les cessions de créances ont été réalisées pour réduire le solde débiteur du compte courant à une date où la banque connaissait l'état de cessation des paiements du cédant ;
que cette seule constatation justifie légalement la décision d'annulation ;
Attendu, en second lieu, qu'analysant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a souverainement apprécié que ceux-ci établissaient que les cessions de créances litigieuses ont été réalisées à une date où la banque connaissait l'état de cessation des paiements ;
D'où il suit que manquant en fait en sa deuxième branche, le moyen est non fondé en ses troisième et quatrième branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse de Crédit mutuel Angers-Anjou aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la Caisse de Crédit mutuel Angers-Anjou ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.