REJET du pourvoi formé par :
- X... Tahar,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 6 mars 1997, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de vol avec arme et séquestration de personnes comme otages, a rejeté sa demande de mise en liberté.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que, par arrêt du 23 février 1995, la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes a renvoyé Tahar X... devant la cour d'assises sous l'accusation de vol avec arme et séquestration de personnes comme otages, et a décerné ordonnance de prise de corps ; que, suivant un autre arrêt du 7 décembre 1995, la même juridiction a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de l'accusé, qui était détenu depuis le 26 janvier 1993 ;
Attendu que, le 4 juin 1996, à la veille de l'audience de la cour d'assises, Tahar X... s'est constitué prisonnier à la maison d'arrêt de Rennes, mais qu'en raison de l'absence de deux de ses coaccusés, un arrêt du 5 juin 1996 a renvoyé l'affaire à une session ultérieure et remis Tahar X... en liberté sous contrôle judiciaire avec les mêmes obligations ; que, le 18 décembre 1996, l'accusé a comparu libre devant la cour d'assises, l'ordonnance de prise de corps n'ayant pas été ramenée à exécution, et qu'après avoir assisté à toutes les audiences, il a pris la fuite, le 22 décembre 1996, au moment où la cour d'assises revenait de la chambre des délibérations pour rendre son verdict, qui, en conséquence, n'a pas été prononcé ;
Attendu que, saisi par le ministère public sur le fondement de l'article 141-2 du Code de procédure pénale, le président de la chambre d'accusation, après avoir constaté que l'intéressé s'était volontairement soustrait à l'obligation générale que lui imposait le contrôle judiciaire de répondre aux convocations de justice, a donné l'ordre, le 31 janvier 1997, de mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps du 23 février 1995 ; que cette décision a été exécutée le 3 février 1997 ;
Attendu que, le 20 février 1997, Tahar X... a adressé une demande directe de mise en liberté à la chambre d'accusation qui, sous la présidence du même magistrat qui avait délivré l'ordre d'incarcération, l'a rejetée par l'arrêt attaqué ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 141-1, 141-2, 148-1, 191, 215, 215-1 du Code de procédure pénale, 5.3, 5.4, 5.1 et 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté de Tahar X... ;
" aux motifs 1° que "l'ordonnance de prise de corps décernée contre Tahar X... par l'arrêt de renvoi a été une première fois mise à exécution la veille de l'audience de la cour d'assises, le 4 juin 1996 ; que, le 5 juin 1996, la Cour, constatant l'absence de deux coaccusés, a, avant l'ouverture des débats, renvoyé l'examen de l'affaire à une session ultérieure et, statuant sur une demande de mise en liberté qui lui était présentée par Tahar X..., a fait droit à sa demande et l'a placé sous contrôle judiciaire ; qu'ainsi l'ordonnance de prise de corps n'est pas devenue caduque ; qu'à partir du 17 décembre 1996, Tahar X... a comparu devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine sans que l'ordonnance de prise de corps décernée contre lui ait été exécutée ; que cette absence d'exécution ne résulte pas d'une prétendue caducité de l'ordonnance de prise de corps mais de seules considérations d'opportunité, ladite ordonnance devant, en application des dispositions de l'article 215-1 du Code de procédure pénale, être mise à exécution par la constitution de Tahar X... à la maison d'arrêt de Rennes au plus tard la veille de l'audience ; que, comparaissant libre à l'audience de la cour d'assises, Tahar X... demeurait soumis aux obligations de contrôle judiciaire qui lui avaient été fixées par l'arrêt de la cour d'assises du 5 juin 1996 ; que le contrôle judiciaire est d'abord institué pour garantir le maintien de l'accusé à la disposition de la justice et qu'il s'applique jusqu'à ce que l'arrêt sur l'action publique, et le cas échéant sur l'action civile, ait été prononcé par la cour d'assises ; que Tahar X..., en s'absentant volontairement de la salle d'audience lorsque la Cour et le jury y sont entrés pour prononcer l'arrêt sur l'action publique, a méconnu les dispositions des obligations générales du contrôle judiciaire auxquelles il était astreint et a mis la Cour dans l'impossibilité de rendre une décision à son égard ; que, dès lors, et même s'il a ensuite respecté d'autres obligations spécifiques du contrôle judiciaire, Tahar X... s'est placé dans la situation prévue par l'article 141-2 du Code de procédure pénale ; que lui sont plus particulièrement devenues applicables les dispositions de l'alinéa 2 dudit article ; que l'ordonnance d'exécution de l'ordonnance de prise de corps a été prise le 31 janvier 1997, c'est-à-dire dans l'intervalle des sessions de la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine ; que, dès lors, seul le président de la chambre d'accusation était compétent pour donner l'ordre d'exécuter ladite ordonnance ; qu'il résulte de tout ce qui précède que le titre en vertu duquel Tahar X... se trouve actuellement incarcéré est régulier" ;
" alors que, quand la mise en liberté a été ordonnée par la cour d'assises, l'ordonnance de prise de corps qui a été mise à exécution lorsque l'accusé s'est constitué prisonnier ne peut plus produire d'effet, de sorte que le président de la chambre d'accusation ne pouvait en l'espèce ordonner exécution, le 31 janvier 1997, de l'ordonnance de prise de corps qui avait été exécutée le 4 juin 1996, lorsque Tahar X... s'était constitué prisonnier, puis définitivement anéantie par l'arrêt de la cour d'assises du 5 juin 1996 ordonnant sa mise en liberté ;
" aux motifs 2° que "le président de la chambre d'accusation tient de l'article 141-2 du Code de procédure pénale le pouvoir d'ordonner la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps à l'encontre d'un accusé qui s'est volontairement soustrait aux obligations de son contrôle judiciaire ; que l'exercice de ce pouvoir propre qui lui est conféré ne met pas obstacle à ce que ce même magistrat préside, conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale, les audiences de la chambre d'accusation, juridiction collégiale, pour statuer sur le contentieux ultérieur de la détention provisoire dont elle se trouve régulièrement saisie ; que l'application de ces dispositions ne saurait constituer une quelconque atteinte aux dispositions des articles 6 et 5.4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;
" alors qu'est contraire à l'exigence d'indépendance et d'impartialité énoncée à l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la participation d'un magistrat qui a décerné un titre de détention, à la composition de la juridiction appelée ultérieurement à connaître de la régularité de ce titre de détention ;
" aux motifs 3° que "Tahar X... doit comparaître à la session de la cour d'assises devant se tenir au courant du mois de juin 1997 ; que, s'il se sera écoulé un laps de temps important entre la mise en détention initiale de Tahar X... et le moment où ce dernier sera jugé, ce délai s'explique largement par les nombreux incidents procéduraux qui se sont produits et dont Tahar X... est, pour certains d'entre eux, lui-même responsable" ;
" alors qu'en ne justifiant pas de ce que la durée de la procédure aurait pour cause principale le comportement de Tahar X... la chambre d'accusation a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Sur le moyen pris en sa deuxième branche :
Attendu que, pour écarter le grief d'atteinte à l'exigence d'indépendance et d'impartialité résultant de l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêt attaqué énonce que l'exercice du pouvoir propre, conféré au président de la chambre d'accusation par l'article 141-2 du Code de procédure pénale, d'ordonner la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps à l'encontre de l'accusé qui s'est volontairement soustrait aux obligations du contrôle judiciaire, ne met pas obstacle à ce que le même magistrat préside, conformément aux dispositions de l'article 191 dudit Code, les audiences de la chambre d'accusation pour statuer sur le contentieux ultérieur de la détention provisoire dont elle se trouve régulièrement saisie ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les décisions de la chambre d'accusation ne préjugent pas de la culpabilité, la juridiction d'instruction a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
Sur le moyen pris en sa première branche :
Attendu que, pour déclarer régulier le titre de détention contesté par Tahar X..., l'arrêt attaqué relève que, comparaissant libre à l'audience de la cour d'assises, l'accusé n'en demeurait pas moins soumis aux obligations du contrôle judiciaire qui lui avaient été fixées par l'arrêt de cette cour d'assises du 5 juin 1996, ledit contrôle judiciaire s'appliquant jusqu'à ce que l'arrêt sur l'action publique, et éventuellement sur l'action civile, ait été prononcé ; qu'en se soustrayant à ce contrôle judiciaire Tahar X... s'est placé dans la situation prévue par l'article 141-2 du Code de procédure pénale, qui donne en ce cas compétence au président de la chambre d'accusation, dans l'intervalle des sessions, pour faire mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps, laquelle n'était en l'espèce nullement devenue caduque ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations les juges ont donné une base légale à leur décision ;
Qu'en effet il résulte de l'article 215-1 du Code de procédure pénale que le contrôle judiciaire, réitéré après une première mise en état de l'accusé et le renvoi de l'affaire à une session ultérieure, continue à produire ses effets tant que celui-ci ne s'est pas à nouveau constitué prisonnier ; que, selon l'article 141-2, alinéa 2, du même Code, l'ordonnance de prise de corps peut être ramenée à exécution sur l'ordre du président de la chambre d'accusation, dans l'intervalle des sessions de la cour d'assises, lorsque l'accusé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire ;
Sur le moyen pris en sa troisième branche :
Attendu que, pour rejeter les articulations de son mémoire invoquant un dépassement du délai raisonnable de la détention, au sens de l'article 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'arrêt attaqué énonce que Tahar X... doit comparaître à la session de la cour d'assises du mois de juin 1997 ; que la durée de la détention s'explique notamment par les nombreux incidents procéduraux dont il est, pour partie, lui-même responsable ; qu'ainsi, le comportement de Tahar X..., lors de l'audience du 18 décembre 1996, a constitué une entrave grave au fonctionnement régulier de la justice ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance et procédant de son appréciation souveraine, la chambre d'accusation a répondu comme elle le devait aux conclusions dont elle était saisie, et justifié sa décision au regard du texte susvisé ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation s'est prononcée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences de l'article 144 du Code de procédure pénale ; que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.